Radicalisme syndical ou mauvaise volonté gouvernementale ? En tout cas, 83 jours de calvaire imposé aux justiciables, magistrats et gouvernement ne semblent pas décidés à fumer le calumet de la paix pour renouer le dialogue.
En dépit des efforts des bonnes volontés, tout indique que les protagonistes sont décidés en découdre. Face à l’impasse des négociations et aux suites logiques du refus de lever du mot d’ordre de grève, l’État sévit (retenue sur les salaires des grévistes, réquisition), et les syndicats durcissent le ton, l’opinion malienne s’exaspère.
Tandis que la crise perdure, les protagonistes, qui ne communiquent désormais que par voie de presse, communiqués et/ou déclarations interposés, campent sur la ligne de front. Pour les magistrats grévistes, sans satisfaction totale de leurs revendications, c’est un « nous pas bouger » répétitif et redondant tant ; pour le gouvernement qui avait gardé profil bas et un mutisme inhérent au dialogue social, l’État ne peut accorder ce qu’il n’a pas, le pays étant confronté à des défis, dont la solution requiert de chacun un don de soi et une solidarité partagée.
Dans le dialogue engagé par médias interposés, les magistrats grévistes épinglent la mauvaise foi du gouvernement qui se vante et crie sur tous les toits ses performances économiques (3e économie de l’UEMOA, 1er dans tel ou domaine…). Emportent-ils pour autant la sympathie de l’Opinion. Dans sa posture de victime conjoncturelle, le gouvernement tente davantage de rallier à sa cause en mettant en avant tous ses engagements qu’il a respectés envers un corps qui veut évoluer au-dessus de la légalité.
Offensif, le Premier ministre prend l’opinion à témoin et tranche : « en l’état actuel, le Gouvernement ne peut faire aucun effort financier supplémentaire, parce qu’il serait insoutenable pour le pays. Et notre responsabilité, c’est de préserver l’équilibre général du pays dans un effort de solidarité partagée. C’est comme ça que nous pourrions avancer sans porter préjudice à qui que ce soit. Par ce que c’est ça aussi la République ».
Insensibles au sermon républicain et à l’appel à la solidarité par ce temps de conjoncture, les magistrats grévistes restent inflexibles. Ni la retenue des salaires, ni la réquisition, encore moins la menace de mutation ne semblent adoucir la position des grévistes qui, brandissant leur « indépendance, invectivent et se disent prêts à ne céder à aucune intimidation.
Adossé à son légalisme, le Gouvernement quant à lui, marque sa détermination « à utiliser tous les moyens légaux et réglementaires pour que le citoyen ait droit aussi à tout le service public » dit le Chef du Gouvernement qui brandit la menace des mutations. Aussi, comme le veut la loi, il a notifié aux grévistes le décret de réquisition.
Pour montrer leur volonté de ne pas déférer aux oukases du Gouvernement, les magistrats saisissent la Section administrative de la Cour suprême d’une requête aux fins d’annulation du décret N°2018-0773/PM-RM du 09 octobre 2018 portant réquisition temporaire des Magistrats en grève. Des parenthèses de la grève illimitée ?
Le fossé comme on le voit va en creusant davantage entre les deux institutions. La rupture du dialogue est devenue depuis quelques semaines une épreuve de force à l’issue de laquelle, il est évident que seules les pauvres populations et la fragile démocratie malienne paieront la facture, déjà salée en termes de privation de droit et de libertés consacrés par la Constitution. Aussi, urge-t-il, de rétablir un dialogue direct fécond entre magistrats et Gouvernement… dans l’intérêt supérieur du peuple malien.
Par Sidi DAO