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Régions et cercles du Mali: 60 ans de découpage
Publié le jeudi 15 novembre 2018  |  Info Matin
Cérémonie
© aBamako.com par Momo
Cérémonie de lancement des travaux du projet PADUB
Bamako, le 15 décembre 2015 la L’AFP en partenariat avec la mairie de la commune V a lancé les travaux du projet PADUB a la mairie de Badalabougou.
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De la période coloniale à nos jours, chaque régime est parti de ses ciseaux pour procéder à une organisation territoriale pour prendre en charge les attentes des populations, mais surtout les impératifs liés à une administration de proximité. En 60 ans d’histoire, l’ancien Soudan français devenu le Mali a connu une demi-douzaine de découpage territorial. De 13 communes, 6 régions et 7 cercles à l’indépendance, le Mali compte aujourd’hui 703 communes, 19 régions, 78 cercles et 348 arrondissements. Comment et pourquoi ces reformes territoriales sont-elles été initiées et mises en œuvre. Notre dossier.

Les cercles et les Cantons

Au lendemain de la conquête de ce qui fut nommé le Soudan à la fin du XIXe siècle, l’administration coloniale, pour mieux asseoir sa domination, superposa des structures administratives aux chefferies déjà existantes en s’inspirant à la fois du modèle jacobin de la métropole et de la hiérarchie dans l’armée coloniale selon une logique de cloisonnement et d’emboîtement des territoires et des pouvoirs.

D’une part, des circonscriptions appelées « cercles » puis découpées en « subdivisions » sont réparties sur l’ensemble du territoire (d’après une logique d’encerclement par rapport à un centre) et placées sous la direction d’un commandant originaire de la métropole. Les administrateurs coloniaux disposent de pouvoirs presque sans limites pour gérer leur circonscription et l’organisation régulière de « tournées » permet de réaffirmer périodiquement leur domination sur l’ensemble du territoire.

D’autre part, les autorités coutumières créées à partir des lignages « dominants » se voient confier le rôle d’auxiliaires du pouvoir colonial en étant placées à la tête de cantons (érigés de façon arbitraire) formant la base de la pyramide administrative.

Les cantons sont des regroupements de villages, dont les limites suivent peu ou prou les contours de « pays » (Jamana, en langue bambara), à la tête desquels sont placés des chefs de canton, relais de l’autorité coloniale.

La création des cantons marque une profonde rupture dans l’ordre politique local, car la carte des cantons ainsi dressée participe au maillage régulier du territoire colonial, au détriment des entités politiques précoloniales et de leurs caractéristiques.

Le couple « canton/cercle » ne survivra pas après l’indépendance.

Création des premières régions

Après le référendum du 28 septembre 1958, qui marque la fin de l’Afrique-Occidentale française (A.O.F.), qui a vu les Soudanais voter massivement (97%) en faveur de la création de la République soudanaise au sein de la Communauté française, l’Assemblée législative adopte la loi N° 60-3/AL/RS du 7 juin 1960 portant organisation territoriale de la République soudanaise. Cette loi établit que le territoire de la République soudanaise s’articule en régions, cercles, arrondissements, communes et villages pour les populations sédentaires et en tribus et fractions pour les populations nomades crée 6 régions administratives (Bamako, Kayes, Sikasso, Mopti, Ségou et Gao).

Une autre loi du même jour (Loi N° 60-5/AL-RS du 7 juin 1960 portant organisation des régions et des assemblées régionales de la République soudanaise) définit les régions comme des collectivités publiques dotées de la personnalité civile et de l’autonomie financière, qui peuvent donc s’administrer librement.

Notre pays accède à l’indépendance (après l’éclatement de la fédération du Mali) avec six régions administratives (Bamako, Kayes, Sikasso, Ségou, Mopti et Gao), sept cercles (Kayes, Bamako, Gao, Ségou, Sikasso et Nioro), treize communes dont : cinq communes de plein exercice (Bamako, Kayes, Ségou, Mopti et Sikasso) et sept communes de moyen exercice (Gao, Kati, Kita, Koulikoro, Koutiala, Nioro, San et Tombouctou).

