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Réforme de la décentralisation: fondement, bilan et propositions de relance
Publié le jeudi 8 novembre 2018  |  Info Matin
Conférence
© aBamako.com par Momo
Conférence de presse sur les pourparlers intermaliens d’Alger
A l’issue du round de la semaine dernière des pourparlers d’Alger entre le gouvernement et les groupes armés, l`équipe de médiation conduite par les Ministres de la Solidarité, de l’Action Humanitaire et de la Reconstruction du Nord, M. Hamadou KONATÉ, de la Réconciliation Nationale M. Zahabi Ould Sidi MOHAMED et de la Décentralisation et de la Ville M. Ousmane SY.
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Cinq ans après la tenue (lundi 21 au mercredi 23 octobre 2013) des états généraux de la décentralisation sur le thème ‘’la décentralisation au Mali : état des lieux et pistes de solutions pour un nouveau souffle’’, on rebelote. Le projet de réforme territoriale que le Gouvernement appelle ‘’réorganisation territoriale’’ et que l’opinion prend pour un projet de ‘’redécoupage territorial’’ fait débat. Si dans le fond, il y a consensus, les opinions sont loin de s’accorder sur la forme et la conduite de la réforme. Le Gouvernement, conformément à la loi N°2017-051 du 02 octobre 2017 portant Code des Collectivités territoriales dit poursuivre l’approfondissement du processus de décentralisation pour un développement équilibré du territoire national en vue d’améliorer la gouvernance notamment au niveau local. Pour une grande partie de l’opinion sensible aux thèses de l’Opposition, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une ‘’aventure injustifiée et injustifiable’’, une camisole de force qui pourrait aboutir à la partition du pays.

Pour aider les lecteurs à se faire leur religion, ‘’Info-Matin’’ propose l’expertise du maître d’œuvre de la première réforme de la décentralisation, le Dr Ousmane SY. Père de la décentralisation au Mali sous le règne Alpha Oumar KONARE, Ancien ministre de l’Administration territoriale et des collectivités locales et ancien ministre de la Décentralisation de la ville, le Dr Ousmane SY a produit une excellente contribution sur les fondements, le bilan et les propositions pour la relance du processus de la décentralisation au Mali.

Nous vous proposons ci-dessous sa contribution, publiée dans nos colonnes en novembre 2013 et qui avait été versée aux débats des assises nationales sur le Nord tenues les 1er, 2 et 3 novembre 2013 au Centre International de Conférence de Bamako (CICB).

NOTE SUR LES FONDEMENTS, LE BILAN ET LES PERSPECTIVES DE LA

REFORME DE DECENTRALISATION DE LA GESTION PUBLIQUE AU MALI

(Ousmane SY, Consultant et Directeur de l’Institut du Local Bamako)

1. Au début des années 1990, la République du Mali, s’est engagé dans la préparation et la mise en œuvre d’une reforme de décentralisation de la gestion publique. Les deux grandes ambitions de cette réforme majeure de la 3e République étaient : d’une part l’enracinement du processus de démocratisation et d’autre part l’émergence d’une approche de développement initiée et portée par les acteurs locaux. Ces deux grandes ambitions étaient articulées sur le défi majeur de la réforme de l’Etat centralisé en place depuis l’indépendance et qui a montré toutes ses limites.

Le rappel des fondements et des grands choix de la réforme de décentralisation

2.Le mode de gestion décentralisée des affaires publiques est une très vieille tradition pour toutes les communautés locales du Mali. Cependant, la centralisation administrative, politique et économique s’est progressivement installée depuis plus d’un siècle. D’abord par le fait de la colonisation française, à la suite de la conquête des territoires du Haut Sénégal puis du Soudan Français (milieu XIX siècle), puis à l’Indépendance (1960) en évoquant la priorité donnée à la construction d’une nation unifiée. Après les soulèvements populaires du 26 mars 1991, l’État centralisateur et gestionnaire exclusif des affaires publiques a été fortement remis en cause. Il fallait repenser tout le système politique et institutionnel de gestion publique. Après les débats de la Conférence Nationale d’Août 1991, un large consensus s’est construit autour du choix de la décentralisation de la gestion publique comme axe stratégique pour la construction du « futur » de la nation malienne.

