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Que sont-ils devenus… Modibo Sidibé : La force des muscles fait merveille !
Publié le samedi 20 octobre 2018  |  Aujourd`hui
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La rigueur et la détermination qui caractérisaient Modibo Sidibé sur un terrain de football s’expliquent par son allergie à la défaite. Artisan principal de la qualification des Aigles à la CAN de Tunisie 1994, il est l’un des rares joueurs à être sélectionné en équipe nationale à partir des compétitions interscolaires. Véritable armoire à glace, l’ancien défenseur du Djoliba, de l’Usfas, et de l’AS Police s’est démarqué de sa génération par sa constance durant sa carrière. Actuellement entraineur de l’AS Police, le Commandant de police nous a reçus dans le cadre de la rubrique ” Que sont-ils devenus ? ” pour un entretien au cours duquel il fait un tour d’horizon de sa carrière et des raisons qui l’ont poussé à quitter le Djoliba pour la tenue militaire.

Il serait incompréhensible de demander à un enfant de N’Tomikorobougou comment il a appris à jouer au football et pourquoi. Parce que toutes les conditions sont réunies à travers la multiplicité des terrains de football dans le quartier. Le cas de Modibo Sidibé est un exemple frappant pour corroborer cette réalité. Tout comme Cheick Diallo, ex sociétaire du FC Union de Niomirambougou, nous avons connu Modibo Sidibé dans les compétitions inter quartiers, sur le terrain Kalao de N’Tomikorobougou et derrière les Rails. Rigoureux et énergique dans les interventions, Modibo dégageait l’image d’un joueur qui avait horreur de perdre.



Evoluant au poste de libéro, il mettait constamment son gardien de but sous pression, à cause de sa rigueur sur l’adversaire. Même les petits enfants n’étaient pas épargnés. Ceux-ci tenaient des propos désobligeants pour l’énerver ou le déconcentrer. En la matière, Modibo Sidibé ne se laissait pas faire. Il profitait des sorties de balles pour leur régler les comptes.

Elément clé de l’équipe du FC Tondjon de N’Tomikorobougou, il est aussi passé par le centre de formation du Djoliba, dirigé par Aly Koïta dit Faye. C’était au début de l’année 1982, quand il était encore cadet. Mais son père n’y était pas favorable, voulant plutôt que sa progéniture se concentre sur les études. Les vacances étaient la seule occasion pour Modibo de s’entrainer régulièrement. Or, cela coïncidait avec la saison morte pour les clubs. De telle sorte que la progression de Modibo au Djoliba n’a pas respecté l’ordre normal du processus. Autrement dit, il a mis assez de temps pour intégrer les catégories juniors et séniors. Fraichement orienté au lycée Askia Mohamed après l’obtention du DEF, il s’impose comme un pilier de l’axe central de l’établissement lors des tournois interscolaires. Cette compétition et les entrainements au Djoliba contribuent à aguerrir Modibo. Mais le vieux Sidibé veille au grain. Il faut donc attendre la Coupe du monde junior de 1989, à laquelle son grand frère Oumar Sidibé a participé, pour créer l’élément déclencheur de la carrière de Modibo. Des ainés du quartier vont voir le vieux pour le convaincre de desserrer l’étau autour de Modibo. Il accepte la sollicitation et son enfant peut maintenant jouer au Djoliba, où il fera chemin avec les Amadou Bass, Oumar Guindo, Cheick Diallo, Seyba Lamine Sangaré, Kouréichi Camara. Au même moment, l’entraineur des Aigles, Kidian Diallo, le découvre au cours d’une rencontre qui oppose le lycée Askia au lycée technique. Il lui notifie son intention de le sélectionner en équipe nationale, après avoir été rassuré qu’il est un joueur du Djoliba. Effectivement, le coach le garde dans son effectif pendant trois ans, avec des bouts de matches, et parfois des titularisations lors des matches amicaux. Faudrait-il rappeler que ce temps consacre également son éphémère carrière au Djoliba, sanctionnée par un titre de champion en 1990.

En 1992, le chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré, en collaboration avec l’Officier des Sports et les responsables militaires, décide de donner un nouveau visage à l’équipe de l’Union sportive des Forces armées et de sécurité (Usfas). Cela va tout chambouler dans beaucoup de clubs, parce que l’objectif recherché était de puiser dans leurs effectifs. C’est ainsi que les Modibo Sidibé, Cheicnkna Sow dit Pelé, Bassidiki Touré, Mamadou Keïta, Modibo Dembélé dit Gigla, Boubacar Diallo dit Bol (ou Saharaoui pour d’autres) n’ont pas hésité à saisir la balle au rebond pour répondre à l’appel au drapeau. Ils sont recrutés dans les différents corps de l’armée. Modibo Sidibé intègre la police avec le grade de sergent. Avec cette nouvelle politique des autorités militaires, beaucoup de jeunes se sont dit qu’au-delà de leur carrière, au moins le salaire, la retraite et l’avenir sont garantis. Donc pourquoi ne pas profiter de l’aubaine ? Les jeunes sont envoyés à Ségou, pour la formation militaire. Ladite politique a quand même donné les résultats escomptés. Il aura permis à l’Usfas de se hisser au haut niveau sur le plan local, avec deux finales de coupe du Mali, toutes perdues, en 1993 et 1995, respectivement contre le Djoliba AC et le Stade malien de Bamako.

La création de l’équipe de la Police nationale a contraint tous les policiers à quitter l’Usfas pour le club de leur corps d’origine, en 2000. Mais Modibo Sidibé n’aura passé qu’un an comme joueur actif de l’AS Police. Evoluant en deuxième division, l’équipe n’a pu accéder tôt à l’élite. Avec l’âge, il décide de mettre un terme à sa carrière. Surtout que, affecté à la Compagnie de la Circulation Routière, son emploi du temps tellement chargé ne lui permettait plus de concilier les deux activités.

