Jadis fleuron de l’Industrie malienne, la Compagnie malienne de Textile (COMATEX) est confrontée aujourd’hui à de sérieuses difficultés menaçant sa survie. Des mesures importantes et urgentes, mais difficiles et délicates doivent être prises. Cela, pour inverser la tendance et sauver aussi la COMATEX-SA du chaos.
Selon nos sources, la COMATEX-SA est une unité textile intégrée, c’est-à-dire qu’elle fabrique du fil dans l’unité de Filature, produit des tissus écrus dans les unités de tissage et imprime et ennoblit les tissus dans les unités d’ennoblissement et d’impression, à partir de la fibre du coton achetée avec la CMDT. Elle a signé une convention avec le Gouvernement du Mali qui détermine les engagements de chaque partie. L’Etat octroie certains avantages économiques, fiscaux et douaniers et, l’entreprise s’engage à atteindre certains objectifs. En outre, la COMATEX a bénéficié de l’accompagnement de l’Etat en général et du ministère en charge de l’Industrie en particulier. Cela notamment avec la signature d’un Contrat de performance le 29 mars 2010 renouvelé en mai 2015, l’accompagnement de l’entreprise dans le cadre du Programme de Restructuration et de Mise à Niveau des entreprises industrielles, l’application des valeurs de référence sur les produits importés des pays tiers similaires à ceux de la Compagnie.
Entre autres appuis de la Chine, la COVEC a consenti un prêt de 1 100 millions de FCFA en 2011 à la COMATEX. Les investissements de la COMATEX sur la période 1995-2017 s’élèvent à plus de six milliards de francs CFA destinés essentiellement à rénover ou renouveler ses équipements de production. Sa principale activité est la production du fil à tisser artisanal et de tissus imprimés à partir de la fibre de coton du Mali. A côté de cette production de ces deux produits, elle fabrique également des filés, des tissus écrus, de la percale, de la popeline, de la compresse, du coton hydrophile et des emballages en coton. La capacité de transformation de la COMATEX est de 3 000 tonnes de coton fibre et sa capacité d’impression est de 22 millions mètres de tissus imprimés.
Les principales difficultés auxquelles est confrontée la COMATEX
L’une des principales difficultés restent la fraude, la concurrence déloyale et la baisse du pouvoir d’achats consécutive à la situation qui prévaut dans le pays entrainant la mévente et par voie de conséquence la chute du chiffre d’affaires. Il y a aussi le retard dans le remboursement des droits et taxes sur les achats de hydrocarbures ; les arriérés de paiement des décotes issues des achats complémentaires de coton fibre effectués en 2011 et 2012 dans le cadre de l’exécution de son premier contrat de performance pour un montant de 623 millions de FCFA. Une autre difficulté reste le retard dans le paiement des décotes issues des achats de coton pour 2016, deuxième semestre 2017 et premier semestre 2018. Et ce dans le cadre de l’exécution du second contrat de performance signé en mai 2015.
En outre et comme toute autre unité industrielle, la COMATEX reste confrontée au coût élevé de l’énergie, la hausse généralisée des prix des consommables importés, tels que les colorants, les produits chimiques et les pièces de rechange.
La principale préoccupation est que cette entreprise qui se trouve actuellement dans de graves difficultés de trésorerie sans précédent, induits par des problèmes d’ordre conjoncturel et structurel depuis plusieurs années et exacerbés certainement par le grand retard accusé dans la concrétisation de certains engagements.
Nos sources indiquent que de l'analyse de la situation, il ressort que des mesures importantes et urgentes, mais difficiles et délicates doivent être prises. Cela, pour inverser la tendance et sauver aussi la COMATEX-SA du chaos. Il s’agit de diligenter le paiement des montants issus des décotes sur les achats complémentaires de 2011 et 2012, soit 623 millions F CFA, conformément à l’article 6 du premier Contrat de Performance de 2010.
Il s’agira aussi de diligenter la signature de l’Avenant au deuxième contrat de performances signées en mai 2015, toute chose qui conditionne le paiement des décotes de 2016, du 2e semestre 2017, et du premier semestre 2018.
Aussi, notre source indique que le Président du conseil d’Administration de la Compagnie avait formulé une demande de prêt d’urgence à l’endroit des Actionnaires. En effet, le PCA demandait à la COVEC, actionnaire majoritaire de consentir un prêt d’urgence de 600 millions de FCFA à l’entreprise. A l’Etat malien de consentir un prêt d’urgence de 200 millions de FCFA à la COMATEX. Au ministre de l’Agriculture et à la CMD, la mise à disposition du coton fibre nécessaire pour l’année à crédit et sans TVA.
Ces mesures devraient permettre à la COMATEX-SA de renflouer sa trésorerie pour faire face à ses engagements et continuer ses activités de production tout en assurant l’emploi de 1500 travailleurs.
Présentement, avec la disponibilité du coton fibre, le remboursement des 306 millions de droit et taxes sur les hydrocarbures en juillet 2018, somme retenue par la banque, les activités d’exploitation ont repris depuis le 20 août 2018.
Il est à noter qu’en début septembre 2018, la COVEC a déjà fait une avance de 400 millions de FCFA sur le prêt d’urgence sollicité qui est destinée exclusivement à l’achat des produits chimiques et colorants.
Les commandes de ces produits consommables sont déjà lancées.
