Bamako, 11 oct 2018 (AFP) - Une Peul qui triomphe devant une audience
survoltée sur des rythmes songhaï du nord du Mali, une danse sénoufo du Sud
interprétée par un candidat du Nord ... Bamako a vibré au son de l'unité
retrouvée, le temps d'un concours de danse télévisé.
La finale de Faso Don ("les danses du pays" en langue bambara) le 6 octobre
dans la grande salle bondée du Palais de la Culture, d'une capacité de 3.000
places, a marqué l'aboutissement de six semaines de cette émission de
télé-réalité centrée sur la danse, imaginée par le chorégraphe et danseur
malien Sekou Keïta.
Depuis longtemps, Sekou Keïta rêvait de remettre à l'honneur les danses
traditionnelles du Mali, qui compte une vingtaine de communautés: Bambara,
Malinké, Dogon, Peul, Bozo, Songhaï, Touareg, Arabe...
Mais ce n'est que six ans après le début de la crise dans laquelle le pays
est plongé que son projet a enfin pu voir le jour. Au moment où, malgré un
accord de paix en 2015, les violences jihadistes ont non seulement persisté,
mais se sont propagées du nord vers le centre et le sud du pays, se mêlant
souvent à des conflits intercommunautaires.
"Nos danses sont variées, il y a plusieurs ethnies, on a cette chance,
cette richesse culturelle", se félicite Sekou Keïta. Mais le directeur
artistique de l'émission se désole que les danses ivoiriennes, comme le
coupé-décalé, ou sénégalaises, n'aient plus de secret pour les danseurs
maliens, alors qu'ils méconnaissent souvent celles de leur propre pays.
Le chorégraphe a donc imaginé un concours où chaque candidat était invité à
s'initier à une danse traditionnelle d'une autre région que la sienne.
Le programme, diffusé sur la chaîne panafricaine Africable, a débuté après
une série de castings dans chacune des régions du pays pour sélectionner les
huit candidats qui ont partagé leur quotidien dans une villa à la périphérie
de Bamako.
Les candidats y ont alterné les répétitions et enregistrements des
émissions au Palais de la Culture, présentant chacun tour à tour une danse de
sa propre région et une d'une autre partie du pays.
- Vote du public -
Finaliste, Mohamed Kassogué, candidat dogon originaire de Mopti (centre)
s'est illustré par une prestation de danse contemporaine accompagné de masques
lors de son dernier passage sur scène.
Désormais assuré de l'appui de sa famille, il est plus que jamais décidé à
faire carrière dans la danse. "Ma famille me soutient très fort. Ils sont
contents et ils voient désormais que la danse a de la valeur. Et ils sont
fiers de moi : chaque fois ils m'appellent pour me féliciter", se réjouit-il.
"Ils savent maintenant que la danse c'est pas quelque chose de mauvais",
poursuit le jeune homme, originaire de la région qui concentre les violences
les plus sanglantes, et où les jihadistes font régner leur loi dans de
nombreux secteurs.
Les spectateurs et téléspectateurs qui avaient la possibilité de participer
au vote désignant le vainqueur avaient chacun leur favori.
"Je suis venu voir ce show car moi aussi je suis danseur, je danse depuis
2006, je fais du hip-hop", explique Oumar Tamboura venu assister aux trois
heures d'enregistrement de l'émission pour soutenir une des candidates, sa
"petite soeur" Aïssata Konaté.
"Donc ça m'a motivé pour venir car c'est la première fois que je vois
quelque chose de ce genre car auparavant les gens ne s'intéressaient pas à la
danse traditionnelle, ce qui concernait la tradition, les coutumes",
ajoute-t-il.
Chaque candidat effectuait sa prestation accompagné d'un artiste de renom
tel que Bassékou Kouyaté, Habib Koité, Oumou Sangaré ou encore Babani Koné.
C'est finalement la Peul Rokia Diallo, de Sikasso (sud), qui a conquis le
jury par sa prestation de takemba, une danse songhaï, en tenue typique du nord
du pays.
L'application de l'accord de paix au Mali, censé isoler définitivement les
jihadistes qui avaient pris le contrôle du nord du pays en 2012 jusqu'au
lancement en 2013, à l'initiative de la France, d'une intervention militaire,
qui se poursuit, accumule les retards.
Il prévoit notamment un processus d'intégration des combattants des groupes
armés signataires au sein d'une armée nationale restructurée, plus
représentative des populations du Nord en particulier, pratiquement au point
mort.
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