Dans une interview à un média américain en 1988, Sir Jerry John Rawlings déclarait : « Il faut bâtir nos institutions de telle sorte que même si le diable en personne venait à s’imposer aux affaires, il ne puisse faire ce qu’il veut, mais que seule la volonté du peuple ghanéen soit respectée ».
Ce propos visionnaire de l’un des pères bâtisseurs du Ghana moderne inspire. Le pays de Nana Akuffo Addo est aujourd’hui admiré de par la solidité de ses institutions, la stabilité de sa démocratie, la transparence et la crédibilité de ses élections, la douceur de ses alternances politiques, l’exemplarité de sa société civile, bref par son modèle de gouvernance.
C’est au point que la semaine dernière, le Prince Charles des Galles, dans un bel hymne à l’ancien Gold Coast, a invité la planète à suivre l’exemple de ce pays. Et dire que le Ghana avait touché le fond de la déchéance dans les années 80 par une série de crises sociopolitiques…Aujourd’hui, le pays est cité en exemple pour ses progrès, la santé de son économie et d’autres aspects comportementaux de ses habitants : civisme et citoyenneté (propreté admirable du cadre de vie), patriotisme, respect et valeurs morales diverses.
Ce progrès du Ghana convainc sur le fait que la pauvreté n’est pas une fatalité. Le travail et la conscientisation finissent toujours par payer dans un environnement de crises à n’en point finir. Ce Ghana-là apparaît comme un îlot d’espérances au nez et à la barbe d’un Togo de Faure Gnassingbé (crise politique et refus de l’alternance par le pouvoir) pour lequel Nana Akuffo Addo joue laborieusement un rôle de facilitateur. Rôle qu’il partage avec le président guinéen Alpha Condé, dont le pays confond hélas élections et cycles de violences. Avec à la clé plus d’une centaine de morts depuis 2011, à l’arrivé de cet ancien vieil opposant au pouvoir à Conakry.
Ce Ghana, où le président de la République n’est pas dans la langue de bois mais adopte le discours de vérité face au président Emmanuel Macron de la France condescendante est une fierté. « Nous n’avons pas besoin de tendre la main pour les besoins d’éducation de nos populations », avant admirablement professé Nana Akuffo Addo très décomplexé face au président français. Démontrant, si besoin en est, sa ferme volonté d’affranchir son pays du carcan néocolonialiste, qui nous fait par exemple préférer une cérémonie mémorielle à Reims (France) plutôt qu’un forum sur la paix et la sécurité à Dakar…
Au Mali, qui avait été cité pour l’exemplarité de sa démocratie à la sauce ATT, un appel au réveil est plus que nécessaire. Pour aller à l’école ghanéenne. En ces moments de réformes institutionnelles, de décentralisation poussée, il urge de faire en sorte que les futures institutions soient bâties dans le granit de Nara !
IBK apparaîtra alors, des années plus tard, comme l’un des bâtisseurs du nouveau Mali dont parle souvent Ousmane Sy. Une sorte de Jerry John Rawlings ou peut-être d’un Nelson Mandela malien.
Nos institutions ne donneront plus l’image qu’elles ont offerte ces derniers mois à l’opinion publique nationale et internationale. L’image d’une Cour constitutionnelle pouvant donner deux avis contraires sur le même sujet en l’espace de quelques semaines, celle d’une Cour suprême disant le droit et le …non-droit avec son président récusé par des syndicats de magistrats. Sans oublier l’image d’une Commission électorale nationale indépendante où les responsables en viennent aux mains pour des questions d’indemnités ou de primes devant des caméras et autres appareils de prise de son ou d’image. Désolant ! Tous donc à l’école ghanéenne !