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Violences faites aux femmes : Un phénomène au visage juvénile
Publié le mardi 4 decembre 2018  |  L’Indicateur Renouveau
Rencontre
© aBamako.com par A S
Rencontre sur les Violences faites aux filles
Bamako, le 27 novembre 2018 Le ministre de la promotion de la femme a présidé une Rencontre sur les Violences faites aux filles
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Quelque 71 cas de viols subis par des filles ou de jeunes dames en République du Mali ont été jugés par des sessions de la Cour d’assises entre 2017 et 2018 à Bamako.
A chaque session de Cour d’assises que ce soit à Bamako, à Kayes ou à Mopti des dizaines d’affaires d’agressions sexuelles sont jugées. Les statistiques 2017-2018 de la juridiction criminelle de Bamako sont effarantes. En sa première session 2017 des assises, la Cour d’appel de Bamako a jugé douze crimes de viol. Ce nombre a doublé à la 2e session avec vingt-cinq affaires d’agressions sexuelles dont quatorze cas de viol, six cas de pédophilie et cinq cas d’attentat à la pudeur.

A la première session des assises de 2018, la Cour d’appel de Bamako a eu affaire avec quatorze affaires dont huit cas de pédophilie, cinq viols et un cas d’attentat à la pudeur. Dix cas de viol et dix cas de pédophilie sont inscrits au rôle de la deuxième session 2018 de la Cour d’assises de Bamako qui se déroule du 27 novembre au 26 décembre 2018.

Réveil des magistrats ?

Le procureur général près la Cour d’appel de Bamako se félicite d’une prise de conscience des magistrats face à l’ampleur du viol dans notre pays et surtout ses conséquences sur les victimes.

“Il est heureux de constater, fait rare pour être signalé, que nous avons au rôle vingt détenus pour des cas d’agressions sexuelles alors qu’on nous a habitués à des dossiers où les mises en liberté en ce domaine étaient systématiques, au point qu’il nous arrivait de dénoncer aux sessions passées, la banalisation de ces crimes”, souligne Idrissa Arizo Maïga, procureur général près la Cour d’appel de Bamako.

Il assure que “la médiatisation outrancière de certains cas récents, illustration d’une violence impudique et sauvage, a fait prendre conscience aux magistrats l’horreur et la détresse qui accompagnent ces infractions”. Idrissa Arizo Maïga invite ses pairs “à persévérer par la rigueur dans la répression, qui sans être une panacée, reste fortement dissuasive”.

L’ire des défenseurs des droits de la femme

Les affirmations du procureur général près la Cour d’appel de Bamako donnent raison aux défenseurs des droits de la femme qui dénoncent depuis des années l’impunité dans les affaires de viol. Pourtant, le Code pénal du Mali est plus que jamais clair sur la question.

“Le crime de viol est puni de 5 à 20 ans de réclusion et facultativement de 1 à 5 ans d’interdiction de séjour. Mais si le viol est collectif, les coupables seront condamnés à 20 ans de réclusion et l’interdiction de séjour de 5 à 20 ans. Lorsque le viol a été commis avec des circonstances aggravantes notamment en groupe ou sur une personne mineure, la peine sera la réclusion à perpétuité”, dispose l’article 226 du Code pénal malien.

Selon Maïmouna Dembélé, responsable de la prévention des violences basées sur le genre et promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes chez Avocat sans frontière Canada, la non application de la loi dans sa rigueur est la principale cause de la récurrence du viol à Bamako et un peu partout au Mali.

“Le fait que les gens puissent se dire qu’en commettant cet acte ils peuvent s’en sortir, ils le feront. Pour moi, il y a une grande part d’impunité”, dénonce-t-elle. Mme Dembélé pointe également un doigt accusateur sur l’éducation des jeunes à l’heure du numérique.

