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les européens, les touareg et les sédentaires: la rose et les épines
Publié le vendredi 9 novembre 2018  |  Info Matin
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Par ces temps où les repères sont perdus, il faut se tourner vers les documents historiques pour donner un sens au chaos socio-politique qui sévit dans la partie septentrionale de notre pays. Nous dépoussiérons ici deux documents des archives coloniales, des documents écrits ou assumés par des militaires français, ceux-là mêmes qui ont créé des princes qui n’ont jamais eu de principauté. Nous espérons ainsi, à notre façon, d’éclairer un peu les cerveaux qui sont encore dans le cirage et la brume.

Le premier texte qui décrit les relations touareg-sédentaires a été rédigé par Florence Camel. L’auteur reprend une bonne partie des thèses défendues par RICHIER (1924) le grand spécialiste des Oulliminden. Nous n’en faisons pas un grand commentaire nous contentant d’en citer quelques bonnes feuilles. Le deuxième texte intitulé « La Pénétration Touareg » a été écrit par le Chef de bataillon BÉTRIX de l’Infanterie coloniale (Ancien Commandant des régions de Zinder et Gao 1906-1910). Ce texte rapporte les grands moments de l’organisation politique de l’Adrar, à partir d’une convention célèbre, la convention de Bourem du 7 février 1905.

Les relations touareg-sédentaires vues par les Français : Florence Camel a porté ses gants pour aseptiser d’emblée son propos.

Le regard porté par les Français sur les Touaregs

« Avant de décrire en détail ces rapports tels que les a présentés le colonisateur français à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, il est utile de dire un mot du regard porté par les Français sur les Touaregs, qui a pu constituer un véritable « mythe ». Ensuite un aveu : « Il est en effet incontestable que, dès les débuts de la pénétration coloniale, les Français ont manifesté une fascination particulière pour les Touaregs ».

La société touareg que les Français ont étudiée comme le feraient les entomologistes se présente sous quatre traits, poursuit l’auteur : « une société féodale, une société fragmentée en confédérations, une société anarchique où les chefs n’étaient pas (ou très peu) obéis, enfin, et c’est l’aspect qui nous intéresse ici, une société pillarde et prédatrice ».

Il ajoute : « Les pillages (appelés ‘rezzous’) étaient considérés comme une des manifestations de l’anarchie régnant dans cette société, le seul mobile reconnu étant l’appât du gain. On parle ainsi couramment des ‘instincts pillards’ des Touaregs ou de leurs ‘dispositions de piraterie’.

À cette image de pillards impénitents était associée celle de prédateurs ; en effet, ‘les Français ont considéré que les pillages ne s’effectuaient pas uniquement de tribu à tribu, mais aussi et surtout parmi les sédentaires, pillages auxquels les premiers colonisateurs ont été plus particulièrement sensibles, car ils constituaient, à leurs yeux, une forme d’asservissement contraire aux principes de 1789’.

Des faits historiques

Le fait est historique. Et pour s’en accommoder que fait l’administration coloniale ? ‘Partant de cette vision de Touaregs pillards et prédateurs, le colonisateur français a limité leurs relations avec les sédentaires à un rapport de prédation concrétisé par des ponctions réalisées sur le cheptel et sur les populations sédentaires elles-mêmes pour se fournir en bétail et en esclaves (iklan).’, note l’auteur.

Mais les rapports entre les touaregs et les sédentaires ont souvent été aussi des rapports d’entente et de collaboration.

Nous sommes en 1916 et l’Afrique de l’Ouest connait une série de révoltes des peuples : les bobos, les Bambaras et les touareg. Les sédentaires n’ont pas pris les armes, mais tout laisse croire qu’ils ont été concertés par les touaregs dans la division du travail.

L’auteur écrit : ‘Les archives coloniales attestent de plusieurs exemples dans chacune des régions concernées. Ainsi, les rapports du Haut-Sénégal-Niger attestent que les Songhays envoyaient des chevaux, du mil et des lances aux Touaregs révoltés du Gourma. La même constatation était faite dans le cercle de Gao ; un rapport ‘sur les chefs de village coupables de complicité dans la révolte du Gourma’ fut envoyé aux autorités supérieures par le commandant de cercle où il estimait que tous les villages du fleuve, dans le cercle de Gao, avaient plus ou moins comploté avec les révoltés en leur fournissant un ravitaillement en grains ainsi que des renseignements sur les itinéraires des troupes coloniales. En outre, dans ce même cercle, certains villages passèrent à l’offensive directe en mai 1916 en attaquant un détachement de tirailleurs conduit par un adjudant indigène dans la région du fleuve : la réplique des troupes coloniales au combat de Zaïna-Gabéro laissa 354 morts sur le terrain’. (Rapport sur les chefs de village coupables de complicité dans la révolte du Gourma, Rechaussât, sept. 1916, Archives nationales de Koulouba, fonds ancien).

Les Oulliminden ont été vaincus dans le sang à Andéramboukane

Si les Français ont assuré la conduite, ce sont parmi les sédentaires qu’ils ont trouvé les effectifs. Pour ce cas-ci, ce sont les kourteys, une ethnie entre les sonrhai et les djerma, qui ont donné les cavaliers qui ont maté les ouailles de Firhroun qui ne tarda pas à déserter du champ de bataille. Et comme la Grande France, déjà savait se montrer généreuse, elle offrit aux Kourteyes, 1 000 chameaux en récompense ». (Rapport d’inspection des colonies Demaret concernant la Région de Tombouctou, fév. 1919, AOM, Affaires politiques 3048)).

Qui sont les Touaregs ?

