Dans la plupart des sociétés maliennes, les femmes donnent l’image de véritables économistes puisque ne contribuant pas inutilement aux problèmes des autres. Leur système de solidarité est conditionnel alors qu’il devrait être inconditionnel en agissant par devoir envers les autres et non pas par un autre intérêt.
Les femmes maliennes sont plus solidaires entre elles contrairement aux hommes. C’est l’impression que nous nous faisons en constatant que les jours de mariage, de baptême, etc., elles sont les plus nombreuses parce que contribuent grandement aux problèmes des unes et des autres. C’est une solidarité mutuelle et associative. Au Mali, les associations de femmes sont les plus nombreuses. Des associations qu’elles appellent entre elles des tontines. Ce sont de véritables organisations car bien structurées à la manière d’un État avec à la tête une présidente, des caissières, etc. À chaque événement chez l’une d’entre elles, en plus des uniformes que chacune est obligée de se faire coudre pour ne pas se faire ridiculiser parmi ses camarades, en faisant ainsi constater au grand public son degré de pauvreté, des cotisations se font. Celles-ci, bien que donnant l’air d’être volontaires, ne le sont pas réellement.
Ces cotisations sont une véritable récompense. Chacun récompense ce que l’autre lui a donné à l’occasion d’une cérémonie chez elle ou s’attend à ce que les autres contribuent à ses cérémonies. À cet effet, pour bénéficier de la solidarité des autres, qui récompensent tes contributions en les doublant, voire les triplant, il faudrait bien que tu participes gestuellement aux cérémonies des autres. « Une amie de ma sœur m’a donné un pagne à l’occasion de mon baptême. Elle a accouché à mon insu et les cérémonies ont eu lieu. Quelques jours plus tard, nous nous sommes croisées dans une Sotrama, elle a fait mine de ne pas me voir et cela malgré mes salutations. Je me suis rendu chez ma sœur pour lui expliquer la situation. Celle-ci me fit savoir qu’elle a accouché et que je ne me suis pas rendue à son baptême alors qu’elle a contribué à la mienne en raison d’un pagne. Immédiatement, j’ai remis deux pagnes à ma sœur pour elle », nous confie Aïssata Kéita, Commerçante à Fana.
Nous dirons alors que le système de solidarité chez les femmes est celle de l’économiste : le donner et le recevoir ou encore, comme on a l’habitude de le dire sur le tas, le « donnant-donnant ». Ce socialisme conditionnel est important dans le sens où il oblige chaque femme à exercer un petit métier dans lequel elle peut gagner un peu d’argent. Mais conviendrait-il de considérer cela comme un geste de solidarité ? La véritable solidarité ne consiste-t-elle pas à agir par devoir et non par intérêt ?
Dans la vie en société, il est un devoir pour chaque citoyen de contribuer au bien ou au mal des autres, et cela sans arrière-pensées aucunes. Cette solidarité ne se mesure pas en termes de récompense ni de quoi que ce soit, mais seulement par pur humanisme. Ainsi, si nous devons participer aux cérémonies des autres, nous le faisons juste pour contribuer à la joie de l’autre afin juste de rendre la vie en société plus aimable. Ne se passant pas ainsi dans les communautés féminines, nous nous rendons compte que la situation dégénère le plus souvent entre elles comme le témoignent les propos d’Aïssata dont il vient d’être question.
Mais, pire, c’est que ces participations se faisant de manière intéressée, il devient difficile pour les unes et les autres d’oublier leurs présents offerts à une telle et cela, même si cette dernière venait à mourir. Ces dérives enlèvent à ces agissements des femmes toute forme de solidarité, et plus grave, font que leurs gestes peuvent être traduits immoraux. Une société n’est belle que lorsque tous les membres sont solidaires véritablement les uns aux autres. Cela est si important que le bon vivre ensemble en dépend.