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Élection législatives : L’impasse juridique !
Publié le lundi 15 octobre 2018  |  L’aube
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Nous n’avons jamais cessé de pointer du doigt le bilan électoral catastrophique du Président IBK avec ses gouvernements qui n’ont jamais été en capacité d’organiser le moindre scrutin, sans violer, parfois de manière flagrante, la Constitution et les lois de la République. Cette donne peu flatteuse de son premier mandat, éloquemment célébrée par l’organisation en cette année 2018 du scrutin présidentiel le plus frauduleux de toute l’histoire politique du Mali, reste de mise en ce début de second mandat illégitime arraché au forceps dans la tricherie et le mensonge d’Etat. La présidentielle de 2018 restera gravée dans les annales comme le hold up électoral le plus spectaculaire et le plus osé du siècle. Les tergiversations sur la tenue des législatives paraissent presque anecdotiques à cet égard, car relevant presque de l’ordre naturel des choses de la part d’un régime pour qui les élections ont toujours constitué le champ d’expérimentation de tous les bricolages politico-juridiques imaginables. Le gouvernement est le seul à en adosser l’entière responsabilité. Analyse.

Les délais des législatives sont balisés par l’article 61 de la Constitution relatif à l’élection des députés « pour cinq ans », conjugué avec l’Arrêt n°2013-12/CC-EL du 31 décembre 2013 qui a fixé au 1er janvier 2014 à 00 h, le début du mandat quinquennal en cours des députés avec comme conséquence que cette législature vient à expiration le 31 décembre 2018 à minuit. Ce périmètre juridique est renforcé par la loi électorale en son article 166 relatif à la durée du mandat de député de cinq (5) et au renouvellement intégral de l’Assemblée nationale à l’expiration de son mandat et son article 167 stipulant que sauf cas de dissolution, les élections législatives ont lieu dans l’intervalle des soixante (60) jours qui précèdent l’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale. C’est en principe le gouvernement qui est seul habilité à convoquer un collège électoral et à formellement le reporter dans la limite légale minimum des 60 jours à observer entre la date de l’élection concernée et la date de publication au Journal officiel du décret de convocation pris en conseil des Ministres.



Le report sans encombre juridique du collège électoral du 28 octobre au 25 novembre 2018

C’est en considération de ces balises juridiques de nature constitutionnelle et légale que le gouvernement, avec une relative marge d’un report éventuel, avait dans un premier temps fixé les élections législatives au 28 octobre 2018. A la fixation de cette date, le gouvernement avait parfaitement conscience de l’effet de la grève déclenchée le 25 juillet 2018 par les magistrats, sur l’obtention des deux pièces essentielles constitutives des dossiers de candidatures aux élections que sont le bulletin n°3 du casier judiciaire datant de trois (3) mois au plus et le certificat de nationalité. Il s’est quand même entêté, sans pour autant se donner les moyens de dénouer la grève des magistrats. D’où la première facture de cette carence dont il a dû s’acquitter en reportant précipitamment au 25 novembre 2018, le collège préalablement convoqué pour le 28 octobre 2018. Sans grand dommage pourrait-on dire, même si en matière électorale, le report reste toujours un signe de tâtonnement et d’impréparation. Puisqu’il disposait encore d’une petite marge sur la date du 28 octobre 2018, le gouvernement a pu sans encombre juridique, reporter les législatives du 28 octobre 2018 à la date du 25 novembre 2018, c’est-à-dire à un jour de plus que les dernières législatives de 2013 dont le premier tour avait lieu le 24 novembre 2013. Par ce report, le gouvernement a tiré la dernière cartouche de ses munitions juridiques.



Le saut dans le vide juridique au-delà de la convocation du 25 novembre 2018

Au-delà du 25 novembre 2018, tout report supplémentaire ne ferait que consacrer le saut dans le vide constitutionnel. Après le premier report, le gouvernement ne dispose plus de marge de manœuvre pour un ultime report que lui interdisent formellement les balises de la Constitution et de la loi électorale. Ses tentatives de contournement de ces balises restent à ce jour infructueuses, à l’instar de l’avis cinglant sans appel de la Cour constitutionnelle en réponse à la sollicitation d’une prorogation de mandat des députés qui aurait dû, pour raison d’inconstitutionnalité flagrante, enterrer à jamais toute velléité de report des législatives du 25 novembre 2018. Plutôt que de s’atteler à faire cesser la grève des magistrats qui constitue en réalité la seule menace sur les législatives, le gouvernement donne au contraire l’impression de faire dans du dilatoire en continuant d’agiter, pour justifier un éventuel report sine die des législatives, un soi- disant « parachèvement du découpage territorial pour que toutes les populations puissent participer aux élections au même moment pour éviter les mécontentements ».



