Après la pause du Maouloud, notre chronique hebdomadaire reprend du service et a eu du mal, je dois le confesser, à trouver une thématique digne de sa « rentrée ». Je ne vous le dis pas assez souvent, mais il me rebute de faire le mouton de Panurge de l’actualité en y coupant des tranches chaudes, sanguinolentes ou truculentes pour concocter mon menu.
Je suis du genre soit à proclamer à tue-tête ma fidélité à mes amours débutantes, à savoir l’innovation technologique, soit à fouiner dans la fange pour débusquer et étaler à notre regard pudique ce que nous ne voudrions pas voir. Donc exit « gilets jaunes », «Brexit », « G20 » et les incontournables crises humanitaires géolocalisées çà et là dans toutes les régions de la planète, avec des conséquences toujours dramatiques et des modalités de sortie de crise à géométrie variable.
Je vous préviens tout de go, je suis en colère, outré et indigné par l’attitude irresponsable de quelques têtes fêlées au service de Sa Gracieuse Majesté qui voudraient tuer, une seconde fois, les femmes victimes de viol. Vous trouverez, pour certains, que ma colère n’a pas lieu d’être puisque les raisons de colères plus saines ne manquent pas et puis, diriez-vous, le sujet est trop loin des bords du Djoliba ; et pour d’autres que dans ces pays à la liberté effrénée, rien ne surprend guère.
En effet, dans sa livraison du 29 novembre dernier, le quotidien britannique The Times relate qu’ « Arshid Hussain, violeur de Sammy Woodhouse, condamné à une peine de 35 ans de prison en 2016 pour de multiples agressions sexuelles sur mineures, s’est vu proposer par les autorités locales de Rotherham d’obtenir un droit de visite de son enfant sur lequel il n’exerce par ailleurs aucune autorité parentale ». Si vous n’avez pas compris le topo au premier énoncé, laissez-moi vous l’expliquer par le menu.
Dans sa folie d’un soir, un détraqué qui a du mal à gérer sa libido rencontre une jeune fille de 14 ans et la viole. Elle tombe en grossesse de ses œuvres démoniaques. Puisque notre « pointeur » est un indécrottable multirécidiviste, il ne tardera pas à se faire arrêter et, la société le trouvant particulièrement nocif pour elle, l’embastille pour 35 ans. Jusque-là, la logique me semble cartésienne et on est bon pour applaudir la lourde paume de la justice qui s’est aplatie sur notre chaud lapin.
À présent, voilà que les choses se gâtent : à cette hideuse personne, une loi accorde le droit de visite à l’enfant né de son viol. Je vous passe les détails de son irresponsabilité puisqu’il n’a ni vu « son » rejeton, ni acheté la moindre couche-culotte pour le pauvre. Et c’est à cette bête immonde que la société propose de visiter « son » enfant comme si de rien n’était. Avouez que la ficelle semble trop grosse. Ou nous avons probablement raté un épisode.
La jeune Sammy Woodhouse ne veut pas laisser passer cette législation de l’absurde ; elle lance une mobilisation générale pour qu’elle soit changée illico presto. Comme Donald Trump, elle a fait confiance à la viralité de Twitter pour crier sa rage le mardi 27 novembre. « Dans une vidéo déjà consultée par plus de 800.000 internautes, la jeune femme explique avoir donné naissance à un enfant à l’âge de 15 ans après avoir été violée et se révolte de voir que ce dernier pourrait aujourd’hui rencontrer son père biologique ».
Dans son combat ô combien légitime, elle peut compter sur de nombreuses personnes et surtout femmes influentes dont la députée travailliste Louise Haigh. Mademoiselle Woodhouse ne demande pas la mer à boire ni à dévier le cours des eaux de la Tamise ; elle souhaite juste « ... que les personnes condamnées pour viol ne puissent en aucun cas jouir de droits sur les enfants nés de leurs crimes ».
"Cette histoire me concerne, concerne mon enfant. (…) Ceci arrive dans tout le pays et doit s'arrêter". Elle rappelle à juste raison le fait que l'homme condamné pour agressions sexuelles, notamment sur mineures, constituait "un danger" pour elle-même et son fils.
Le combat de cette jeune britannique pourrait faire jurisprudence pourvu qu’il ait un écho favorable au sein de la très conservatrice société anglaise et que les mouvements féministes s’en saisissent notamment dans le contexte où la parole retrouvée des victimes de viol permet à ces dernières de balancer les porcs qui, jusque-là, ont sévi en toute impunité.