Le Palais de la Culture Amadou Hampaté Bah avait ses lueurs et ses couleurs des grands jours. Une salle combe qui jubilait sans savoir trop de quoi demain sera, des leaders endimanchés aux anges d’avoir un auditoire faute d’être entendu à la télé.
Si le chef de file de l’Opposition, l’honorable Soumaïla Cissé, peut se réjouir et peut encore compter sur les porteurs de pancartes pour garnir les 3000 places de la Salle Banzoumana Sissoko, par contre autour de lui au présidium clairsemé, c’est la même affreuse philharmonique ti-sonnante : Me Mountaga Tall, vieux routier de la politique et ancien baron du COPPO qui fait le service minimum, le Dr Choguel Kokalla Maiga qui retrouve sa fougue d’antan même sans le ralliement de son parti, Me Mohamed Ali Bathily qui épouse de plus en plus les positions gauchistes de son fils de Rasta, le Général Moussa Sinko Coulibaly qui joue à la girouette abonnée à tous les mouvements qu’il est depuis la présidentielle. À part Ras Bath, aucun des leaders de premier plan n’avait appelé à voter pour Soumi, Champion.
Dans ce capharnaüm oppositionnel, on chercherait la cohérence et la logique comme dans une boite de foin. C’est chacun selon ses centres d’intérêt, ses ambitions et ses objectifs stratégiques. Le parfait alibi, c’est la situation du pays déclinée en griefs souvent indigestes. Par exemple lorsque Soumi étale le fond du panier de la ménagère, qui selon lui « se vide dangereusement ». Toutes choses qui ont dû faire sourire Choguel et Me Tall, qui, à un moment (1994-1997) mettaient ce vide en parallèle avec « les chiffres macro-économiques au vert » que le Patron de l’Hôtel des finances, brandissait sur tous les toits. Idem, pour les élèves qui sont dans la rue. À l’époque, pour appeler l’histoire à la barre du présent, ce n’était pas seulement les élèves non orientés qui étaient dans la rue, c’est l’ensemble des cycles d’enseignements. Quid des « revendications catégorielles » de l’époque gérées à coups de gaz lacrymogène ? Comme le dirait Friederich Engels, « on pense autrement dans un palais que dans une chaumière ».
Dès lors doit être mise dans son contexte de changement de posture la tirade du chef de file de l’opposition quant à la l’autocratie, le clanisme, l’anachronisme et la boulimie de régime qui selon lui agoniseraient « depuis deux mois (et) criminalise le pays et instrumentalise sa partition. Ce régime est clairement en train d’échouer gravement dans son rôle, hérité de la fraude, de la corruption et de la prévarication, à sauver le Mali de la débâcle et de son dépeçage, de réunir son peuple autour d’un soupçon, pour ne pas dire brouillon de programme et de redistribuer les richesses, qu’il a longtemps dilapidées et pillées, aux populations, devenues misérables, mendiant presque leur survie chaque jour.
La seule vision de ce pouvoir, tantôt honteusement monarchique, surtout à l’étranger, tantôt terriblement oppressif et répressif à l’intérieur, sa seule vision est devenue « très court-termiste» ! Préserver le trône, privatiser l’économie, manœuvrer dans l’ombre, le secret et la compromission, espérer un miracle… »
Au-delà de l’extermination du discours, l’opposition FSD peine à dégager des positions unitaires, en tout cas novatrices, sur l’ensemble des grands sujets de la nation. Pour preuve, au moment où Soumaila Cissé continue d’arborer fièrement son écharpe de député et n’a point rejeté la prolongation du mandat des députés, Me Bathily (qui n’a pas appelé à voter pour Soumi) appelle, selon un confrère, à bien « cibler les domiciles les députés en les empêchant de franchir la porte de l’Assemblée nationale, voire même de leur domicile, à partir du 31 décembre 2018 ».
Persistant à voir un danger réel de partition du pays dans le projet de redécoupage tel que proposé par le gouvernement, le Dr Choguel Kokalla Maiga estime que « notre peuple doit dire non » et quant aux conférences régionales promises par le gouvernement, il les qualifie de trompe-l’œil voire de fuite en avant suite aux protestations des populations partout au Mali contre le redécoupage.
Dans la même trompette souffle l’ancien directeur de campagne du chef de file de l’Opposition. Pour Tiébilé Dramé, président du Parena, au regard des délais et de l’effervescence dans tout le pays ne permettant pas la tenue d’assises fécondes, le projet doit être retiré. L’opposant radical conteste-t-il le bien-fondé du projet ? Que nenni ! Pour lui, nul ne saurait contester la nécessité d’une réorganisation administrative. Mais pas à la hussarde. Pas la tribalisation concoctée par le régime. Une Mission de réorganisation territoriale est plus pertinente que des assises précipitées.
Or, sur le sujet, le principal grief de Soumi au redécoupage, c’est qu’« il n’a fait l’objet d’aucune consultation ni de la société civile ni de la classe politique ni des principaux intéressés et encore moins de nos mécanismes traditionnels incluant les chefs de villages et de tribus dépositaires de pouvoirs traditionnels ».
Le Front pour la sauvegarde de la démocratie, à lire entre les lignes du discours de Soumaila Cissé de ce dimanche, ne rejette ni redécoupage territorial ni le report des législatives. Ce qu’il veut, c’est une large concertation inclusive sur ces sujets. Il en est de même pour la révision constitutionnelle et la révision de la loi électorale.
La position du Front résume à peu près la doléance de la classe politique faite au ministre de l’Administration territoriale à savoir : organiser un dialogue direct avec le président, à défaut de larges concertations inclusives de l’ensemble des couches politiques et sociales en vue de parvenir à un consensus sur ces sujets et « rétablir, par tous les moyens nécessaires, un climat de confiance réciproque et d’unir leurs forces ».