Suppression des cantons, naissance des arrondissements

À la recherche de découpages internes pertinents lui permettant d’asseoir sa territorialité, le régime de l’Union soudanaise RDA a entrepris de modifier les mailles politico-administratives, selon un subtil dosage entre héritage et innovation.

Au sortir de l’indépendance, deux logiques animent la réforme territoriale promue par la première République. D’une part, une logique territoriale véhiculée par la régionalisation, permettant de jouer sur les complémentarités de l’espace national et de façonner des entités homogènes. D’autre part, une logique sociale, marquée, au niveau local, par la suppression des cantons et la création des arrondissements, dans la perspective de renouveler les fondements du pouvoir sur des bases égalitaires.

Sur ces deux registres, territorial et social, le régime du président Modibo Keïta entendait construire une pyramide administrative équilibrée et rationnelle. Pour autant, le maintien des cercles, hérités de la période coloniale, témoigne d’une hésitation dans sa volonté affichée de rupture. En tant que maille intermédiaire, les cercles, dont le nombre a été multiplié, ont trouvé une légitimité pour les nouvelles autorités en tant que relais du pouvoir central ; les commandants de cercles ont composé avec les nouveaux chefs d’arrondissements les deux figures d’un pouvoir administratif et politique centralisé.

La Constitution du 22 septembre 1960 a posé les jalons d’une nouvelle organisation territoriale du pays : « les collectivités territoriales de la République du Mali sont : les régions, les cercles, les arrondissements, les tribus nomades, les communes, les villages et les fractions nomades » (article 41) et la loi n° 66-9/AN-RM du 2 mars 1966 portant code municipal au Mali a mis fin à la hiérarchisation coloniale en uniformisant le statut des 13 communes sous le régime de plein exercice, mais elle ne donne pas lieu à d’autres créations de communes.

En définitive, six régions, qualifiées de « régions économiques », ont été créées dans le cadre de la loi du 7 juin 1960 sur la réorganisation territoriale : Kayes, Bamako, Sikasso, Ségou, Mopti, Gao. À l’intérieur des territoires régionaux, les cercles sont maintenus et multipliés. Leur nombre passe de 6 à 41. À l’intérieur des cercles, les arrondissements créés (23) remplacent les cantons et leurs chefs-lieux sont déplacés.

Création de la Région de Tombouctou, et 3 nouveaux cercles

La junte militaire du 19 Novembre, qui a renversé le régime socialiste, hérite d’une architecture administrative composée donc de six régions, 41 cercles, 269 arrondissements et 13 communes.

En dépit du discours de rupture, le régime CMLN-UDPM va poursuivre avec l’organisation territoriale mise en place pendant les premières années d’indépendance jusqu’en 1977. Cette architecture tripartite en effet modifiée sa réforme majeure en matière territoriale avec l’adoption de l’Ordonnance N° 77 44/CMLN du 12 juillet 1977 du Comité Militaire de Libération Nationale portant réorganisation territoriale et administrative de la République du Mali.

Les textes de cette réforme adoptée en 1977 ont prévu de transformer les Arrondissements en communes. Il n’était toutefois pas question d’ériger les régions en collectivités territoriales.

Ce texte dispose, en son article 1er, que le territoire de la République comprend les régions, les cercles, les arrondissements, les communes, les villages, les fractions nomades et le district de Bamako. Si les régions, les cercles et les arrondissements avaient un statut de circonscription administrative déconcentrée, le District de Bamako, quant à lui, fut érigé en collectivité décentralisée dotée d’un statut particulier et composé de six communes.

Les effets les plus importants de l’Ordonnance 77/44 ont été la scission de la région de Gao en deux régions distinctes, celle de Gao et celle de Tombouctou, ainsi que la création de la région de Koulikoro, Bamako étant devenu un district. Les arrondissements, quant à eux, pouvaient être érigés en communes. Ce qui porte désormais à sept, le nombre des régions et un (1) District (Bamako) dans notre pays.

