Le Mali s’achemine-t-il vers une nouvelle crise de révision constitutionnelle ? de toute évidence, IBK ne semble pas avoir appris de la reculade nocturne humiliante de sa dernière tentative. Il s’entête et s’engage de nouveau dans une nouvelle aventure de tripatouillage constitutionnel comme annoncé par le gouvernement.
C’est un pari fou, à la limite de l’irresponsabilité coupable, que de prétendre, après l’échec cuisant de 2017, faire retripatouiller la Constitution du 25 février 1992 par une aventurière de la vingt-cinquième heure parachutée dans l’appareil d’Etat. La pauvre dame ne tardera très certainement pas de l’apprendra à ses dépens : la réforme constitutionnelle n’est ni la Réforme administrative, ni la Transparence de la vie publique qui délimitent son champ de compétence gouvernemental. Quelle folie en effet, que de s’attaquer encore une fois à la Loi fondamentale de la République du Mali, alors même que les conditions à l’origine de la mobilisation populaire spontanée qui a contraint IBK à l’humiliante reculade du vendredi 19 août 2017, sont toujours de mise, quand elles ne se sont pas tout simplement empirées. Sans même préjuger du fond de cette nouvelle opération de tripatouillage constitutionnel qui se profile à l’horizon, on se rend bien compte qu’au plan de la forme, elle paraît déjà suffisamment condamnée comme une entreprise mort-née.
Un climat asphyxiant de rupture de dialogue politique
Il est illusoire de vouloir défaire tout seul, par son seul clan politique ou familial, la Constitution du 25 février 1992 qui constitue un patrimoine commun façonné par tous dans un cadre consensuel. Le nouveau tripatouillage constitutionnel envisagé par IBK est un défi insensé à cette règle de bon sens. Le Mali rame, tel un bateau ivre, dans un climat politique de tempête tropicale radicalisé par la présidentielle truquée des 29 juillet et 12 août 2018 la plus frauduleuse de toute l’histoire politique du pays. A cause de ce hold-up électoral du siècle, une bonne partie de la classe politique conteste à juste titre le second mandat arraché au forceps par IBK et son clan. Et qui, malgré tout, refusent de faire profil bas en s’ouvrant humblement à un dialogue politique avec les victimes de sa casse du siècle. Tant que les comptes truqués de la mascarade de la présidentielle n’ont pas été soldés, il sera difficile d’obtenir un apaisement du climat politique avec l’opposition. IBK se devra également de solder les comptes de ses alliances et accointances opportunistes de second tour en train de s’effondrer sous nos yeux à cause de ses querelles intestines de partage de butins d’une victoire mal acquise. Ce double front hypothèque toute révision constitutionnelle. S’y ajoute le discrédit institutionnel de la Cour constitutionnelle.
Une Cour constitutionnelle frappée de discrédit institutionnel
La mascarade électorale de la présidentielle a provoqué la gangrène des principales institutions de la République. A commencer par la Cour constitutionnelle. Comme on le sait, la Cour constitutionnelle joue un rôle capital dans la procédure de révision constitutionnelle y compris à son stade ultime de référendum. Malheureusement, il se trouve qu’aujourd’hui, elle apparaît aux yeux du citoyen malien comme l’institution la plus discréditée et la moins républicaine de tous les temps. Depuis la dernière tentative de révision constitutionnelle et même avant, la Cour constitutionnelle n’a cessé de faire la preuve de son assujettissement total à IBK. La dernière présidentielle vient d’achever de déchanter les plus optimistes quant à un éventuel sursaut d’honneur démocratique de la part de cette institution qui fait aujourd’hui la honte de la République. Elle vient de nouveau d’en administrer la preuve avec ses deux avis contradictoires à propos de la constitutionnalité de la prorogation de mandat des députés ! Quelle autorité peut encore revêtir un quelconque avis ou arrêt de cette Cour sur le retripatouillage constitutionnel annoncé ? Comment compter en outre sur une Assemblée nationale dans le mandat est expiré et dont les députés ne disposent plus de mandat de la nation ?
Une Assemblée nationale illégitime de députés nommés à compter du 31 décembre 2018
Aux termes de la Constitution en son article 118, « le projet ou la proposition de révision doit être voté par l’Assemblée nationale à la majorité des deux tiers de ses membres… ». La Constitution parle bien de l’Assemblée nationale dont les membres portent le titre de « député » (article 60) qui sont « élus pour cinq ans au suffrage universel direct » (article 61). En aucun cas, aucun quelconque avis-non contraignant de surcroit-de la Cour constitutionnelle, n’a pu à aucun moment, valablement autoriser la prorogation d’un mandat fixé par la Constitution. Sauf à admettre que Manassa DANIOKO et sa cour de conseillers sont au-dessus de la Constitution du peuple souverain du Mali. Ce n’est tout de même pas avec une Assemblée nationale constituée de pseudo- députés, c’est à dire d’anciens députés en réalité, dont le mandat est constitutionnellement arrivé à expiration le 31 décembre 2018 à minuit, qu’on va engager une révision de la Constitution du Mali. Le fait serait inédit dans les annales ! A partir du 31 décembre 2018, le peuple malien ne serait plus représenté par aucun élu national constitutionnellement fondé à tripatouiller sa Constitution.En tout état de cause, même une Assemblée nationale régulièrement élue ne pourrait engager une révision constitutionnelle dans le contexte actuel d’atteinte incontestable graves à l’intégrité du territoire national.
Une persistance aggravée d’atteinte à l’intégrité du territoire national
L’article 118 de la Constitution dispose qu’« aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». La présidentielle des 29 juillet et 12 août 2018 en a apporté la preuve irréfutable, y compris aux conseillers politisés de la Cour constitutionnelle qui avaient prétendu le contraire au mépris de l’évidence : le Mali n’exerce aucune souveraineté étatique sur les régions du nord où se sont des groupes armés qui, en lieu et place du pouvoir d‘Etat, ont régenté à leur guise pour ne pas dire manipulé toutes les opérations électorales au mépris souverain des lois et règlements de la République. C’est cet état de fait caractéristique d’atteinte grave à l’intégrité du territoire national au sens de l’article 118 de la Constitution, qui explique le chantage auquel les autorités semblent avoir été soumises lors de la dernière présidentielle. Tout laisse croire que des promesses auraient pu avoir été faites moyennant la tenue du scrutin présidentiel dans ces « territoires perdus » ou « no man’s lands » au sein de la République. Toutes choses que le Constituant de 1992 a voulu éviter en s’opposant à toute révision de la Constitution dans les périodes d’atteinte à l’intégrité du territoire propices à la soumission de l’Etat à des chantages. Il est évident que le tripatouillage envisagé de la Constitution n’est que la rançon du chantage de groupes armés rebelles grossièrement enveloppé dans l’Accord d’Alger. Ce n’est ni plus ni moins qu’une confiscation de la souveraineté nationale du peuple tout entier par une ses fractions. En tout état de cause, comme les Maliens ont toujours su le démontrer, les accointances institutionnelles d’essence incestueuse entre un Président mal élu en mal de légitimité, une Cour constitutionnelle discréditée par sa politisation et une Assemblée nationale sans mandat constitutionnel, ne pourraient jamais réussir à confisquer la volonté réelle du peuple souverain. C’est lui qui détient toujours, en dernière instance, le dernier mot. Le mot de la fin de la récréation !