3.Les raisons de ce large consensus des acteurs sur la demande de décentralisation de la gestion des affaires publiques sont à rechercher dans l’histoire de la formation de ce qu’est la nation malienne. Le respect du principe de la diversité et sa prise en compte dans l’élaboration des normes de gestion des rapports entre les individus, les communautés et les territoires est un des fondements majeurs et plusieurs fois centenaires de la culture malienne. Ce même principe fonde toute démarche de décentralisation. Avant d’être une technique de gestion administrative, la décentralisation est d’abord un état d’esprit donc une culture. La preuve en est que tous les leaders politiques, qui ont eu en main la gestion du Mali indépendant (de Modibo Keita à Amadou Toumani Touré), ont mis en avant dans leurs discours et avec constance la volonté d’aller à la décentralisation.

4.Malgré la constance du discours politique et l’adéquation avec le patrimoine institutionnel ancien des populations, la mise en place de la décentralisation a été constamment entravée par l’évocation d’une série de préalables dans le souci de ne pas mettre en péril l’unité nationale. La volonté politique de construire une démocratie pluraliste et un Etat de droit qui ont résulté des travaux de la Conférence Nationale de 1992 et l’engagement de l’ensemble du pays à trouver une solution pacifique à la 2e édition rébellion au nord du pays ont créé les conditions politiques qui ont permis d’ouvrir de nouvelles perspectives à la mise en place de la décentralisation. D’abord, la Conférence Nationale de 1991, après avoir examiné et discuté de l’Etat de la Nation présenté à l’époque par le gouvernement de transition, a recommandé : « la levée de toutes les entraves qui s’opposaient à une décentralisation effective ». Ensuite, le Pacte National qui a scellé l’engagement du gouvernement et des mouvements qui dirigeaient la rébellion au nord du pays (MFUA) a prévu un statut particulier pour le Nord dont le fondement était la décentralisation. Des concertations organisées à l’échelle de tout le pays autour du Pacte National (Conférence de Ségou et de Mopti en 1992) est sortie la volonté de faire de la gestion administrative décentralisée le mode de gestion de tout le pays et pas seulement du Nord. C’est pour toutes ces raisons que le 1erPrésident de la 3emeRépublique (Alpha Oumar Konaré) a fait de la réforme de la décentralisation une de ses toutes premières priorités politiques.

5.La première condition de concrétisation de la réforme était d’aller à la création des collectivités décentralisées et à l’émergence des élus locaux qui, en partenariat les autres acteurs, allaient s’atteler à la construction d’un système de gestion publique décentralisé après plus d’un siècle de centralisme. La mise en œuvre de la reforme a été bâtie autour des choix stratégiques suivants :

i)la communalisation intégrale du territoire, dans une première étape[I], avec la participation des délégués des villages dans le débat sur l’émergence des communes qui regroupent les villages, les fractions nomades (en zone nomade) et des quartiers en milieu urbain ;

ii) le libre choix des décideurs (élus) locaux par les citoyens ceci permettant de ramener la gestion locale à un niveau proche et compréhensible par les populations ;

iii) la progressivité dans le transfert des responsabilités (compétences), des ressources (dotations) et du patrimoine (meuble et immeuble) de l’Etat aux collectivités décentralisées ;

iv) le contrôle de l’Etat central sur les collectivités décentralisées à travers ses représentants territoriaux (une superposition de la décentralisation et de la déconcentration) ;

v) le respect des us et des coutumes de chaque communauté pour le choix des chefs de village, de fraction et de quartier ;

vi) la non-rémunération de la fonction d’élu local qui est censé se mettre au service de ses concitoyens. Seules des indemnités lui sont dues.

6. Ces choix de base ont été partagés avec l’ensemble des acteurs nationaux et locaux à travers un programme de communication et de mobilisation sociale. Pour ce faire, les médias publics et privés nationaux et locaux et tous leurs supports écrits et audiovisuels ont été mis à contribution. Un accent particulier a été mis sur l’ancrage culturel qui a permis de mettre les principes de base de la décentralisation en dialogue avec les codes culturels et les modes de pensées propres aux populations maliennes. La traduction des grands choix faits dans les différentes langues nationales et l’effort déployé pour trouver les mots propres à chaque langue ont permis de faire mieux comprendre la réforme et ses enjeux.

