À l’état civil Traoré Mariam Sangaré, Sista Mam est mariée et mère de trois enfants. Elle a fréquenté d’abord le centre commercial de Ségou, l’école fondamentale de Boulkassoumbougou, ensuite le lycée Bouillagui Fadiga Annexe, pour terminer par la Faculté des Sciences juridiques et politiques avec une maîtrise en Doit public international. Celle qui dit avoir été beaucoup marquée par la tendresse de ses grand-mères à Ségou, «deux merveilleuses personnes que je garde au fond de mon cœur», espère qu’elles veillent sur elle de là-haut.
Pourquoi vous avez choisi la musique reggae pour vous exprimer ?
Le reggae, ma défense de la philosophie rasta, a d’abord commencé par l’animation d’une émission reggae «kingston road» sur la Radio Kayira de Bamako en 2004. À l’époque je n’avais pas commencé une carrière musicale car ma liberté dans ce domaine dépendait de l’obtention de mon Diplôme de fin d’étude, certes je suis très amie avec mes parents, mais ils sont stricts quant à l’éducation des enfants.
En 2005, j’intègre la célèbre chorale catholique Ba Antoine pour maîtriser les chants aigus et six mois plus tard, je sollicite des cours privés de chant avec M. Massambou Wele Diallo à l’INA et au Conservatoire afin de parfaire ma technique vocale. C’est finalement en 2006 que je vais enregistrer mon premier single «Maman» dédié à ma mère et d’autres reprises comme «wari bana» de Alpha blondy ou «war» de Bob Marley. En 2007, je mets en place un groupe de reggae avec d’autres musiciens africains vivant au Mali «hakilima roots band», il connaîtra un succès fulgurant entre 2007 et 2011.
Parlez-nous un peu de votre premier album.
Mon premier album sortira en février 2010, un album de neuf titres qui abordera des thèmes sur «les us et traditions africaines, le sous-développement du continent, le respect des droits humains et la justice, le discours d’indépendance du Mali, prononcé par SEM Modibo KEITA boucle l’album. Parce que je suis défenseur des droits humains et de la foi rastafarienne, le reggae est cette arme, ce moyen d’expression qui peut atteindre des milliers de personnes à la fois. La vie de tous les jours, les précurseurs du reggae, les combattants pour l’émancipation des peuples noirs d’Afrique et d’ailleurs et les pères de l’Indépendance de nos pays.
Est-ce que vous avez eu le soutien des rastamen maliens ?
Ils ont toujours été là pour moi, ils sont mes premiers sponsors, ils me font confiance et sont fiers de ce que leur petite fille devient.
Quelles sont les difficultés pour une musicienne rasta ?
Waw ! il y en a tellement. D’abord, il n’y a pas de producteur de musique au Mali «sauf si tu chantes les louanges de quelqu’un» ; ensuite il n’y a plus de distributeur au Mali depuis plus de 5 ans. Du coup, l’artiste doit tout faire tout seul… après t’être débrouillé à faire ton album voilà des inconscients qui vont télécharger ton œuvre gratuitement à but commercial pendant que tu ne récolteras même pas les royalties. Avec le reggae c’est encore pire. Cette année, nous «chanteurs de reggae» n’avons été programmés sur aucun festival au Mali, on donne des trophées et nous ne sommes pas honorés. Pourquoi une telle discrimination des organisateurs de festivals et acteurs culturels ?
Le président de la République a récemment décoré tous les anciens artistes du Mali. Pourquoi Koko Dembélé n’a rien reçu ce jour-là ? Beaucoup de gens pensent que le reggae est une musique venue d’ailleurs, mais ils se trompent largement, le reggae est une musique déportée par des esclaves sénégalais, sud-africains et congolais dans les Caraïbes. Le reggae est une musique africaine qui évolue et qui fait nourrir des millions de personnes à travers le monde, c’est la seule musique aujourd’hui qui s’efforce à trouver des mots qui conviennent pour décrier des problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Quels sont vos projets en perspectives ?
