Bamako, 13 déc 2018 (AFP) - Des dizaines de civils touareg ont été tués
entre mardi et mercredi par des jihadistes présumés dans le nord-est du Mali,
près de la frontière nigérienne, zone de confrontation entre des jihadistes
ayant prêté allégeance au groupe Etat islamique (EI) et deux groupes armés
principalement touareg soutenant les troupes maliennes et françaises.
Plusieurs centaines de personnes, dont de nombreux civils, appartenant
surtout aux communautés peule et touareg, ont péri depuis le début de l'année
dans cette région de Ménaka.
Les affrontements à caractère intercommunautaire se poursuivent également
dans le centre du Mali, frontalier du Burkina Faso et du Niger, où ils ont
fait plus de 500 morts civils en 2018, selon l'ONU, malgré la mort, annoncée
par Paris et Bamako, du prédicateur radical peul Amadou Koufa lors d'une
opération militaire il y a trois semaines. Sa mort a été démentie en début de
semaine par Al-Qaïda au Magrheb islamique (Aqmi), qui n'a pas apporté de
preuve de vie.
L'apparition en 2015 dans cette région du groupe jihadiste d'Amadou Koufa a
déclenché un cycle de violences dont "les victimes sont principalement des
Peuls, ciblés par les +groupes d'autodéfense+ des ethnies dogon et bambara au
motif qu'ils soutiendraient des islamistes armés pour la plupart en lien avec
Al-Qaïda", selon un rapport publié la semaine dernière par Human Rights Watch
(HRW).
Dans le nord-est du Mali, le Mouvement pour le salut de l'Azawad (MSA, issu
de l'ex-rébellion) a dénoncé des attaques lancées entre la nuit de mardi et
mercredi matin par "des bandits armés sur plus de vingt motos" contre
plusieurs localités, où ils "ont exécuté des civils de la communauté
Idaksahak" (touareg), faisant état jeudi d'un bilan de "47 morts".
Les assaillants "sont repartis vers la frontière nigérienne après avoir
allumé un feu de brousse", a ajouté ce groupe principalement touareg.
Des élus locaux ont confirmé l'attaque, évoquant entre une vingtaine et
plusieurs dizaines de tués.
Un élu de la région a également indiqué que les assaillants étaient "venus
de la frontière nigérienne et repartis dans cette direction", mais sans
pouvoir se prononcer sur le bilan.
"Lorsque l'armée malienne s'est rendue sur les lieux, les corps étaient
déjà enterrés par des combattants du Mouvement pour le salut de l'Azawad",
malgré les consignes d'attendre l'arrivée des militaires, a expliqué cet élu
sous le couvert de l'anonymat, disant "craindre une manipulation des chiffres".
Un autre élu local, qui affirme avoir pu brièvement parler avec un blessé,
a accusé les assaillants d'avoir "tiré sur tous les civils rencontrés dans les
campements".
- Enquête de l'ONU -
La Mission de l'ONU au Mali (Minusma) a condamné sur Twitter "les faits
collectés concernant cette série d'attaques", sans donner d'estimation
chiffrée.
"Conformément à son mandat, la Minusma déploie une équipe spéciale
d'enquête des droits de l'Homme pour établir les faits ainsi que les
circonstances de l'exécution des civils dans ces localités et situer les
responsabilités", a-t-elle ajouté, appelant "les autorités maliennes à
enquêter sur ces incidents et à traduire les responsables en justice".
Dans un rapport remis au Conseil de sécurité de l'ONU en août, un groupe
d'experts souligne que les conflits entre communautés de la région, pour les
postes de pouvoir, le contrôle d'axes commerciaux ou de contrebande, les
pâturages et l'accès aux puits, exacerbent les tensions dues aux affrontements
entre jihadistes et forces internationales et maliennes.
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes
jihadistes liés à Al-Qaïda, à la faveur de la déroute de l'armée face à la
rébellion à dominante touareg, d'abord alliée à ces groupes qui l'ont ensuite
évincée.
Les jihadistes en ont été en grande partie chassés ou dispersés à la suite
du lancement en janvier 2013, à l'initiative de la France, d'une intervention
militaire, qui se poursuit actuellement.
Mais des zones entières échappent au contrôle des forces maliennes,
françaises et de l'ONU, régulièrement visées par des attaques meurtrières,
malgré la signature en 2015 d'un accord de paix censé isoler définitivement
les jihadistes, dont l'application accumule les retards.
Depuis 2015, ces attaques se sont étendues au centre et au sud du Mali et
le phénomène déborde sur les pays voisins, en particulier le Burkina Faso et
le Niger, se mêlant souvent à des conflits intercommunautaires.
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