L'armée française annonce avoir «probablement» tué le leader du Front de libération du Macina, l'un des chefs jihadistes les plus influents du Mali.
Dans le jargon militaire français, on parle «d’effet de sidération». L’ampleur des moyens déployés est inhabituelle: avions Mirage 2000, hélicoptères Tigre et Gazelle, drones Reaper, avion ravitailleur C135 et hélicoptères de manœuvre. Sans compter les soldats de Barkhane (l’opération française au Sahel) engagés au sol. Un dispositif à la hauteur de l’importance de la cible: Hamadou Kouffa, l’un des chefs jihadistes les plus influents du Mali.
L’armée française a annoncé avoir «probablement» tué le leader du Front de libération du Macina, en même temps qu’une «trentaine de terroristes» dans une «action complexe et audacieuse» menée dans la nuit de jeudi à vendredi dans la région de Mopti. Ce prêcheur peul, connu de longue date pour ses sermons largement diffusés dans toute la zone, avait prêté allégeance au Touareg Iyad ag-Ghaly, le numéro 1 du jihad sahélien, lui-même rallié à Al-Qaeda. La fusion de leurs groupes respectifs en une nouvelle entité, le Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimin(Jnim),avait été annoncée dans un film diffusé en mars 2017. Le Jnim est aujourd’hui l’organisation terroriste la plus meurtière du Mali.
Affrontements intercommunautaires
Au début du mois de novembre, Hamadou Kouffa et Iyag ag-Ghaly étaient à nouveau apparus côte à côte dans une vidéo: la réunion physique des deux hommes les plus recherchés du Sahel a été considérée comme un pied de nez adressé à l’opération Barkhane. Pour la première fois, c’est le chef peul qui s’était exprimé face à la caméra. Kouffa appelait sa communauté à combattre les forces françaises et les «apostats».
Sa mort, si elle est confirmée, aura un impact considérable sur le jihad malien. Le Centre, zone de peuplement peule, est depuis cette année la région la plus instable du pays. La région de Mopti en particulier, où les hommes de Kouffa contrôlent la brousse, a été aspirée dans une spirale d’affrontements intercommunautaires. Selon un rapport de la Fédération internationale des droits de l’homme publié cette semaine, 1200 personnes y ont été tuées ces deux dernières années. Les Peuls, assimilés aux jihadistes par les ethnies voisines (notamment les Dogons) et par une partie de l’armée malienne, sont victimes d’exactions. Pour se venger, certains d’entre eux rallient le groupe de Kouffa… Sa dernière vidéo montrait clairement que le prêcheur avait choisi de recruter en jouant sur la fibre communautaire.
Long terme
Barkhane vient certes de frapper un grand coup, militairement et politiquement. Emmanuel Macron avait demandé «des victoires en 2018» au Sahel, le voilà servi. Mais quel effet aura, à long terme, la disparition d’Hamadou Kouffa ? Les acteurs de la lutte antiterroriste savent pertinemment que décapiter les groupes jihadistes n’est pas toujours un gage d’efficacité. En particulier dans un contexte communautaire aussi tendu. Hamadou Kouffa, malgré son basculement dans l’islamisme armé, restait un religieux localement respecté, parfois même considéré comme un recours pour des populations abandonnées.
Son décès signe-t-il la fin du Front de libération du Macina? Va-t-il sérieusement désorganiser le Jnim? Ou bien peut-il au contraire provoquer une vague de colère des Peuls maliens, voire de recrutement des groupes armés? Jusqu’à présent, l’armée française, surtout mobilisée dans le Nord et l’Est du pays, n’intervenait quasiment jamais dans le Centre. Elle vient brutalement de s’y aventurer. Sans savoir jusqu’à quand.