La forme de la grève des magistrats menace plus que le fond. Le chef du gouvernement Soumeylou Boubeye Maïga est formel sur le respect du décret de réquisition. Les magistrats trouvent cette décision ostentatoire à la loi.
En visite dans la 5è région administrative, le Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga est revenu sur le décret portant réquisition des magistrats lors de cette période de cessation de travail dans les tribunaux. Selon le Premier ministre, le gouvernement n’a pas pris d’engagement avec les magistrats, lesquels refusent de se conformer aux lois de la République. “Dès ce lundi, les services du gouvernement procéderont à l’évaluation de magistrats à travers le pays sur la nouvelle mesure dans les tribunaux et services judiciaires. Pour lui, les résultats de l’évaluation permettront de voir un possible redéploiement des juges “, dit-il.
Vague de mutation d’ici la fin de la semaine ?
De Mopti, Soumeylou Boubeye Maïga confirme ainsi l’information relative à un projet de mutation des magistrats qui serait en voie d’être soumise au prochain Conseil supérieur de la magistrature. Sur ordre du Premier ministre, des consultations, initiées par Tiéna Coulibaly, seraient en cours avec les juges Manassa Danioko, présidente de la Cour constitutionnelle du Mali et du juge Cheick Mohamed Chérif Koné, président déchu à la tête du SAM.
Même si elles restent confidentielles, l’objectif serait de déceler les noms des juges qui se sont fait observer pendant la grève.
Les deux syndicats notamment le Syndicat autonome de la magistrature (SAM) et le Syndicat libre de la magistrature (SYLIMA) réagissent. Exprimant leur stupéfaction sur les affirmations du Premier ministre, au journal télévisé de 20 heures de l’ORTM sur la grève des magistrats. “Les Syndicats de magistrats rappellent tout d’abord au Premier ministre que la qualité d’homme d’Etat requiert la culture Républicaine. Ils affirment qu’en vertu de cette culture, le chef du gouvernement ne relève guère des autorités habilitées à agir ou à parler au nom du pouvoir judiciaire (Articles 81 et 82 de la Constitution de la République du 25 février 1992 et les Lois subséquentes notamment la Loi N 02-054 du 16 décembre 2002 portant Statut de la Magistrature et celle N° 03-29 /AN-RM du 11 août 2003 Fixant l’Organisation, la Composition, les Attributions et le Fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature). Seuls existent entre les deux pouvoirs constitutionnels (l’Exécutif et le Judiciaire), des rapports de collaboration et de complémentarité pour le fonctionnement de l’Etat…”, précise un communiqué des magistrats publié samedi dernier et signé par les deux présidents des syndicats.
Les magistrats dénoncent “qu’il est constant que le gouvernement de la République a librement souscrit, à travers ses représentants, à deux protocoles d’accord avec les Syndicats de magistrats dont l’un en date du 9 février 2017 et l’autre en date du 1er juin 2018, relativement aux deux points actuels de revendication de la magistrature”, poursuit le communiqué.
“Telle demeure et demeura la position de la magistrature face à la violation de la Constitution … Qu’enfin, le Premier ministre en vertu de la séparation des pouvoirs, n’a aucune qualité pour provoquer une réunion du Conseil Supérieur de la magistrature. Les Syndicats de magistrats attendent avec impatience cette autre mise à épreuve de la démocratie au Mali et sauront à l’occasion, comme d’habitude, jouer leur rôle de sentinelle dans la défense des valeurs républicaines…”.
Démission du PM exigé
Les syndicats notifient par la présente occasion au Premier ministre que les magistrats du Mali exigent sa démission avec ses ministres signataires du “décret de la honte”. Ils lui notifient de même que ces agissements, constitutifs de haute trahison, seront dénoncés aux autorités judiciaires compétentes qui ne manqueront pas de leur appliquer les sanctions pénales indiquées. Les Syndicats de magistrats encouragent le Premier ministre dans sa campagne d’intimidation et l’invitent à constater par lui-même sur la toile et sur le terrain la réponse des magistrats à son impéritie.