Des acquis certains après une décennie de mise en œuvre

L’enracinement de la démocratie et de la perspective locale dans le paysage politique et institutionnel du pays

7. La réforme est soutenue par un arsenal législatif et réglementaire solide, et des organes délibérants et exécutifs fonctionnels. Malgré la faiblesse des ressources humaines et financières, les 761 collectivités territoriales (703 communes, 49 cercles, 08 régions et le district de Bamako) ont montré leur capacité à engager une politique d’accroissement de l’offre de services publics aux populations à travers la réalisation d’infrastructures dans les secteurs sociaux (santé, éducation, eau) et marchands (les marchés, les abattoirs, les parcs de vaccination) et à contribuer au développement de leurs territoires à travers la préparation des plans de développement économique, social et culturel (PDESC). La démocratie ne paraît plus comme un concept vague et creux pour des populations des villes et des villages qui, à travers le vote, ont la possibilité de sanctionner positivement ou négativement les gestionnaires de leurs affaires. Ceux-ci sont des voisins qui parlent leurs langues et qu’ils peuvent interpeller sans risque. Pour des populations qui n’ont été que des administrés sur plusieurs générations, c’est une véritable révolution.

L’existence de nombreuses structures chargées de la promotion, de l’accompagnement et du suivi du processus de décentralisation.

8.Il s’agit notamment :

i) du Haut Conseil des Collectivités (HCC), une institution constitutionnelle de représentation des collectivités au niveau national dotée d’un pouvoir consultatif ;

ii) le Ministère chargé de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales (MATCL) qui gère la Direction Nationale des Collectivités Territoriales (DNCT), la Direction Nationale de l’Aménagement du Territoire (DNAT), l’Agence Nationale d’investissement des Collectivités Territoriales (ANICT) et le Centre de Formation des Collectivités Territoriales (CFCT) ;

iii) le Commissariat au Développement Institutionnel (CDI) rattaché au Ministère chargé des réformes qui gère le Programme de Développement Institutionnel (PDI) comprenant un volet de consolidation de la décentralisation et de renforcement de la déconcentration.

A ces trois structures maîtresses de la conduite et d’accompagnement de la réforme, il faut ajouter : les associations regroupant les élus locaux pour la défense des intérêts de collectivités décentralisées que sont : l’Association des Municipalités du Mali (AMM,) l’Association des Collectivités Cercles du Mali (ACCM) et l’Association des Collectivités Régions du Mali (ACRM) ; le Comité National d’Orientation des Appuis Techniques aux Collectivités Territoriales (CNO) ; le Comité National des Finances Locales et le Panel de la décentralisation et du développement institutionnel, un cadre de dialogue entre les autorités maliennes et les partenaires bilatéraux et multilatéraux sur les réformes publiques.

La mise en place de la Fonction Publique des Collectivités Territoriales et la création des cellules d’appui à la décentralisation et à la déconcentration dans certains départements ministériels sont venues compléter le cadre de pérennisation de la réforme.

L’existence d’un dispositif d’appuis financiers et de plusieurs programmes d’appui

9.Le gouvernement a créé en 2007, le Fonds National d’Appui aux Collectivités Territoriales (FNACT) dans le but d’harmoniser la compréhension de tous les acteurs sur la nature, les modalités de constitution et de gestion des différents fonds. Ce fonds comprend actuellement cinq dotations dont seules la Dotation d’investissement des Collectivités Territoriales et la Dotation pour les Appuis Techniques sont aujourd’hui opérationnelles et abondées par l’État et les PTF. Les deux dispositifs d’appui sont les Programmes Nationaux d’Appui aux Collectivités Territoriales (PNACT I, PNACT II et PNACTIII) et le Programme de Développement Institutionnel (PDI).

L’amorce du processus de transfert des compétences et des ressources de l’État aux collectivités territoriales

10.Certaines compétences ont été transférées dès la mise en place des organes élus : l’état civil, le recensement, les archives et la documentation, la police administrative, l’hygiène et l’assainissement. En ce qui concernant les compétences spécifiques, des domaines ciblés telles l’éducation, la santé, l’hydraulique et la gestion des ressources naturelles ont fait l’objet de textes et de timides progrès.

