La santé, c’est un euphémisme de le dire, est l’un des domaines de prédilection de la révolution technologique et numérique. Les praticiens et leurs patients d’il y a plus d’un siècle, s’ils étaient de retour parmi nous aujourd’hui, n’en croiraient ni leurs yeux ni leurs oreilles face aux progrès prodigieux réalisés par la science et la technologie.
Bien de prouesses que réussissent de nos jours les praticiens n’étaient pas seulement imaginables il y a quelques décennies. Mais le propre du progrès étant qu’on ne l’arrête jamais, nous ressemblerions à l’Homme de Neandertal en comparaison aux générations à venir qui, vraisemblablement, pourraient vivre bien au-delà de cent ans en affichant une santé insolente qui rendraient jaloux Adonis et Hercule.
Dans moins d’une décennie, peut-être que nous n’utiliserions plus le fameux carnet médical que nous avons coutume de présenter à notre médecin à chaque fois que nous lui rendons visite pour une consultation. Et lui non plus n’aura plus besoin de feuilleter méthodiquement ce précieux document et abîmer ses yeux à vouloir déchiffrer les hiéroglyphes tracés par d’autres confrères. Désormais, il lui suffira de quelques clics pour accéder au dossier médical de son patient consigné dans un support numérique appelé DMP (Dossier Médical Partagé) en France et MEDICARD au Mali.
Le DMP a été lancé officiellement en France le mardi 06 novembre dernier par le Ministre de la Santé Agnès Buzyn, qui a indiqué que le carnet de santé numérique est un document « gratuit, confidentiel, sécurisé et non obligatoire, qui centralise les informations médicales des patients, comme les comptes rendus d’hospitalisation et de consultation, les résultats d’analyses biologiques, les radios, etc. ».
A priori, sans en connaître tous les détails, on ne peut accueillir une telle solution numérique qu’avec des préjugés favorables surtout qu’« il doit renforcer la collaboration entre les professionnels de santé, permettre un accès immédiat aux informations médicales d’un patient lors d’une première consultation ou en cas d’urgence, éviter les risques liés aux interactions médicamenteuses ou la réalisation d’actes médicaux redondants ». Si pour le moment seulement 1,9 million de Français disposent d’un DMP, par contre il s’en crée pratiquement 100 000 chaque semaine et la CNAM Caisse Nationale d’Assurance Maladie) ne désespère pas d’enrôler 40 millions de dossiers dans un horizon de cinq ans.
Une solution quasi jumelle, MEDICARD, vient de voir le jour dans notre pays à l’initiative de Madina Conception, une start-up malienne spécialisée dans la recherche et le développement des solutions informatiques sur mesure (L’Essor N°18789 du jeudi 08 novembre 2018). MEDICARD est un « document médical informatisé du patient, accessible via une application mobile ou une carte électronique ». Outre sa facilité d’exploitation, il « renferme toutes les informations essentielles sur la santé d’un patient. Les médecins peuvent accéder rapidement à ces informations en lisant sa carte MEDICARD, à travers leurs smart phones Android munis de l’application mobile MEDICARD ou d’un lecteur de QR Code ou sur un ordinateur de bureau doté du logiciel bureau MEDICARD et du lecteur physique de QR ».
C’est une vraie révolution en marche, même si elle est silencieuse pour le moment, qui se caractérise par la mise à disposition du médecin traitant de toutes les informations qu’il souhaite connaître sur son patient et un fabuleux gain de temps (gain de coût) qui s’apprécie surtout à l’aune des vies sauvées.
Selon l’article de L’Essor, « la solution est entièrement gratuite pour tous les hôpitaux, centres de santé de référence (CSREF), centres de santé communautaire (CSCOM) et toutes les cliniques sur l’étendue du territoire national». Il y a seulement un an (janvier 2018) que la solution est en expérimentation dans une vingtaine de cliniques de la capitale, ce qui ne permet pas d’avoir une masse critique d’informations susceptibles d’apprécier objectivement l’impact de l’innovation sur la prise en charge des patients qui l’ont adoptée.
Mais il faut espérer que la mayonnaise prenne à court et moyen termes et surtout, comme le souhaitent les développeurs de la solution numérique, qu’ils bénéficient de « l’accompagnement de l’Etat sur le plan administratif en vue de l’obtention de l’autorisation de déployer MEDICARD dans tous les hôpitaux, CSREF, CSCOM et cliniques… ». Ce d’autant que le déploiement de la solution ne coûtera pas le moindre copeck à l’Etat.
Mais au Mali comme en France, il est à redouter la résistance au changement de ceux qui sont les partenaires naturels de DMP et de MEDICARD.
En France, certains freinent des quatre fers, reprochant au DMP son côté administratif donc « chronophage », son manque de simplicité et son interface touffue. Pis, Jean-Paul Hamon, le président de la Fédération des médecins de France, estime que « le DMP en 2018, c’est du vent total, ça ne marchera pas plus que les autres fois… ». N’est-il pas trop pessimiste, ce responsable, qui oublie qu’une solution, même rudimentaire, peut s’ajuster et s’améliorer à l’épreuve du temps pourvu qu’on soit convaincu de sa pertinence et de son bien-fondé ?
Pour ma modeste part, je tire mon chapeau à tous ces jeunes qui sont les incubateurs des changements et grâce à qui nous serons en bonne place dans le train de l’innovation et du progrès technologique.