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Sahel, les métastases de l’occupation jihadiste du Nord Mali
Publié le mercredi 17 octobre 2018  |  mondafrique.com
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L’extension des crises et des guerresvers les Golfes du Bénin et de Guinée ne saurait tarder, il faudrait être bien aveugle pour l’ignorer. Une chronique de l’ancein ministre mauritanien des Affaires Etrangères et aambassadeur de l’ONU en Afrique de l’Ouest, Ahmedou Ould Abdallah



Les réponses nationales et internationales tardent à apporter des solutions durables à ces conflits. Face à ce statu quo, toujours plus coûteux, faudrait-il poursuivre les mêmes méthodes de lutte contre la violence armée ou, au contraire, introduire de nouveaux acteurs et de nouvelles approches ?

Un statu quo très coûteux.

Depuis 2005, les prises d’otages au Sahel, libérés contre le paiement de fortes rançons, y ont ruiné les industries touristiques naissantes. C’est-à-dire des infrastructures (routes, aéroports, hôtels), des activités commerciales (artisanat, cultures maraîchères, etc.) et des emplois locaux dans les régions désertiques. Graduellement supplanté par des trafics bien plus juteux – êtres humains, migrations irrégulières, cigarettes, drogues diverses – le commerce transsaharien, nord-sud et est-ouest, a périclité quand il n’a pas tout simplement cessé d’exister.

Cette détérioration continue de la sécurité constitue un énorme défi pour les gouvernements. Elle est surtout une préoccupation de tous les jours pour des populations exposées à des menaces réelles sur leurs vies et activités déjà fragilisées par les mutations climatiques.



Les prospections géologiques et les exploitations minières sont ou gelées ou n’opèrent qu’au ralenti. Elles génèrent moins de ressources pour les gouvernements, les travailleurs et les communautés locales et offrent ainsi des mécontents aux groupes radicaux.

En 2012, l’occupation du nord du Mali et la tentative d’y installer une autorité djihadiste a profondément changé la donne régionale. L’intrusion armée de combattants ‘’islamistes’’ déterminés à fait entrer le Mali et la région dans une nouvelle ère. La réponse de la France a certes sauvegardé l’unité du pays pour le moment. Cependant la crise perdure en se métamorphosant et en développant des métastases dans plusieurs provinces du pays et dans les périphéries du Sahel.

C’est malheureusement en cette période de crise et de vaches maigres que les nécessités de sécurité exigent le plus de ressources pour l’action militaire. De fait, quand bien même la réponse militaire n’est pas suffisante pour résoudre une crise, elle n’en reste pas moins une étape préalable nécessaire. Sans elle, les radicaux ne voient aucune raison d’arrêter leur propagation et enracinement à travers et dans le Sahel mais aussi vers les riches et densément peuplés états du pourtour des golfes de Guinée et du Benin. Les prochaines cibles déjà programmées.



Ce contexte est extrêmement volatile. De fait, s’y télescopent des ambitions politiques souvent démesurées, un tribalisme politique revigoré, des richesses minières exploitées au profit de groupes minoritaires et un grand nombre de trafics lucratifs. Ces appétits aiguisés s’enchevêtrent dans des capitales de plus en plus tentaculaires, éclatées, surpeuplées et donc instables, perméables et de moins en moins sûr.

Cette situation pleine d’incertitudes exige une nouvelle approche de la gestion des crises et conflits, au Sahel en particulier et en Afrique en général.

Nouvelles approches de gestion des conflits.

Les premières guerres civiles, post guerre froide, furent meurtrières en Afrique de l’Ouest et au Maghreb. Leurs dégâts humains et matériels, y compris environnementaux, restent énormes. Cependant, elles finirent par être contenues. Aujourd’hui, des pays naguère meurtris tels le Libéria, la Sierra Leone ou l’Algérie, pour ne citer que les plus dévastés, bénéficient d’une paix alors impensable.

De nos jours, les conflits se présentent comme “idéologiques” mais la réalité est bien plus complexe car les trafics en sont souvent les principaux lubrifiants. De plus, après un règlement formel, ils ne disparaissent pas totalement, continuant à générer une insécurité structurelle. Même de faible intensité, cette insécurité latente décourage l’investissement moderne dont la région a le plus grand besoin. Au contraire, le secteur informel et celui du troc archaïque s’y épanouissent vigoureusement. Il en résulte un affaiblissant des institutions et des pouvoirs publics, mais aussi du secteur de l’économie moderne. Celui-là même qui connecte avec l’international, introduit les innovations, couvre les impôts et contribue aux fonds des retraites.



C’est dans cette perspective que la sécurité, de tous et pour tous, doit être réexaminée et des approches nouvelles de gestion des crises et conflits proposées.

Concerné par l’insécurité, le secteur privé moderne peut, en coopération avec les gouvernements, jouer un rôle important dans la prévention, la gestion et la résolution des crises. De plus, sa place dans la reconstruction post conflit reste primordiale. Naturellement, il ne s’agit nullement d’une confusion des genres. Chacun doit jouer sa propre partition, mais en coopération entre l’action militaire et diplomatique d’un côté et l’expertise du privé de l’autre.

Le but recherché est la maximalisation de l’expertise et de l’expérience du secteur privé en vue de contribuer davantage à la prévention et la gestion des nouvelles générations de ces conflits pervers. Un secteur privé spécialisé peut exercer une influence de prévention des crises déterminante.

La recherche de l’information structurée et la veille sur Internet, les sites, la presse en ligne et les réseaux sociaux peuvent être des relais pour les services des ministères des Affaires étrangères, de la Défense et de l’Intérieur. Cette influence peut aussi s’exercer sur les activités économiques et commerciales ainsi que celles des sociétés civiles. Comme pour les états, l’influence d’entreprises peut aussi constituer une carte majeure dans la prévention et la résolution des crises. Celles qui continuent à déstabiliser de nombreux pays africains.

L’expérience de terrain ainsi que la notoriété en matière de gestion efficace d’intérêts, en apparence contradictoires, préparent plus qu’auparavant, certains secteurs privés à la gestion de la sécurité nationale et régionale. Sous l’angle de la sécurité économique, la prévention et la médiation devraient inciter les gouvernements (ministères des Affaires étrangères, de la Défense et de l’Intérieur), les populations et les grandes sociétés multinationales, à une nouvelle coopération débarrassée de stéréotypes.

In fine, l’expansion des idéologies meurtrières est aussi la conséquence de graves déficits de gouvernance. Au Sahel, les conflits, multiformes, contagieux, difficiles à cerner et encore plus à résoudre, semblent réfractaires à des règlements fondés sur le seul maintien du statu quo. Une nouvelle approche de gestion plus flexible s’impose.



Moins orthodoxe que les pratiques en cours depuis la fin de la guerre froide, cette gestion exige une coopération plus ouverte entre toutes les parties concernées : les populations, les gouvernements et le secteur privé. Il est temps de la mettre en pratique.

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