Nous sommes à pied d’œuvre pour l’organisation de la 14ème édition de Mali festi reggae, prévue les 21, 22 et 23 février 2019 à Bamako. Vu le succès éclatant de la 13e édition au musée national du Mali, beaucoup d’artistes internationaux ont émis le souhait de participer à ce festival qui n’est désormais plus pour le Mali, mais pour l’Afrique et le monde entier.
Des écrivains et professeurs d’université de renommée internationale souhaitent apporter leurs concours aux panels et débats. Pendant 3 jours de Festival, tout y sera : conférences-débats, concerts sur la petite scène avec des artistes en herbe, concerts sur la grande scène avec des grosses pointures du Reggae, exposition et vente d’objet d’art «Rasta Sugu» sound system, projection de films, nayabingui…
Avez des relations de collaboration avec les autres artistes ?
J’entretiens une bonne relation de camaraderie avec les autres artistes, qu’ils soient reggae makers ou pas, Master Soumi, tonton Idriss, Sory par exemple, me soutiennent dans toutes mes activités et les bons conseils de Cheick Tidiane Seck, Massambou Wele Diallo ou Barou Diallo dit Barou bléni n’ont jamais fait défaut. Sinon avec les frères rastas, on se serre les coudes et il le faut bien.
Est-ce que vous donnez des concerts ?
Oui je donne beaucoup de concerts privés à Bamako, des cafés-concerts aussi mais les grands live se font rare à Bamako, les consommateurs et les organisateurs sont beaucoup plus dirigés vers la musique programmée. Or, la valorisation de la musique en live est une de mes priorités.
Est-ce que la musique fait vivre de nos jours ?
Seuls Oumou Sangaré, Kar kar, Salif keita, Habib Koité et quelques-uns pourront répondre positivement à cette question.
Qu’en est-il de votre engagement politique ?
Je suis citoyenne, j’ai accompli mon rôle en procédant au vote. Dans mon centre, il n’y a avait pas d’affluence comme en 2013, les gens rentraient et sortaient facilement. N’étant plus membre d’un parti politique, je n’avais pas les capacités et les moyens de juger les procédures. J’attends de voir les résultats et les recours des différents candidats pour apporter un jugement. Ce qui est sûr, j’ai voté pour mon candidat «rire».
Quels sont tes projets immédiats et votre passion?
Je ne renonce toujours pas à mon projet de restaurant, la cuisine est une passion, malgré mes deux échecs dans l’affaire. Je compte bien tenter ma chance encore, l’espace pourra servir de cadre d’échange des rastas, mais aussi les retrouvailles des mélomanes et fans de musique. Le nouvel album «Trône de Jah» est prêt, il est composé de 15 titres. C’est un album très spirituel dans lequel j’aborde beaucoup de thèmes. Cela va de l’éducation à la spiritualité en passant par l’unité, la dégradation de l’école malienne, la promotion de nos langues maternelles, le comportement des jeunes.
Vous êtes animatrice de télé maintenant ?
Non pas, forcément. J’ai une émission Ziiri-naamu… sur Cherifla TV. Face à la déperdition presque totale de notre jeunesse due en partie au délaissement de certaines de nos valeurs éducatives, sociales et culturelles, au profit des médias sociaux, nous avons jugé nécessaire et urgent de faire renaître une de nos valeurs appelée “Ziiri Naamu” ou (les Contes). L’émission est diffusée tous les samedis à 17h 30, et rediffusée dimanche matin à 10h sur Cherifla TV. En même temps, je continue avec l’émission reggae… La promotion du reggae et la défense de la philosophie rasta continuent sur la chaîne 2 tous les mardis de 15h à 16h.
Avez-vous des mots pour conclure cet entretien ?
Je remercie votre journal pour l’opportunité, je remercie aussi mes parents et tous ceux qui me soutiennent. Dire qu’il y aura des concerts à l’extérieur du Mali prévus dans le cadre de la promotion du nouvel album et la préparation d’une grande soirée dédicace pour mes fans.