Le Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), Amadou Ba, affiche une grande sérénité face aux frondeurs. Il donne des informations inédites sur ce qui est peut-être à l’origine des agitations de certains membres de l’organe.
Le vendredi 26 octobre, le Président de la CENI, Amadou Ba, a accordé un entretien à nos confrères de la chaîne du continent « Africable ». Avec une sérénité déconcertante, il est longuement revenu sur la situation qui prévaut actuellement au sein de la CENI. Selon lui, « cette situation qui défraie la chronique n’honore ni la CENI ni le Mali ». Amadou Ba a rappelé aussi les conditions dans lesquelles il a été élu à la tête de l’organe face Me Issiaka Sanogo.
Malgré tout, il a opté pour une politique d’ouverture en intégrant tout le monde, y compris le candidat malheureux à la présidence, qui a été désigné président de la sous-commission des affaires juridiques et du contentieux. « Certains sont toujours dans l’élection… C’est le coup permanent qui existe chez nous…. Les masques sont tombés…», regrette-t-il. Il rappelle que la maison de la CENI fut chaude à certains moments. « Pendant plus d’une année, nous avons travaillé, j’ai courbé l’échine. Ma responsabilité était de réussir la mission à nous confiée, ma personne a été suffisamment insultée », souligne-t-il.
« Celui qui détourne un fonds va être poursuivi »
A en croire le Président de la CENI, c’est la présence de la mission d’audit envoyée par le Ministre de l’Economie et des Finances qui a été mal appréciée par certains, estimant que l’organe ne doit pas rendre compte. Dès le départ, il a été clair en mettant en garde. « J’ai dit que celui qui détourne un fonds va être poursuivi parce que ce sont des fonds publics », lance-t-il.
Le Président Ba a fait savoir qu’il tient à ce que les comptes soient audités conformément à la lettre de mission du ministre en charge des finances. C’est pourquoi il a instruit au 1er Vice-président et au 1er Questeur de mettre tous les documents à la disposition de la mission d’audit qui dispose de 45 jours pour faire son travail. Cette attitude du premier responsable a été interprétée comme un manque de soutien à l’égard de certains membres de l’organe. C’est dans ces conditions que ceux-ci ont voulu mettre en place une commission ad hoc pour mettre le nez dans la gestion du Président, a expliqué Amadou Ba. Ce dernier leur demande de patienter pour deux raisons. Primo : pourquoi créer une commission ah doc alors, la CENI dispose d’une commission interne présidée par Mme Diané Mariame Koné ? Secundo : il faut attendre la fin de la mission d’audit de l’inspection générale des finances.
Formes viciées, décisions nulles et non advenues
Ils ont décidé de passer à la vitesse supérieure le lundi 22 octobre alors que le Président venait juste de reprendre le service après un traitement médical à l’extérieur. Ils ont accentué la pression sur le 1er Vice-président qui affirme avoir passé le service au Président. Alerté par le 1er Vice-président, Amadou Ba invite les frondeurs à venir échanger avec lui le mardi. C’est ainsi qu’il apprend dans l’après-midi, sa destitution et celle du 1er Questeur à travers un communiqué signé par Me Moctar Mariko, 2ème Vvice-président. Selon lui, le règlement intérieur précise les modes de convocation des réunions de bureau et la plénière. L’article 30 de ce règlement intérieur, a-t-il ajouté, donne le pouvoir au président de convoquer une assemblée extraordinaire ou aux 2/3 des membres du bureau. « Si les formes de convocation d’une assemblée sont viciées, cela veut dire que toutes les décisions sont nulles et non advenues. On n’a pas besoin d’aller dans une école de droit pour le savoir. On est tous dans des associations. On est tous dans des organisations…. La réalité va revenir à nos textes. Je n’ai pas demandé autre chose, que chacun respecte nos textes », a souligné le président Ba.
Pour lui, l’opinion a besoin de connaître la vérité. Il donne quelques détails sur la situation qui lui a été remise par les auditeurs le lundi 22 octobre. Me Issiaka Sanogo, Coordinateur régional à Sikasso, a reçu environs 200 000 000 F CFA. A ce jour, il n’a rien justifié à la mission d’audit. Alfousseini Abba, Coordinateur régional à Tombouctou, doit apporter les justificatifs de 102 millions. Me Moriba Diallo a justifié pour le moment 3 100 000 sur 146 036 000 F CFA. « Est-ce que vous pensez que ce sont des gens comme ça qui veulent embêter tout le monde, embarquer tout le monde », s’insurge-t-il.
