Suite à la requête déposée le lundi 5 novembre auprès du tribunal de grande instance de la commune I au nom des parents de la victime et du syndicat des bouchers de ladite commune, le chef de quartier de Doumanzana et le chef de la brigade présumée qui a assassiné les 3 bouchers ont été mis aux arrêts par le Commissariat du 6e Arrondissement. Soit une semaine après que Mamadou Diarra, Sékou Diarra et Djakaridia Diarra, trois frères de lait, aient été mortellement agressés par des jeunes se réclamant d’une brigade de vigilance de Doumanzana.
La ville de Bamako serait-elle donc devenue un far west? En tout cas, la question semble désormais au cœur des débats suite à ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire des bouchers de Nafadji. Il y a en effet quelques jours, Mamadou Diarra (47 ans), Sékou Diarra (35 ans), et Djakaridia Diarra (33 ans), trois frères utérins, ont été battus à mort à Nafadji, en commune I du district de Bamako. Leur crime: le fait de vouloir se rendre, tôt le matin, sur leur lieu de travail. Entre colère et indignation, les parents des victimes et les bouchers de la commune I de Bamako ont décidé de ne rien lâcher. Ils ont donc décidé de porter plainte pour «coups et blessures volontaires». Si l’on en croit Youssouf Sangaré, l’un des proches de la famille des victimes, la requête doit être en principe déposée auprès du tribunal de grande instance de la commune I de Bamako ce lundi 5 novembre 2018 pour faire toute la lumière sur cette affaire. Il nous revient par ailleurs qu’Issa Bagayoko, lui aussi sauvagement agressé quant il a tenté de faire revenir les agresseurs à la raison, est sorti, vendredi dernier, de l’hôpital Gabriel Touré, où il était admis depuis le jour du drame.
Le récit d’un acte odieux
Joint par nos soins, Cheickna Diarra, chef du regroupement des bouchers du marché de Nafadji, rapporte que le lundi 30 octobre 2018, vers 5 heures du matin, Sékou Diarra et Djakaridia Diarra quittaient leur domicile (Doumanzana) à moto pour se rendre à l’abattoir frigorifique du quartier Sans Fil pour se ravitailler en viande. Ce, avant de se rendre au marché de Nafadji, où ils tenaient leur commerce. En cours de route, à deux cents mètres à peine de leur maison, les deux jeunes, bouchers de leur état, se retrouvent nez à nez avec des jeunes du quartier qui patrouillaient au nom d’une brigade de vigilance mise en place dans le quartier. Sur ordre des patrouilleurs, Sékou et Djakaridia stoppent pour décliner leurs identités. Puisqu’ils étaient naturellement munis de couteaux et de machettes (outils de travail d’un boucher), les deux jeunes seront battus à coup d’armes blanches par les patrouilleurs qui les ont ainsi pris pour des voleurs, quand bien même ils ont décliné leurs identités. Mamadou Diarra, leur frère aîné, dont l’attention a été attirée par les cris de détresse de ses frères cadets, surgit de la maison pour expliquer aux agresseurs que ses deux frères étaient des bouchers qui se rendaient sur leur lieu de travail et non des voleurs. Mais, la funeste brigade est restée sourde à toute explication et pis, Mamadou sera lui sauvagement agressé. Mais, la brigade n’était toujours au bout de sa rage, car un passant, du nom d’Issa Bagayoko, aurait lui aussi tenté d’intervenir pour essayer de faire revenir les agresseurs à la raison par rapport aux identités des trois frères Diarra qu’il connait bien dans le quartier. Il est lui aussi roué de coups. Sékou et Djakaridia rendent l’âme sur le coup, pendant que les deux autres, en l’occurrence Mamadou et Issa, seront admis au CHU Gabriel Touré le même jour. Mamadou Diarra rend l’âme le lendemain, c’est-à-dire le mercredi 31 octobre, à 5 heures du matin. Les trois frères (Mamadou, Sékou et Djakaridia), tous fils de feu Modibo et de Salimata Diarra, seront ainsi enterrés dans la même tombe le 31 octobre au cimetière de Daoudabougou. Selon Youssouf Sangaré, un proche de la famille des victimes, la vie d’Issa Bagayoko n’est plus en danger. Il serait même sorti de l’hôpital le vendredi 2 novembre. Cheickna Diarra rapporte par ailleurs qu’au moment de son agression, Sékou Diarra était en possession d’une importante somme d’argent, «au moins 200 000 francs CFA» qui n’ont pas été à ce jour retrouvés. «Nous avons quand même pu récupérer leur moto et leurs téléphones, mais jamais l’argent», regrette-t-il, précisant par que les victimes ne portaient aucune arme à feu comme leurs agresseurs ont tenté de le faire croire.
La question qui taraude désormais l’esprit de plus d’un Malien, c’est de savoir qui a donc donné l’ordre de créer une telle brigade ? Est-ce l’Etat ? En attendant d’avoir une réponse à cette question, il faut souligner que de tels comportements mettent à nu les risques que fait courir aux paisibles citoyens la création de telles organisations, toutes aussi criminelles que les malfrats qu’elles sont censées combattre. Ils révèlent surtout l’irresponsabilité de l’Etat qui est, seul, garant de la sécurité des personnes et de leurs biens. L’Etat est donc interpellé.