Le harcèlement consultatif de la Cour constitutionnelle comme alternative aux carences du gouvernement

Il faut espérer que la Cour ne soit de nouveau irrégulièrement saisie d’une seconde tentative de report. Auquel cas bien entendu, le Premier ministre se serait rendu coupable de harcèlement consultatif anti démocratique. Il semblerait, si l’on s’en tient aux rumeurs persistantes non démenties, qu’il veuille de nouveau s’attacher les services de la Cour constitutionnelle, faisant ainsi feu de tout bois, alors qu’il se remet à peine de l’avis irrégulièrement extorqué de son coup de force anticonstitutionnel contre le pouvoir judiciaire « indépendant des pouvoirs exécutif et législatif » selon la Constitution.

Pourquoi solliciter deux fois de suite sur la même question du report, un avis de la Cour constitutionnelle, si ce n’est pour lui tordre la main et l’obliger ainsi, un mois à peine après son avis défavorable du 12 septembre 2018 sur la prorogation de mandat, à se dédire indirectement en se prononçant pour le report des élections législatives en dehors de tout contentieux ? Faute d’une licence de prorogation de mandat que lui a refusée la Cour, le gouvernement ne cherche-t-il pas, à travers une licence de report, à obtenir de facto ce que même le juge constitutionnel ne saurait lui octroyer au regard de la Constitution et des lois de la République ? C’est en ce sens que le harcèlement consultatif de la Cour constitutionnelle pose un vrai problème d’éthique républicaine. Lorsque la Cour constitutionnel se voit constamment sollicitée au mépris des procédures régulières et contrainte à nettoyer les écuries d’Augias de la maison gouvernementale, c’est toute la République qui se trouve mise en danger.

C’est à cela que nous assistons régulièrement sous le règne du Président IBK. Rien ne devrait compromettre la tenue à date des élections législatives. Surtout pas, de toute évidence, le gros paquet argumentaire inopérant marqué du sceau de « difficultés contextuelles d’ordre administratif et politique consécutives à l’opérationnalisation des nouvelles régions administratives, notamment leur représentation à l’Assemblée nationale et la nécessité de conduire les réformes qui s’imposent désormais ». Difficile par ailleurs d’imaginer une seule seconde que la crise politique profonde consécutive à l’élection présidentielle sauvagement truquée va se résoudre tranquillement par un cadeau que le gouvernement va offrir sur un plateau d’argent à l’opposition. L’invocation de la grève des magistrats paraît également un raccourci facile, puisque c’est bien le gouvernement et nul autre qui a l’obligation de gérer les problèmes du pays. Le gouvernement avait parfaitement les moyens de désamorcer cette grève comme ce fut le cas pour la grève des Administrateurs civils et des fonctionnaires de l’Administration territoriale. On se rappelle bien que lorsque le SYNAC et le SYLTMAT sont allés en grève de six jours (du 25 juin au 1er juillet 2018) puis en grève illimitée à compter du 2 juillet 2018 à quelques semaines de la tenue de la présidentielle, le même Premier ministre chef de l’Administration, plutôt que de recourir à la force brutale de la réquisition, était parvenu par la voie du dialogue et la concertation à dénouer cette crise. On comprend difficilement aujourd’hui, son attitude guerrière inutile, alors qu’il sait pertinemment que même la réquisition, décidée précipitamment à la fin du délai de dépôt des candidatures, n’est qu’une fausse réponse à un vrai problème qu’il ferait mieux de régler dans le fond. En dépit de la réquisition improvisée des magistrats, le scrutin législatif du 25 novembre 2018 demeure l’otage de cette grève illimitée. Le Premier ministre et le Président du Conseil supérieur de la magistrature ont-ils laissé pourrir la situation en espérant se défausser sur la Cour constitutionnelle pour le ramassage des pots cassés ? C’est toute la question. Quoi qu’il en soit, le gouvernement ne doit aucunement, pour couvrir et suppléer sa propre carence, se servir de la Cour constitutionnelle pour cautionner des entorses inadmissibles à la Constitution.