En 1982, l’Ordonnance n° 77/44 fut modifiée par la loi n° 82-49/ AN-RM qui institua des conseils de région, de cercle, d’arrondissement dont les membres sont élus pour un mandat de trois ans, pouvant être prorogé par décret pris en conseil des ministres pour un an au plus.

En 1982, le régime UDPM crée la Commune urbaine de Bougouni qui deviendra la 14ème du Mali. Un Mali qui compte désormais, 7 régions, 46 cercles, 286 arrondissements et 13 communes.

Kidal devient une Région, 5 nouvelles communes créées

Le Pacte National de paix du 11 avril 1992 signé avec les « rebelles » touarègues, véritable pierre fondatrice de la décentralisation, permettra à une autre étape dans la politique de découpage de l’État avec la communalisation du territoire national.

Sous la Transition de 1991-1992, l’organisation territoriale et administrative du Mali connut un changement significatif avec d’une part la création de la 8ème région administrative du Mali, Kidal, par l’Ordonnance n° 91-039/P-CTSP déterminant les circonscriptions administratives et les collectivités territoriales de la République du Mali et, d’autre part, l’ouverture d’un immense chantier de décentralisation généralisée.

Sous la Transition démocratique, 5 nouvelles communes ont été créées (Banamba, Dioïla, Bandiangara, Niono et Djenné) portant ainsi à 19 le nombre de communes urbaines.

De 19 à 703 communes

Lorsque le général passait le témoin à Alpha Oumar Konaté le 8 juin 1992, le Mali comptait : 8 régions, 46 cercles, 286 arrondissements et 19 communes.

La mise en place de la réforme de décentralisation étant une exigence de la conférence nationale et une proposition centrale de son programme politique, le président Alpha Oumar Konaré fera de sa mise en place une priorité charnière de tous ses engagements.

Dans ce cadre, le régime du président Konaté a adopté la loi N° 93-008 du 11 février 1993 relative aux conditions de la libre administration des collectivités locales et la n° 95-034 du 12 avril 1995 portant Code des Collectivités Territoriales en République du Mali, qui vont constituer les textes fondateurs de la décentralisation au Mali.

Suite à l’adoption de la loi créant les communes, en 1996, l’ensemble du territoire national fut réparti entre 701 communes urbaines et rurales, augmentées bientôt de deux nouvelles qui porteront le nombre total à 703. Les premières élections communales, suite à la mise en place des dispositifs de décentralisation, ont été organisées dans les 19 premières communes urbaines en1998 et dans les autres communes en 1999. Avant la fin de l’année, les premiers Conseils de cercle et les premières assemblées régionales (qui deviendront des Conseils régionaux plus tard) ont été mis en place suite à leurs élections. Ensuite, fut mis en place le Haut Conseil des Collectivités, une des huit institutions constitutionnelles de l’État.

Le régime Alpha crée 3 nouveaux cercles portant le nombre de cercle à 49, mais ne créera pas de nouvelles régions.

Création de 11 nouvelles régions

Revenant au pouvoir en 2002, le président ATT s’engage à poursuivre la mise en œuvre de la décentralisation, qui depuis 1999, avait montré les limites du découpage, se traduisant par l’étendue de certaines régions et de certains cercles ne permettant pas la présence effective de l’administration, la difficulté pour les représentants de l’État d’assurer correctement leurs missions, etc.

Pour ce qui est de l’organisation territorial, le régime du président ATT modifie, puis abroge la loi n° 95-034 qui sera remplacée par la loi n° 2012-007 du 3 février 2012 portant Code des Collectivités territoriales.

Pour corriger les insuffisances constatées, le régime du président ATT initie et adopte un nouveau découpage territorial (décembre 2011) en vue de mettre l’Administration en adéquation avec les objectifs de sa modernisation, de prendre en compte les solidarités communautaires, de mettre en œuvre les objectifs fixés par l’État dans le cadre de la décentralisation.