Mais les difficultés sont encore nombreuses

La non-viabilité financière d’un grand nombre de communes

11. Un nombre important de petites communes qui ne disposent pas d’un potentiel de ressources humaines et financières leur permettant d’amorcer des actions de développement.

La faible implication des acteurs communautaires dans le fonctionnement des collectivités décentralisées.

12.En dehors des périodes électorales et souvent d’élaboration des PDESC, le niveau d’implication des autres acteurs dans la gestion des affaires locales reste très limité. Ils sont peu informés sur le fonctionnement des collectivités territoriales et en conséquence, sont très peu associés aux décisions des élus.

Les dérives liées au mode de mise en place des organes délibérants et des exécutifs des collectivités décentralisées.

13. Les organes délibérants sont composés uniquement des élus au suffrage universel. Ce choix et les problèmes liés à sa gestion excluent de la délibération publique toutes les autres légitimités (coutumières, associatives) qui existent au niveau local. Souvent aussi par le jeu des alliances, la liste ayant obtenu le plus grand nombre de conseillers perd le poste de maire ou de président au profit d’une liste minoritaire. Il en résulte que la configuration des organes exécutifs est loin de représenter le fait majoritaire. Le problème majeur de manque de collégialité dans la décision publique qui en découle entraîne la paralysie et le mauvais fonctionnement des exécutifs et des conseils délibérants.

Les résistances à la mise en œuvre des processus des transferts de responsabilités et budgétaires aux collectivités territoriales

14.Malgré les textes et les multiples instructions relatifs à la mise en œuvre des transferts de responsabilités et des ressources et à la mise en place d’une commission interministérielle de pilotage de ces transferts, les changements sont restés très lents et hésitants. Les transferts financiers globaux de l’État aux collectivités territoriales sont d’une très grande faiblesse (moins de 1% Produit Intérieur Brut pendant toute la période 2005-2008). De la même manière, la mobilisation des ressources autres que les ressources fiscales (exploitation des équipements marchands, recettes tarifaires) reste insuffisante. Une des plus grandes menaces sur le processus de décentralisation est la prépondérance de ressources financières extérieures dans le financement des collectivités décentralisées. En 2008 et 2009, 93,21% des subventions allouées aux collectivités territoriales proviennent des PTF tandis que la part du financement national n’est que de 6, 79%.

Les faiblesses liées au choix des élus et l’instabilité du personnel administratif d’accompagnement des collectivités territoriales

15.La qualité des élus qui gèrent les collectivités est déplorée par un grand nombre d’acteurs. Les raisons avancées sont diverses : un manque de rigueur dans le choix des candidats aux postes électifs, la faiblesse du niveau de formation des élus, le taux élevé de renouvellement des élus et du personnel d’appui administratif et le manque crucial d’archives et de documentation pour capitaliser des expériences acquises. Malgré quelques initiatives de renforcement de leurs capacités, les représentants de l’État sur le territoire (Gouverneurs, Préfets et Sous/Préfet) n’ont que de faibles moyens pour faire face à leurs missions de coordination de services de l’État, de contrôle et d’accompagnement des collectivités. Le grand décalage entre l’évolution du processus de décentralisation et celui de la déconcentration, affecte non seulement l’image de l’Etat sur le territoire, mais aussi la fonctionnalité des collectivités territoriales.

La faible articulation des initiatives locales et des programmes sectoriels nationaux et le peu d’implication des élues dans l’accompagnement du développement économique local.

16.Les programmes de développement économique social et culturel (PDESC) élaborés par les collectivités décentralisées ne sont que des catalogues d’actions préparés par des prestataires ne disposant pas des qualifications requises. L’origine de cette défaillance réside dans la faiblesse de l’implication des acteurs locaux et surtout, de la faible mise en cohérence des multiples niveaux de programmation du développement territorial et surtout l’absence d’une référence nationale d’aménagement du territoire qui devrait être la référence pour toutes les interventions.

Depuis leur installation, l’essentiel du travail des administrations décentralisées s’est limité à la délivrance des actes administratifs, à la gestion domaniale et à la réalisation d’infrastructures. Le partenariat avec les acteurs économiques locaux (formels et informels) n’a pas fait l’objet d’une grande préoccupation de la part des décideurs locaux.

