Les élections législatives, déjà repoussées d’un mois en septembre, ne se tiendront a priori pas le 28 octobre. L’avis de la Cour constitutionnelle qui ouvre la voie à ce nouveau report – confirmé par le conseil des ministres de mercredi – fait des mécontents dans la classe politique malienne.
Sans surprise, les députés maliens voteront au cours d’une session du Parlement la prorogation de leur mandat. Ce glissement du calendrier électoral, pressenti depuis plusieurs semaines, s’explique, selon les motifs évoqués par le gouvernement, “d’une part, [pour] éviter l’enchevêtrement des opérations électorales qui, sur le plan technique et opérationnel, serait de nature à porter atteinte à la sincérité des scrutins et, d’autre part, [pour] permettre une organisation matérielle plus sereine des différents scrutins”.
A cela s’ajoute le nouveau découpage territorial de notre pays. Alors que la Cour constitutionnelle vient de donner son aval à un report des législatives, jusqu’en juin 2019, certaines voix s’élèvent pour contester la prorogation du mandat des députés. Au sein de la classe politique, les avis divergent sur l’opportunité de ce report, malgré des arguments qui plaident en faveur de l’impossibilité de tenir le scrutin dans les temps.
C’est désormais presque une certitude, les élections législatives ne se tiendront pas comme initialement prévu en décembre prochain. La Cour constitutionnelle, saisie par l’Assemblée nationale, a donné un avis favorable à la demande de prorogation de six mois, du mandat des députés qui arrivent à échéance en fin d’année. En septembre dernier, c’est l’exécutif même qui a sollicité la Cour constitutionnelle à cette fin. Autant dire que le gouvernement de Soumeylou Boubèye Maïga y est favorable et entamera, dans les prochains jours, la procédure prévue en la matière par les textes notamment l’adoption d’un projet de loi qui sera par la suite soumise à la validation du Parlement.
Il faudrait donc attendre juin 2019 pour la tenue de ce scrutin même si un nouveau report pourrait encore être envisagé si les conditions de la tenue du scrutin ne sont pas encore réunies à cette date.
Contexte peu favorable
Le report des législatives était dans l’air du temps depuis le lendemain de la présidentielle d’août-septembre dernier. Le scrutin a été certes remporté par le président sortant, Ibrahim Boubacar Kéita, mais l’opposition a fortement critiqué le processus qui est, selon elle, “entaché d’irrégularités et de fraudes de grande ampleur”. La preuve, le principal challenger d’IBK, Soumaila Cissé, continue de contester la légitimité du chef d’Etat. Et pour ce faire, un front dénommé, le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), tient désormais à ce que toutes les conditions soient réunies pour un scrutin transparent. Ce qui nécessite des réformes et donc va prendre du temps.
De son côté, le gouvernement semble ne pas être prêt à organiser un scrutin qui intervient dans un contexte sécuritaire les plus alarmants. Plusieurs réformes sont en effet en cours notamment un redécoupage administratif avec la mise place de nouvelles régions, ainsi que l’adoption des lois permettant le vote et donc la représentation de la diaspora. Et pour ne pas arranger les choses, la grève des magistrats qui déjà fait repousser le scrutin du 28 octobre au 25 novembre, se poursuit toujours alors que l’administration judiciaire est un acteur central du processus électoral.
Voix discordantes
Toutefois, plusieurs autres formations politiques se sont déjà prononcées contre le report. C’est le cas du parti Yéléma, “le Changement”, de l’ancien premier ministre Moussa Mara. Dans une déclaration de presse, en date du 16 octobre, il a tenu à réitérer sa position, maintes fois exprimée, du maintien à date constitutionnelle des élections législatives. Tout en exprimant, “son opposition par principe au report de cette consultation”, Yéléma, rappelle que la Cour constitutionnelle a déjà clairement affirmé qu’il n’existe aucune possibilité constitutionnelle de reporter les élections législatives et de proroger par voie de conséquence le mandat des députés.
Le parti de Moussa Mara a par conséquent invité le gouvernement à assumer, “sa responsabilité d’organiser des élections permettant de respecter la Constitution et les lois comme il l’a fait à l’occasion du scrutin présidentiel”. Bien qu’il reconnait la pertinence des arguments pour un report des législatives, la formation, qui a prévenu sur les risques d’une énième crise politique, a estimé que “cette situation constitue un échec pour le gouvernement et conduit à un vide qui ne saurait être couvert par un quelconque acte juridique ou judiciaire”.
Le parti de Mara n’est pas le seul à s’opposer au report des législatives. Plusieurs autres formations, notamment de la majorité présidentielle, comme la Codem, l’Adéma/PASJ ou le Mouvement pour le Mali, sont réticents face à ce report qui se traduira par une prorogation du mandat des députés.
La Cour constitutionnelle justifie son arrêt au nom d’un “cas de force majeure” que posent les difficultés qui entravent l’organisation des législatives. La Cour insiste également sur “la nécessité d’assurer le fonctionnement régulier de l’Assemblée nationale”. La Constitution stipule en effet que le scrutin se tient tous les cinq ans. Le dernier ayant eu lieu les 24 novembre et 15 décembre 2013, la non tenue des législatives dans les délais plongerait le pays dans un vide constitutionnel.