Après sa retraite sportive, l’administration le sollicite pour prêter main forte à l’encadrement technique qu’il dirige d’ailleurs aujourd’hui.

L’histoire de Modibo Sidibé, c’est aussi la CAN de Tunis 1994 dont il fut un artisan principal de la qualification du Mali, après vingt-deux ans d’absence sur la scène internationale (depuis Yaoundé 1972).

A la suite de son bref séjour en équipe nationale entrecoupé par son départ pour la formation militaire à Ségou, le successeur de Kidian Diallo, Molobaly Sissoko n’a pas attendu son retour pour lui renouveler sa confiance. Il prendra le train en marche avec les Aigles lors de la deuxième journée contre le Maroc à Bamako, sanctionnée par une victoire des Aigles (2-1). Capi qui parachèvera l’œuvre de Molo fera de Modibo Sidibé le spécialiste des balles arrêtées. Et c’est à juste titre que lors de la dernière journée le 25 juillet 1993, feu Sory Ibrahim Touré dit Binkè prend le ballon et se dirige directement vers Modibo Sidibé pour lui demander de libérer le peuple malien.

A l’instant, qu’est-ce qu’il a senti ? Savait-il que tout le peuple était lié à ce penalty qui devait envoyer les Aigles à la CAN ? Comment s’est-il défait de la pression pour exécuter le coup de pied ?

Notre héros se rappelle ces moments d’émotion : “En tirant ce penalty, je n’avais aucune crainte ou émotion. Parce que depuis l’internat l’encadrement technique et les joueurs ont tracé les choses. Au cas où le Mali aurait un penalty, je devrais l’exécuter. Le geste de Binkè m’a mis en confiance et je n’avais pas droit à l’erreur. Surtout que je suis un spécialiste des balles arrêtées”.

Et vint la CAN de Tunis, où lors du match d’ouverture contre le pays hôte, Modibo Sidibé, d’un coup franc magistral, exécute le gardien tunisien, actant du coup la démission de l’entraineur adverse qui avait juré de rendre le tablier en cas de défaite contre le Mali.

Modibo lie son taux de réussite dans les coups francs aux multiples exercices pendant les séances d’entrainement, mais aussi parce que le coach Capi l’isolait spécialement pour s’essayer dans les balles arrêtées.

Avant le début de la CAN, les Aigles étaient considérés comme des outsiders, mais au fil de la compétition la donne changeait. Il était même arrivé que des pays comme le Nigéria prient afin d’éviter le Mali avant la finale. Malheureusement, les Aigles vont chuter à un moment où l’on s’y attendait le moins, face à la Zambie en demi-finale.

Quelle explication à cette (très lourde) défaite inattendue de l’équipe malienne ? Modibo Sidibé impute cette déconvenue à un mauvais calcul de l’encadrement technique. Il raconte : “L’encadrement technique a commis l’erreur de jouer la finale avant la lettre. Il voyait déjà l’équipe en finale, tout en minimisant l’adversaire. Moi, qui avais un carton jaune, j’ai été mis sur le banc pour ne pas prendre un second carton jaune, synonyme de suspension pour la finale. Au finish, l’excès de confiance a eu raison de nous. A cela s’ajoute un fait insolite, à savoir la présence d’un monsieur qui avait l’air d’un hindou. Il tenait un chapelet environ de dix mètres. Quand l’entraineur l’a aperçu à l’hôtel, il a couru pour nous dire de nous méfier de lui. Parce qu’il doit être le marabout de la Zambie. Le type, sachant bien que nous le prenions au sérieux, n’a rien ménagé pour nous effrayer. Partout où l’équipe malienne se trouvait, il créait un moyen pour nous perturber avec ses incantations. Cela a ébloui l’entraineur et lui a fait perdre tous les repères. Finalement, il n’a pas pu nous doper le moral comme il le fallait. Ce sont tous ces facteurs qui ont contribué à affaiblir l’équipe qui s’inclinera lourdement.”



En termes de bons souvenirs, Modibo Sidibé se rappelle de son titre de champion avec le Djoliba en 1990 et la CAN de Tunis 1994. Ce qui le réconforte davantage est l’admiration des uns et des autres à son égard. Partout où il passe, on lui manifeste ce respect et cette considération qui lui font chaud au cœur. Il ne voulait cependant pas parler de ses mauvais souvenirs, n’eut été notre insistance. Parce que l’incident malheureux qui a émaillé la finale de la coupe du Mali en 1993 demeure à présent pour lui une psychose. Chaque fois qu’il y pense, il se demande si l’histoire peut lui permettre de réécrire cette page sombre de sa carrière. On se rappelle que ce match qui a opposé le Djoliba à l’Usfas n’est pas allé à son terme, à cause d’incidents. Conséquence : les forces de l’ordre ont failli lyncher l’arbitre central, Sidi Békaye Magassa. Le président Alpha Oumar Konaré a été vite exfiltré et dès lors, il a décidé de ne plus présider une coupe du Mali jusqu’en 2001, à Koulikoro.

Recruté dans la police avec le grade de sergent, Modibo Sidibé est promu sergent-chef en 1996. Admis au concours professionnel d’inspectorat, il devient inspecteur en 2005. Avec les différents avancements, il est aujourd’hui Commandant de Police, anciennement appelé Commissaire Divisionnaire. Il sert à la Direction Régionale de la Police.

Modibo Sidibé est marié et père de trois enfants.

O. Roger Sissoko

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