La faiblesse des initiatives prises dans le domaine de la coopération entre les collectivités territoriales

17.Aujourd’hui, 755 collectivités territoriales (sur 761) sont impliquées dans des liens de coopération inter collectivités à travers 46 syndicats inter collectivités. Toutefois, la majorité de ces liens de coopération sont peu fonctionnels.

Les défis majeurs qui interrogent la mise en œuvre de la réforme de la décentralisation.

Le renforcement du pilotage politique et stratégique de la réforme

18.Après un pilotage au haut niveau (le Premier Ministre de 1994 à 1997, le Président de la République de 1997 à 2000), le pilotage de la réforme a été confié en 2001 au Commissariat au Développement Institutionnel (CDI) sous l’autorité du Premier Ministre, Chef du Gouvernement. La conduite de la réforme a été confiée en 2004 au Ministère du Travail, de la Fonction Publique et de la Réforme de l’État. La création en 2010 d’un ministère délégué à la décentralisation rattaché au Ministère de l’Administration territoriale et des collectivités locales (MATCL) a fini par laisser l’impression que les réformes institutionnelles ne figurent plus dans les priorités politiques de première importance.

Le passage à la phase de la régionalisation

19.Le choix a été fait de lier la réforme de décentralisation et la réorganisation du territoire en impliquant fortement les populations dans la création des nouvelles collectivités décentralisées. Cette logique a prévalu dans la phase de la communalisation. Elle doit se poursuivre pour l’échelon régional. La mise en place de nouvelles régions, second niveau de décentralisation, en concertation avec les acteurs du niveau communal est le meilleur moyen de donner un souffle nouveau à la réforme et faciliter la sortie de la crise politico-institutionnelle. Dans cette perspective le cercle doit rester un niveau de déconcentration si nécessaire.

L’amélioration de la fiscalité locale et l’accroissement des dotations budgétaires

20.La pérennité du financement national est menacée par : l’extrême faiblesse des transferts budgétaires aux collectivités, la faible productivité de la fiscalité locale d’où leur excessive dépendance à l’égard des contributions des partenaires extérieurs. Seul un accroissement volontariste et substantiel de l’effort budgétaire de l’État pourrait éviter la fragilisation des collectivités. Une réforme de la fiscalité affectant une partie de la TVA et de l’impôt foncier aux collectivités décentralisées est la seule voie pour permettre la délivrance d’un service public de qualité aux populations.

L’amélioration de la collégialité dans la gestion et le fonctionnement des collectivités

21.Les acteurs locaux, autres que les élus, sont très peu informés et concernés par la gestion des affaires locales. L’impression générale que la gestion des collectivités décentralisées ne concerne que les élus pose le problème de la participation de tous les acteurs à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques locales.

La redevabilité des élus et la responsabilisation de la tutelle

22.Ni le débat public et participatif sur budget ni l’information sur les comptes de gestion du maire et du conseil de la commune ne sont encore bien entrés dans les habitudes. La Mairie n’est pas encore un lieu que le citoyen fréquente en dehors des cérémonies de célébration des mariages ou de la quête des actes d’état civil. Les possibilités de recours contre les actes illégaux et les abus des exécutifs (maires, présidents et adjoints) ne sont pas connues.

Les autorités administratives et judiciaires investies du pouvoir de contrôle de la gestion des élus et du respect de la loi plus généralement, ont encore beaucoup de mal à assumer toutes leurs responsabilités dans le suivi des collectivités locales et régionales.

L’amélioration du contrôle de la gestion des collectivités décentralisées

23.Les autorités administratives déconcentrées ne jouent pas convenablement leur rôle de contrôle de la légalité dans la décentralisation. La fonctionnalité des collectivités territoriales est aujourd’hui affectée par des pratiques illégales non sanctionnées, qui compromettent à bien des égards l’atteinte des objectifs de la réforme. Ne faudrait-il pas réduire le contrôle au seul contrôle judiciaire (tribunaux administratifs) et supprimer la tutelle administrative. Le défi consisterait à concentrer les moyens de l’État sur ce dispositif en leur affectant les moyens nécessaires pour leur permettre d’accomplir au mieux leurs missions de contrôle.