Cependant la situation de l’entreprise est réellement préoccupante, l’arrêt total des activités peut survenir à tout moment malgré la bonne volonté de la Direction Générale, faute de fond de roulement. Toute chose qui aura malheureusement des conséquences graves sur l’économie régionale de Ségou en particulier avec des conséquences certaines sur le plan social. Aujourd’hui la Compagnie a besoin d’un sauvetage plutôt que d’une simple assistance ou d’un simple accompagnement.
Perspectives
L’avenir de la COMATEX-SA se trouve dans sa modernisation. Sa survie dans les conditions actuelles est très difficile. C’est pourquoi, selon nos sources, le gouvernement et les entreprises chinoises concernées ont commencé à négocier la réalisation d’un projet de modernisation et d’extension de l’entreprise. Dès que ce nouveau projet sera réalisé, la productivité et nombre d’emplois créés seront tous améliorés. Ce qui sera un progrès important pour l’industrie textile malienne. On espère que le gouvernement à travers le département en charge du Développement Industriel accordera une attention particulière au dossier du nouveau projet de COMATEX. Cela afin d’accélérer sa réalisation et de mettre un terme aux difficultés actuelles.
En réalité, il existe d’immenses possibilités pour accroître la proportion de consommation du coton local en vue de créer de la valeur ajoutée et des emplois.
Pour ce faire, il est indispensable de créer certaines conditions essentielles. Il s’agit dans un premier temps de l’assainissement du marché national. En effet, l’invasion du marché malien par des produits étrangers de toutes sortes dans des conditions le plus souvent illégales, crée une situation de concurrence déloyale par rapport aux produits similaires fabriqués sur place. Cet état de fait représente un manque à gagner pour le trésor public et compromet dangereusement l’existence même de l’industrie locale. Nos sources soulignent que la nouvelle forme pernicieuse des fraudeurs consiste à reproduire textuellement les motifs de la Compagnie, en inscrivant « COMATEX-SA » sur la lisière et en adoptant les mêmes manières de pliage et d’emballage.
Ce qui aux yeux d’un client ordinaire, atteste de l’originalité du produit. Parvenant de surcroît à éluder les droits de douane, les opérateurs qui s’adonnent à ces pratiques arrivent à vendre leurs produits sur le marché local à des prix de dumping défiant toute concurrence. Aujourd’hui, toutes les ventes ordinaires du fancy COMATEX sont arrêtées. Si cette situation ne changeait par la mise en œuvre de mesures vigoureuses d’assainissement du marché, c’est toute la production du tissu qui sera arrêtée et par voie de conséquence la fermeture de l’entreprise. D’où l’impérieuse nécessité de lutter constamment et farouchement contre la fraude la concurrence déloyale et la contre bande.
Comme proposition, il est souhaitable que les importations des produits similaires soient soumises au visa préalable du Département et des entreprises concernés.
Le deuxième aspect concernera la fixation d’un prix de cession de coton fibre attractif et stable. Dans son état actuel, l’industrie textile malienne transforme seulement 2 000 tonnes de coton fibre sur une production nationale annuelle de plus de 300 000 tonnes. Le prix de cession de coton fibre à l’industrie locale avec l’application de la TVA par la compagnie cotonnière depuis avril 2018, dépasse le cours mondial ; ce qui est une aberration dans le premier Pays producteur du coton en Afrique. Nos sources notent que la COMATEX a toujours acheté la fibre de coton au cours mondial moins les frais non exposés. Le prix de cession de coton représente le seul avantage comparatif dont bénéficie l’industrie textile nationale. La perte de cet avantage représente un gros handicap pour cette industrie.
La troisième solution sera l’instauration d’un tarif préférentiel pour les industries grandes consommatrices d’énergie électrique. En effet, le niveau du tarif d’électricité, parmi les plus élevés dans la sous-région, grève sérieusement les coûts de production des industries et influe négativement sur la compétitivité des produits fabriqués.
Avec une consommation moyenne mensuelle de 625.000 KWH, la COMATEX SA paye une facture d’électricité de 580 millions de francs CFA par an. Il serait salutaire de pouvoir obtenir un tarif spécial pour les industries grandes consommatrices qui ont des capacités supérieures à 1000 KW. Au-delà du coup de l’électricité, l’instabilité de la fourniture, les coupures de courant et les délestages constituent un sérieux problème de rendement, de démotivation du personnel, de pannes électriques d’équipements sensibles.
Une autre solution concernera l’institution du port de la tenue scolaire par les écoles publiques.
Il faut dire que pendant les années 2009 et 2010, le projet d’institutionnalisation du port des tenues scolaires par les écoles publiques avait beaucoup avancé. Après plusieurs rencontres au niveau des départements en charge de l’industrie et de l’éducation, la COMATEX-SA avait proposé des maquettes approuvées par tous. Nous avions commencé la production et la distribution dans les localités concernées. Mais une sortie médiatique du ministre de l’éducation en son temps rendant le port de la tenue scolaire facultatif a mis fin à ce projet qui concerne environ 4 500 000 mètres de tissu.
Pour rappel, Société Anonyme au capital social de 1 500 000 000 de FCFA, la COMATEX-SA a commencé ses activités en 1994. Les principaux actionnaires sont l’Etat avec 20% et l’entreprise chinoise dénommée COVEC avec 80%. Alors, vivement la prise de ces mesures pour sauver cette Compagnie qui fut une fierté nationale.