Les chefs d'Etat de Guinée Alpha Condé et du Niger Mahamadou Issoufou se sont dits favorables à une intervention militaire visant à chasser les putschistes de Bamako et les groupes armés touaregs et islamistes qui contrôlent le Nord du Mali.
Recevant samedi à Conakry son homologue Mahamadou Issoufou du Niger pour une visite de 48 heures, le président guinéen Alpha Condé s’est voulu ferme sur la situation qui prévaut au Mali : « Il faut intervenir militairement à Bamako. Comment peut-on rentrer dans un palais présidentiel (et) malmener un président ? Si on fait ça à un président, quel est l'homme politique qui est en sécurité ? ». Il faisait ainsi allusion au président intérimaire malien Dioncounda Traoré qui avait été agressé le 21 mai 2012 par des manifestants à Bamako. Agression qui l’avait contraint à se rendre en France pour des examens médicaux et sa convalescence. Pour le président Alpha Condé : «La deuxième chose à faire est d'intervenir militairement au Nord du Mali pour chasser les forces islamistes».
«Il faut l’intervention militaire ! »
L’avis du président nigérien Mahamadou Issoufou est quelque peu contrasté sur la double crise au Mali. Il comprend le souci d’envisager une intervention militaire ; mais reste ouvert à une solution pacifique : «L'idéal serait de trouver des solutions négociées mais à défaut il faut l'intervention militaire», a déclaré Mahamadou Issoufou. Récemment, après sa visite de travail en France, le chef de l’Etat béninois Thomas Yayi Boni, qui est aussi le président en exercice de l’Union africaine (Ua) martelait que «la junte doit retourner dans las casernes. Notre fermeté est claire», avait-il précisé lors d’une conférence de presse. Ces putschistes sont omniprésents et font ombrage au président intérimaire Dioncounda Traoré et au premier ministre Cheick Modibo Diarra. Le principe d’une intervention militaire semble d’ores et déjà acquis au niveau de l’Union africaine (Ua) qui soutient la Cédéao dans ses initiatives et décisions.
Il reste à déterminer les contours, les composantes et le mandat exact d'une telle opération dans le Nord du Mali. Le chef de l’Etat béninois Thomas Yayi Boni est pour la mise sur pied d’une force d’intervention africaine semblable à l’Amisom, en Somalie, qui est soutenue financièrement et au niveau de la logistique par l’Organisation des Nations Unies (Onu). A l'issue d'une réunion de chefs d'Etat mercredi dernier à Lomé, au Togo, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (Cédéao) avait appelé à la poursuite des négociations avec les mouvements armés «à l'exclusion des groupes terroristes», mais aussi décidé d'une saisine du Conseil de sécurité de l'Onu en vue d'une éventuelle intervention.
Négociations Cédéao-Mnla
Depuis bientôt trois mois, l'immense région nord du Mali est contrôlée par les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l'Azawad (Mnla) et surtout Ansar Dine et Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Une délégation du Mnla a rencontré, durant le week-end à Ouagadougou, le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, médiateur désigné de la Cédeao dans la crise malienne. Cette délégation venait pour la première fois remettre officiellement une lettre de son secrétaire général au président Compaoré. La direction de la communication de la présidence du Faso a confirmé cette information dimanche. Dans la lettre, il est signifié que «le Mnla se met à la disposition de la Cédéao et de la communauté internationale pour trouver une sortie honorable à cette crise».
Cette déclaration est signée. Lors de l’audience du samedi 9 juin 2012, le chef de la délégation du Mnla, Ibrahim Ag Mohamed Assaleth, membre du Conseil de transition de l'Azawad (Cta), avait à ses côtés, deux autres membres du Mnla dont le colonel Hassan Ag Mehdy et le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale du Burkina, Yipénè Djibrill Bassolé. Selon ce dernier, l'audience accordée par le président burkinabé à la délégation du Mnla faisait suite à une «décision du secrétaire général de ce mouvement d'envoyer des membres du Mnla auprès du médiateur de la Cédéao, Blaise Compaoré, pour préparer les conditions et les modalités du dialogue ». Selon le ministre burkinabé en charge des Affaires étrangères : « Le Mnla marque ainsi sa disponibilité à trouver une solution négociée avec la Cédéao et la communauté internationale ».
Distance entre le Mnla et Aqmi
Il pense aussi que le Mnla veut trouver une cohésion interne en son sein et procéder très prochainement à une concertation plus élargie avec les autres mouvements armés et toutes les communautés vivant dans le Nord du Mali. Dans l’optique de trouver une plate-forme soutenue par tous et la présenter au médiateur de la Cédéao. M. Bassolé avait indiqué que d'autres « acteurs importants que sont l'Algérie, la Mauritanie seront associés à la démarche du médiateur pour trouver une solution durable au problème malien, de même que le président nigérian Goodluck Jonathan, le président en exercice de la Cédéao, Alassane Ouattara et le président du Niger, Mahamadou Issoufou dont le pays est géographiquement très proche du Nord Mali ».
Au sujet de la dernière tentative de rapprochement entre le Mnla et un Mouvement islamiste de la région, le chef de la délégation du Mnla a été clair : «Le Mnla se démarque de tout autre groupe à velléité islamique ou terroriste dans la zone. Le Mnla est un mouvement autonome qui veut privilégier le dialogue, car dans toute guerre, on finit toujours autour d'une table de négociation». Ibrahim Ag Mohamed Assaleth a exprimé sa confiance dans la médiation du «président Blaise Compaoré (qui) connaît le problème azawadien depuis les années 1990», a-t-il dit.