Le Procureur saisi pour l’ouverture d’une enquête
Aux dires du Président de la CENI, ce sont les auditeurs envoyés par le ministre de l’Economie et des finances qui sont qualifiés pour dire qu’il y a indiscipline budgétaire. « Je ne suis pas porteur de fonds, je suis superviseur général. Quand vous faites de la gestion, certaines choses peuvent vous échapper. J’attends le résultat de l’audit du ministère de l’Economie et des finances », explique-t-il. Il n’y a pas de bras de fer, laisse-t-il entendre. « C’est une affaire très simple. On a embarqué tout le monde. Ce sont des gens qui ont pris leurs fantasmes pour la réalité ».
Amadou Ba est revenu sur l’incident qui a émaillé la rencontre avec la mission d’observation électorale de l’Union Européenne. La rencontre était prévue dans la salle de conférences. Les frondeurs ont occupé les lieux. Informé, le Président a demandé à son protocole d’aménager son bureau afin d’y tenir cet échange. Il y avait suffisamment de place. La délégation de l’UE a été reçue en audience au cours de laquelle certains frondeurs ont pris la parole pour dire que le président Ba a été destitué. L’audience est abrégée, le Président Ba présente ses excuses au chef de la mission et à ses compagnons.
« J’ai failli descendre sous terre », confie-t-il.
Après le départ de la délégation de la mission d’observation de l’UE, l’équipe de reportage de l’ORTM, venue couvrir l’audience, est entrée pour interviewer le Président dans son bureau. C’est en ce moment que certains frondeurs sont venus saccager les vitres en s’en prenant au personnel chargé d’assurer la sécurité du Président. Nos pauvres confrères de l’ORTM sont chassés comme des malpropres. « Ils ont tout saccagé. J’ai honte de dire ces choses là…. Il s’est passé des jours chauds dans cette maison. On m’a traité de tous les noms d’oiseaux. J’ai tout accepté mais quand ils ont vandalisé mon bureau avec des injures, j’ai dit non. J’ai saisi le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de la commune IV pour ouvrir une enquête. Je serais irresponsable en couvrant une situation comme ça. Il ne s’agit pas de ma personne », précise Amadou Ba. Le président de la CENI réfute toute appartenance politique. « Je ne suis pas un politique », avoue-t-il. « Je reste serein », avance-t-il.
Chiaka Doumbia
Me Issiaka Sanogo explique ses raisons de la brouille
Me Issiaka Sanogo et certains membres de la Ceni soutiennent avoir débarqué le président de la CENI, Amadou Bah et le premier questeur, Befon Cissé. Issiaka Sanogo s’est présenté le jeudi, 25 octobre 2018 à la maison de la presse comme le nouveau président de l’organe. Il explique « ses raisons » de la brouille.
Selon lui, la responsabilité, le devoir et le service de la patrie leur imposent à livrer la réalité de la CENI. « Depuis quelques temps, la CENI traverse une crise aiguë de gouvernance et de transparence en violation du règlement intérieur et du manuel de procédure qui régissent cette structure. Cette crise avait abouti à une tentative de médiation du conseil national de la société civile. Ce jour-là, une majorité écrasante de commissaires mettaient en cause, la violation du règlement intérieur de la CENI, son manuel de procédure, le non respect des décisions de la plénière, la gestion clanique de la CENI et l’affairisme du président Amadou Bah et son premier questeur Béfon Cissé. C’est grâce à la sagesse des commissaires et à la promesse ferme de Amadou Bah de corriger ces dysfonctionnements que la majorité des commissaires a accepté ce jour d’enterrer la hache de guerre à l’aube d’un processus électoral plus hasardeux », explique Me Sanogo.
A l’en croire, ces tares dénoncées ont été amplifiées à la veille de l’élection présidentielle. Les démembrements de l’intérieur et de l’extérieur sont à quatre mois d’arriérés pour les indemnités sans compter les arriérés des commissaires, le non paiement à ce jour des 661 délégués de Niafunké et de Téninkou. « En tout, il est reproché au président sortant et de son premier questeur, la mauvaise gestion de 683 640 000FCFA pour les CEC, CE cercle, CER et 64 260 000FCFA pour le fonctionnement des démembrements. Donc un total de 747 900 000FCA pour lesquels, aucun autre commissaire ne semble avoir des explications à l’exception d’Amadou Bah et Béfon Cissé. En conséquence et eu égard de l’extrême gravité des fautes, la plénière extraordinaire du 22 octobre 2018, après analyse du rapport de la commission ad hoc a décidé de retirer à Amadou Bah, les responsabilités de président de la CENI et à Béfon Cissé, les responsabilités de premier questeurs », déclare-t-il.
Selon Issiaka Sanogo, Béfon notifiait tantôt que l’argent a été utilisé pour l’achat de véhicule et le reste pour des meubles. « Il n y a pas de meuble de 100 millions à la CENI puisse qu’en déduction de la somme de véhicule il doit rester environ plus de 100 millions », a-t-il battu en brèche.