L’implication des administrations élues dans la promotion du développement économique local

24. Les administrations locales et régionales bénéficient d’un potentiel de connaissance de l’espace et de la typologie des acteurs économiques locaux. La construction d’un partenariat gagnant/gagnant avec ces acteurs (secteur formel et informel) peut apporter une meilleure connaissance des économies locales, un renouvellement des approches d’appui en direction du secteur privé, et enfin l’exploration des possibilités de coopération transfrontalière.

L’impulsion de la cohérence du développement territorial

25.Pendant les dix premières années de la réforme, l’Etat a mis l’accent sur l’appui aux communes. Une grande partie des financements a été orientée vers la réalisation des infrastructures de base dans le domaine social en occultant en contrepartie l’objectif de développement économique régional et local. En définitive, les investissements réalisés n’ont pas eu l’entraînement ni l’effet multiplicateur escompté sur l’économie locale. Une nouvelle approche qui met un peu plus d’accent sur l’élaboration du schéma d’aménagement des territoires faciliterait le dialogue entre l’État central et les collectivités décentralisées pour un développement territorial cohérent.

La poursuite de la réforme de l’État

26.Depuis juin 2002, trois décrets2fixent les détails des compétences transférées de l’État aux Collectivités Territoriales en matière d’éducation, de santé et hydraulique rurale et urbaine. Malgré l’instruction du Premier Ministre en 2009-2010 pour accélérer ces transferts, ils tardent à se concrétiser, faute d’une volonté des administrations centrales de se dessaisir de certaines fonctions, et des moyens financiers. L’impression que les administrations centrales veulent continuer à gérer le Mali décentralisé avec un État qui se pense encore centralisé.

Quelques propositions à mettre en débat pour la relance de la reforme de décentralisation

-Donner une nouvelle impulsion politique à la reforme de décentralisation de la gestion publique en la mettant au cœur d’un programme de réforme de l’État conduit par le CDI rattaché au Premier Ministre

-Donner mandat au CDI pour l’ouverture d’un débat et la proposition d’un schéma de régionalisation comme seconde étape de la reforme de décentralisation

-Renforcer la collégialité dans le débat local afin de permettre l’expression et la prise en compte de toutes les sensibilités et toutes les légitimités.

-Promouvoir une politique de développement territorial cohérent à travers des agences de développement régional pour toutes les régions

-Faire de l’approche territoriale une stratégie de développement et de croissance économique

– Accroître le financement national de la décentralisation à travers une réforme de la fiscalité et une augmentation substantielle des dotations de l’État

-Redynamiser les économies locales par la construction d’un partenariat gagnant-gagnant entre les administrations locales élues et les acteurs économiques du secteur informel et formel

-Stimuler les partenariats entre les collectivités territoriales et promouvoir l’inter-collectivité et la coopération décentralisée.

-Voter une loi sur l’autonomie régionale et locale pour sortir de la notion paralysante de transfert de compétences et de ressources. Cette loi rendra obligatoire l’application du principe de la subsidiarité dans le domaine du développement régional et local.

Décret N° 02-313/P-RM du 04/06/2002 fixant les détails des compétences transférées de l’État aux Collectivités Territoriales en matière d’éducation

Décret N° 02-314/P-RM du 04/06/2002 fixant les détails des compétences transférées de l’État aux Collectivités Territoriales des niveaux, commune et cercle en matière santé

Décret N° 02-315/P-RM du 04/06/2002 fixant les détails des compétences transférées de l’Etat aux collectivités Territoriales en matière d’hydraulique rurale et urbaine,

-Voter une loi affectant des pouvoirs et des ressources aux autorités coutumières identifiées selon les traditions des différentes communautés socioculturelles du pays,

-Poursuivre la réorganisation territoriale en vue de la création de nouvelles régions creusets d’un développement harmonieux et solidaire du pays,

-L’affectation volontariste de 30% des ressources budgétaires de l’État au développement régionale et locale sous la maitrise d’ouvrage des collectivités décentralisées,

-Le transfert de tous les services déconcentrés de l’État, travaillant sur le développement régional et local, aux collectivités décentralisées (communes et les régions).

Bamako, le 13 septembre 2013



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