La reforme territorial qui a l’ambition de se déployer progressivement sur une période de cinq ans pour tenir compte des contraintes financières, logistiques et de la rareté relative des ressources humaines de l’État malien crée 11 nouvelles régions (Nioro, Kita, Nara, Dioïla, Bougouni, Koutiala, San, Bandiagara, Douentza, Ménaka et Taoudéni) faisant passer le nombre des régions de 8 à 19 (Loi n° 017-2012 du 31 janvier 2012 portant création de onze (11) nouvelles régions) ; 78 cercles à la place des 49 cercles et, 348 arrondissements à la place des 285 existants que compte notre pays.

Pour joindre l’acte à la parole, le régime crée les régions de Taoudenit et de Ménaka. Le reste des nouvelles régions attendra d’être opérationnalisé.

Opérationnalisation des nouvelles régions

Poursuivant le chantier entamé par ses prédécesseurs, le régime du président IBK adopte 2014, un document d’orientation politique intitulé « La régionalisation au cœur du développement institutionnel et territorial » dans lequel il expose sa vision de la régionalisation « comme la nouvelle phase de la réforme de décentralisation qui, à travers le développement institutionnel et territorial, ouvre la voie à l’instauration de nouveaux rapports entre l’État central et les collectivités territoriales basés sur le partenariat et la régulation.

Dans cette veine, le Code des collectivités territoriales a été révisé en 2014 pour promouvoir l’élection des exécutifs des collectivités territoriales au suffrage universel direct.

Un nouveau code des collectivités territoriales, adoptée par l’Assemblée nationale le 14 septembre 2017, permet la prise en charge des engagements souscrits en matière de gouvernance dans l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger, notamment «la mise en place d’une architecture institutionnelle fondée sur des collectivités territoriales dotées d’organes élus au suffrage universel et de pouvoirs étendus ».

La réorganisation territoriale inachevée de 2102 a eu pour conséquences principales la création d’entités administratives non opérationnelles et l’impossibilité pour les populations de ces entités de participer entièrement, faute de listes électorales appropriées, aux élections.

Au nom de la continuité de l’État, le gouvernement entend parachever l’édifice de la réorganisation territoriale mise en chantier par l’adoption par l’Assemblée nationale le 2 mars 2012 de la loi n° 2012-017 portant création de circonscription administrative en République du Mali.

Le 19 janvier 2016, le gouvernement commence l’opérationnalisation des régions de Ménaka et de Taoudenit en nommant les gouverneurs. Ces deux nouvelles régions viennent rallonger la liste des régions du Mali, qui passent désormais de 8 à 10.

Après la présidentielle de juillet-août 2018, le gouvernement élabore les avant-projets de texte relatifs à cette réorganisation qu’il entend soumettre à l’examen de conférences régionales, commencé ce mardi qui doivent se poursuivre jusqu’au jeudi 15 novembre non le samedi 17 novembre, comme annoncé précédemment par les autorités.

Il s’agit pour le gouvernement de Soumeylou Boubèye Maïga de prendre en compte les avis et les suggestions des populations en vue de proposer, à une instance nationale de validation, de la réorganisation territoriale, un projet fondé sur les réalités socio-culturelles et économiques de chaque région et permettant de faire face aux défis sécuritaires et de promotion d’un développement local équilibré.

Pour couper court à la polémique, le Premier ministre, chef du gouvernement, a bien rappelé que la réorganisation se fera sur la base de la loi de 2012 : « la réorganisation du territoire vise à rapprocher l’administration des administrés et à repenser l’aménagement du territoire… Il n’est pas prévu la création de nouvelles régions. En revanche, de nouveaux cercles verront le jour, servant de ressorts territoriaux et administratifs au sein desquels se déploient les politiques publiques ».

Rassemblés par la Rédaction

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