Dans notre boite email, nous avons reçu le témoignage d’un des geôliers des officiers de l’armée poursuivis dans l’affaire dite des «bérets rouges contre les bérets verts». Son témoignage laisse croire qu’à Kati, où sont illégalement détenus les prévenus, ils sont vraiment la maltraitance avec son cortège de tortures, de soif, de faim et d’humiliations de tout genre et probablement de maladies.
«J’ai honte et je ne peux pas décliner mon identité, sinon ils vont me tuer et punir ma femme et mes enfants. Je suis un musulman. Je ne mens pas. C’est écœuré que je fais ce témoignage. En effet, les conditions des officiers emprisonnés à Kati sont vraiment inhumaines. Même un animal, on ne le traite pas comme ça. Ils sont enfermés 24h / 24, 7 jours sur 7, portes et fenêtres cadenassées et dans le noir total. Ils n’ont aucun droit, aucune visite. Ils ne peuvent pas écrire, encore moins parler. Sous Moussa Traoré, moi, j’ai gardé des prisonniers. Je vous jure, au nom d’Allah, leur traitement était meilleur. Ce n’est pas possible. Un détenu a demandé une radio, le chef l’a insulté. Lui aussi a insulté le père du chef. Ces militaires sont affamés. J’ai trop honte d’être militaire, je le jure. La nourriture qui leur est donnée, on ne la donnerait même pas à un chien. Le lait que nous leur mettons dans des bouteilles d’eau minérale n’est pas buvable, il est décomposé et il arrive même que la bouteille explose. Nous, les sous-officiers, ne supportons pas de voir nos chefs traités de la sorte. Nous essayons d’être gentils, de les aider à garder le moral. Des commissaires disent qu’ils vont se pendre. Beaucoup disent qu’ils sont innocents et que c’est un règlement de comptes. J’ai honte aujourd’hui d’être militaire. Mais Général MAN, c’est un homme, un homme très fort. Il m’a dit qu’il préfèrerait mourir que de supporter l’humiliation». Voici l’un des passages les plus poignants du mail de notre témoin.
«… Un détenu, dont je préfère taire le nom, a été frappé, pieds et mains attachés avec une corde. Ils l’ont amené pour le frapper, Walahi, sur la tête de mes enfants. Moi, je n’ai pas besoin de mentir. Je ne veux ni argent ni or. Je suis un bon musulman, rien que cela. La chose qui me fait le plus mal mal, c’est que personne n’est venu leur rendre visite, pas leur famille, pas la société civile, personne. On dirait qu’ils sont sans famille. Le Capitaine Sanogo est venu un mardi parler aux bérets rouges. Il ne les a pas insultés, mais a demandé à chacun: pourquoi tu es là? Il n’est plus revenu ici. Si vous venez, vous verrez que je n’ai pas menti. Un lieutenant pleurait l’autre jour. C’était la fin du mois et il ne savait pas comment sa femme et ses enfants allaient manger. Il y a trop d’innocents parmi eux. C’est un règlement de comptes».
Ainsi, sous le gouvernement Cheick Modibo Diarra, les droits de l’homme les plus élémentaires semblent totalement bafoués, sur la foi de ce témoignage, fort crédible jusqu’à preuve du contraire. Que diront de ce cri du cœur les associations de défense de droits de l’homme? Vont-elles croiser les bras et laisser mourir ces gens? Pourtant, l’alerte a déjà été donnée par Me Harandane Touré, conseil de l’un des détenus. Chez notre confrère Le Républicain, ce brillant avocat a dénoncé tous les malheurs que vivent l’ensemble des détenus et, surtout, leur lieu de détention en violation, dit-il, de toute procédure. Sans ce témoignage, nul ne pouvait croire à la pertinence des propos de l’avocat, lesquels pourraient désormais plutôt s’assimiler à une stratégie de défense.
Ce témoignage d’un geôlier est accablant. Il interpelle au premier chef le nouveau ministre de la Justice, Malick Coulibaly, par ailleurs réputé pour sa rigueur et son souci du respect des droits et des libertés fondamentales. Monsieur le ministre, resterez-vous les bras croisés devant cette situation insupportable, inhumaine, indigne du Mali démocratique? Monsieur le ministre, préférerez-vous démissionner plutôt que de cautionner un fait qui heurte, sans nul doute, votre conscience d’homme?
Une telle violation, ignoble, des droits des détenus, présumés innocents jusqu’à preuve du contraire, interpelle la conscience collective et celle des organisations qui défendent les droits humains à travers le monde.