La Cour constitutionnelle tenue pas ses strictes prérogatives constitutionnelles

Il y a lieu de rappeler qu’en vertu de la différence de cadre juridique entre la présidentielle et les législatives, les prérogatives de la Cour constitutionnelle ne s’exercent pas de la même manière. En particulier, c’est seulement dans le cadre de l’élection présidentielle que la Cour constitutionnelle est habilitée à décider d’un report dans les conditions limitativement fixées à l’article 33 de la Constitution.

Il n’en est pas de même pour les élections législatives. Ainsi, il ne découle d’aucune disposition constitutionnelle ou législative, une quelconque compétence de la Cour constitutionnelle à décider en dehors de toute procédure contentieuse, du report des élections législatives du 25 novembre 2018 sur le fondement d’une consultation gouvernementale irrégulière.

L’impossibilité pour les candidats de disposer de certaines pièces de leurs dossiers ne peut à elle seule justifier un avis ou une décision éventuelle de report de la part de la Cour constitutionnelle.

Autant dire que la balle se trouve présentement sur le camp du contentieux, au moment où le délai de dépôt des candidatures vient d’être bouclé. Le contentieux des candidatures que la carence gouvernementale contribue notablement à nourrir, relève de la Cour constitutionnelle. En dépit de son potentiel menaçant pour la tenue des législatives du 25 novembre prochain, on ne doit pas pour autant préjuger de son dénouement à travers un report inconstitutionnel négocié. La vraie question juridique qui se pose et qui ne concerne plus le gouvernement ayant déjà convoqué son collège et ne pouvant plus le reporter, est celle relative à la validité des dossier incomplets de candidatures déposés au niveau des Préfets et du Gouverneur du District de Bamako pour transmission au ministre chargé de l’Administration Territoriale qui les achemine à la Cour constitutionnelle. C’est désormais à la Cour constitutionnelle de valider ou non les candidatures reçues, tout en sachant que la non disponibilité des deux pièces constitutives des dossiers de candidatures que sont le bulletin n°3 du casier judiciaire datant de trois (3) mois au plus et le certificat de nationalité, n’est pas de la responsabilité des candidats mais plutôt du gouvernement.

Il s’agit d’un fait inédit, car pour la première fois, le gouvernement portera l’entière responsabilité du rejet éventuel par la Cour de l’ensemble des déclarations de candidatures d’une élection pour défaut de certaines pièces constitutives et pas des moindres. Le bulletin n°3 du casier judiciaire renvoie à la recherche de preuves d’inéligibilité basée sur des privations par décisions judiciaires du droit de certaines personnes de se porter candidat. Quant au certificat de nationalité, il renvoie à la recherche de la preuve d’éligibilité assise sur la qualité de citoyen malien du futur député. Comment la Cour constitutionnelle pourrait-elle valider des candidatures en l’absence généralisée de pièces probantes relatives à la nationalité des postulants et à l’absence de peines privatives de droit de se porter candidats. Cette question revient autrement à se demander si la Cour constitutionnelle peut prendre le risque d’amener à l‘Assemblée nationale du Mali des étrangers ou des malfrats.

La Cour dispose de trente (30) jours pour statuer sur la validité des candidatures reçues. Dans les 72 heures qui suivent ce verdict, elle peut être saisie de réclamations éventuelles par le Président de la CENI, les partis politiques ou les candidats et statue sans délai.

Un dernier délai supplémentaire de 40 jours possible par la voie de la dissolution de l’Assemblée nationale

Théoriquement, il reste néanmoins une dernière possibilité au gouvernement à travers la voie que lui ouvre le membre de phrase « sauf cas de dissolution prévu et réglé par la Constitution » inséré à l’article 167 de la loi électorale. Il s’agit de la prérogative présidentielle de dissolution de l’Assemblée nationale aménagée à l’article 42 de la Constitution ainsi libellé : « Le Président de la République peut, après consultation du Premier Ministre et du Président de l’Assemblée Nationale, prononcer la dissolution de l’Assemblée Nationale. Les élections générales ont lieu vingt et un jour au moins et quarante jours au plus, après la dissolution. L’Assemblée Nationale ne peut être dissoute dans l’année qui suit ces élections ». Cette disposition constitutionnelle a déjà connu une application sous le Président Alpha Omar KONARE.

Dr Brahima FOMBA

Université des Sciences Juridique

et Politiques de Bamako (USJPB)

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