“Les jeunes ont de plus en plus accès aux médias sociaux, à toutes sortes d’informations et d’images. Mais l’éducation sexuelle et l’éducation au respect de l’autre qui doivent suivre l’utilisation de ces espaces ne sont pas réelles. Ça ne se fait ni dans l’éducation formelle à l’école ni dans l’éducation familiale”, peste Maïmouna Dembélé.

Pour elle, les statistiques 2017-2018 de la Cour d’appel de Bamako ne reflètent pas la réalité des violences sexuelles dans ses zones de compétence. “En 2017-2018 plus de 91 % des victimes de viol n’ont pas porté plainte par peur de la stigmatisation ou des représailles des leurs bourreaux”, assure-t-elle, citant le dernier rapport du système de gestion des informations sur les violences basées sur le genre des Nations unies.

Conséquences démesurées d’un acte ignoble

En plus des blessures physiques, le viol peut avoir des conséquences graves sur la santé de la victime, selon Dr. Abdramane Togo, gynécologue à l’Hôpital du Mali.

“Une victime de viol encoure aux infections sexuellement transmissibles comme le VIH/Sida, l’hépatite B, la syphilis vénérienne”, note Dr. Togo, évoquant la grossesse non désirée comme l’une des conséquences du viol pouvant aboutir le plus souvent à “l’infertilité, la frigidité et le vaginisme”.

Une victime de violence sexuelle est également exposée à des troubles psychologiques. A en croire Guida Seyo Waïgalo, psychologue et spécialiste des questions liées aux violences faites aux femmes, les victimes risquent le stress post-traumatique. “Cela peut aboutir à d’autres troubles secondaires comme la dépression et la paranoïa. La frigidité, l’isolement, la honte de soi sont également des conséquences de l’agression sexuelle”, souligne le professeur d’enseignement supérieur.

En attendant que les magistrats soient persévérants “par la rigueur dans la répression”, les agressions sexuelles continuent et les victimes souffrent énormément.

Koné, une abîmée du viol collectif
Ce 5 novembre 2018. Il est 3 h du matin environ. A. Koné et son fiancé sont braqués devant chez elle à Doumanzana en Commune I à Bamako. Le couple a été surpris par quatre jeunes de moins de 20 ans sur deux motos Jakarta alors qu’il se garait après une soirée arrosée en ville. Tous armés, les adolescents dépouillent Issa Touré et sa fiancée de leurs biens : argent, téléphones et montre.

Comme si cela ne suffisait pas, ils assomment le fiancé d’un coup crosse à la tête. Pistolet pointé sur elle, A. Koné est forcée de monter entre deux bandits sur une moto. Direction Sangarébougou, un quartier, situé à environ 5 km de là.

“Ils m’ont amenée dans une école coranique. Deux m’ont violée pendant plus d’une heure. Les autres n’ont pas voulu parce que je saignais”, raconte A. Koné, la voix affligée. Diplômée en droit des affaires, la jeune femme de 29 ans dit avoir été insultée père et mère tout au long de la séquestration suivie du viol. “J’ai honte de moi-même. Je suis humiliée et bafouée. Je suis carrément déboussolée”, ajoute-t-elle les larmes aux yeux.

Le 15 novembre, la police du 12 arrondissement surprend le gang en plein braquage d’un autre couple à Djélibougou, toujours en Commune I. Les limiers ont pu mettre la main sur deux d’entre eux. Le chef de la bande, Toumani Diallo dit “Jamais”, passe par les mailles du filet avec un autre compère.

Les deux personnes arrêtées reconnaissent très vite avoir participé au viol d’A. Koné. Le nommé Toumani, en cabale, est le fils d’un magistrat. Il est connu des services de police comme un récidiviste. “Mais il a toujours été libéré avec le concours de son père auprès du tribunal”, regrette un policier du 12e arrondissement.

En n’attendant d’être situés sur leur sort, les deux violeurs méditent leur sort à la prison centrale.

Maliki Diallo
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