La Pénétration Touareg par le Chef de bataillon BÉTRIX de l’Infanterie coloniale

BETRIX a étudié le caractère des touareg : « Les Touareg nobles jouissent d’une liberté presque absolue, puisque l’aménokal commande en s’appuyant sur eux… Les imageren sont autoritaires, fiers, pillards, mais braves. Lorsqu’ils sont en face d’une résistance, ils mentent ; une fois devinés, ils avouent. Les imageren sont peu fidèles à leurs femmes, qui le leur rendent avec usure, mais prévenants à leur égard. Ils sont monogames, toutefois divorcent souvent et avec la plus grande facilité. Il est fréquent qu’un homme reprenne une de ses anciennes épouses. Ce peuple nomade ne connaît presque pas la jalousie, et c’est un de ses principaux avantages ».

BETRIX a pu admirer les femmes touaregs : « … elles sont réellement jolies. Les cheveux, les yeux, les dénis, les mains et les pieds sont presque tou- jours beaux, la démarche et l’allure distinguées. La jeune fille noble accorde des faveurs très marquées à ses adorateurs. Elle permet et rend des caresses trop osées, pendant les longs abals quotidiens (assemblées), sous les arbres ou les rochers qui cachent à peine les couples amoureux. Si les parents ferment les yeux, c’est que beaucoup de filles restent intactes ; la jeune noble, flirteuse à l’excès, se marie, en effet, souvent vierge. »

Il ajoute : « Les Touareg présentent cependant des tares, comme la malpropreté, la mendicité et un orgueil démesuré. Remarquons, toutefois, qu’ils soignent leurs cheveux, leur barbe, leurs dents, leurs vêtements, et sont contents d’être propres à l’occasion ».

L’officier croit même savoir ce que les touaregs pensent des Français : « … si l’orgueil pousse les imageren à mépriser imrads et bellahs, ainsi que la population sédentaire, il les pousse- à respecter les Français, qui sont blancs comme eux et ont battu les autres races africaines…. ».

La convention de Bourem, 1907

Le 15 septembre 1907, l’administration coloniale trouva les grands termes d’une paix entre les Oulliminden, les Kounta et les Iforas. L’entente passa dans l’histoire sous le nom de la convention de Bourem. Que dit le texte qui intervient après une bagarre sanglante entre les Oulliminden et les Kounta ? Que les armes et les esclaves bellah enlevés par les uns et les autres soient restitués dans un délai de trois mois.

Le texte définit également le parcours des différents belligérants sur le territoire. Alors, seulement « les Kountas s’engagent à ne plus entrer dans l’Adrar et ne plus dépasser la ligne Bourem, Adjamort, Tabankort ». Les Oulliminden eux aussi s’engagent à ne pas dépasser la ligne Tondibi, Anoumallen, Kidal. Et l’Adrar ? « L’Adrar sera laissé aux Iforhas et à ceux qu’il plaira aux Français d’y installer. ».

Le serment

Le texte précise aussi que « la tribu des Iforas sera indépendante des autres tribus et ne relèvera plus que du Commandant de l’Annexe de Bourem ».

Cette convention venait consacrer des « palabres » entamées depuis une dizaine d’années. Dans les minutes des coulisses, on lit ceci : – les Iforas sont indépendants et relèvent directement de la région de Gao. Ils n’ont plus rien à payer à leurs voisins, et deviennent enfin les maîtres chez eux. Hamoadi (Kounta) ne fait aucune objection, mais Fihiroun, qui perd un revenu annuel, réclame une contrepartie pour cette « indépendance » octroyée ; – les limites politiques de l’Adrar sont : au nord, la ligne fixée par la convention du 7 février 1905 entre les ministres de l’intérieur et des colonies ; à l’ouest, le méridien d’Aneschay ; au sud. la ligne Aneschay, Asselag, InHhar, Tametak, In-Guezza) ; à l’est, la ligne In-Guezzar Touffe, Tin-Zaouatten. – les Iforas nomment leur aménokal « Safikoun », petit-fils du vieil Illy, incapable de commander, vu son grand âge. Safikoun s’empresse de jurer obéissance aux Français, sur le coran, les mains lavées, précise le document qui rapporte la cérémonie d’allégeance qui a eu lieu exactement le 26 Décembre 1908. – le nouvel élu jure sur le Coran (les mains lavées) obéissance aux Français : le commandant de la région reçoit ensuite le serment des autres dignitaires qui promettent, dans les mêmes conditions, d’obéir à leur aménokal et à la France.

On remet à chacun une lettre de nomination, datée du 26 décembre 1908, signée par Safikoun et le chef de bataillon et portant la formule de l’engagement.

Que conclure ? Jusqu’en 1915, il n’y avait dans ce qu’on nous brandit aujourd’hui comme le territoire de l’Azawad, il n’y a eu que deux « toubals », deux tambours : celui de l’Amenokal Firhoun, et celui de Hamodi, le chef des Kounta.

L’Adrar ne serait devenu « Iforas », qu’à partir de 1915. Seulement en 1915. Et quid de l’Azawad ?

Les textes n’en parlaient pas en 1915. Et d’où nous vient subitement l’idée que l’Azawad recouvre une « notion mémorielle » ? C’est parce que justement les peuples ont de la mémoire du peuplement de toute la partie septentrionale qu’il faut rappeler cette mémoire ; la vraie.

Voici pour l’histoire. Voici pour le présent. Et voici surtout pour le futur de nos relations, nous les enfants de ce pays dont tous les ruisseaux coulent du nord vers le sud.

Ibrahim MAIGA

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