La violence au centre du Mali dont sont victimes des Peuls s’est accentuée les 10 derniers jours avec plus d’une centaine de morts. L’information a été donnée le 6 décembre à Bamako par les jeunes de Tapitaal Pulaaku, l’association de défense de la culture peule, évoquant « un véritable nettoyage ethnique contre la communauté peule qui n'épargne pas les femmes et les enfants ».
« Il est perpétré principalement par des dozos, appellation qui convient parfaitement aux autorités qui en ont fait de supplétif de l'armée », a déclaré Hamadoun Dicko, le président de la jeunesse Tapitaal Pulaaku, lors d’une conférence de presse à Bamako le 16 décembre 2018. La communauté peule est persuadée que cette violence est plutôt le point culminant d'une compétition pour disposer des ressources naturelles qui sont les espaces et les points d'eaux.
Pour Dicko, l'apparition de Hamadoun Koufa et autres djihadistes ont servi de prétexte à cette lutte autour des ressources. Et le leader associatif d’ajouter que la responsabilité du gouvernement malien est engagée parce que ce dernier a sous-traité la sécurité des personnes et des biens à des milices dont il a toléré voire encouragé et même soutenu la naissance et l'expansion .
Pire, selon lui, les gouvernants ont imposé une omerta totale sur ces crimes et les a catégoriquement réfutées quand les ONG internationales les ont apportés à la connaissance de l'opinion nationale et internationale. «Nous sommes déçus que les organisations nationales de la société civile, les leaders religieux, les notabilités traditionnelles, les partis politiques, les institutions de la République et autres mécanismes locaux de conciliation n'aient accordé aucun intérêt à cette entreprise de nettoyage ethnique contre la communauté peule », a dit Dicko.
Les Peuls attendent de la justice qu'elle soit à équidistance de tous les citoyens, ce qui n'est pas facile dans un pays où la pauvreté est endémique dans une «fourniture » où l'on cherche souvent en vain, la frontière entre le politique et les autres institutions.
Tapitaal Pulaaku rappelle que la communauté peule reste à l'écoute par rapport aux dossiers des fosses communes et autres crimes antérieurs perpétrés. « Nous en appelons à toutes les bonnes volontés pour briser le silence de plomb qui entoure ce génocide contre la communauté peule et à saisir les juridictions nationale et internationale pour que soient débusqués les auteurs de crimes et tous leurs complices actifs ou passifs », a poursuivi Dicko.
Mme Dicko Fatoumata Dicko, la présidente des femmes Tapitaal Pulaaku, en appelle directement au président de la République Ibrahim Boubacar Keïta. « Il faut que le président sorte de son silence et qu’il parle à son peuple pour résoudre le problème. Nous, nous avons contacté tout le monde, même le président de la République. Nous lui demandons la dissolution de toutes les milices », a imploré Fatoumat Dicko.
« Exécutions sommaires et enlèvements »
S’agissant des faits, la jeunesse peul rapporte que «le 05/12/2018 le village de Sadia peul dans la commune de Kanibonzo situé à 15km de Bankass est attaqué par la milice terroriste génocidaire Dan na amassagou, quelques heures plus tard les FAMAs venus de Bankass ont froidement abattu six peuls prétextant que ceux sont des djihadistes », a dénoncé Bakary Cissé lors de la conférence de presse.
Et l’orateur d’affirmer que le même jour à Lessagou, quinze peuls ont été sommairement exécutés par la milice Dozo toujours dans la commune de Kanibonzo. Le 12/12/2018 un camion transportant une soixantaine de personnes majoritairement des femmes et des enfants quittant Mora en partance de Ounkoro a été intercepté par les Dozos et acheminé à Wela dans le camp de Baye. « Tous les hommes ont été exécutés, au moins une dizaine, et ils ont épargné les femmes et les enfants après avoir demandé s'il y a des garçons parmi les enfants sans prendre le soin de vérifier », a poursuivi Cissé.
Pour Hamadoun Dicko, le président de la jeunesse Tapitaal Pulaaku, il s’agit de l’exécution d’un plan visant à réduire la communauté peul du Mali, particulièrement celle du centre du pays. « Le 13/12/2018 le même village de Mora est attaqué par la même milice dozo Dan na amassagou, sur place ils ont tué quatre peuls et ont incendié le village sans oublier que une dizaine de personne est portée disparue ;-le vendredi 14/12/2018 le village de Balaguiné peul a été incendié sans enregistrer des pertes en vie humaine », a rappelé Cissé.
Selon la même source, tous les villages peuls qui sont à côté de Lessagou peul (Djinadio, Dia,Koumé, Néma) dans la commune de Lessagou habè se sont retrouvés à Lessagou dans la commune de Dialassagou. Tous ceux qui ont quitté Mora après l'attaque et ceux qui ont été libérés ont rejoint le village de Deguessagou à 2km au nord de Dialassagou. « Il y a un mouvement de foule qui est dans la confusion totale, certains sont allés au Burkina d'autres à Bamako », a révélé Cissé.
A en croire la jeunesse peule, le 20/11/2018 au cœur du marché de Bankass, le chef du village de Djabel a été enlevé par la milice dozo et est exécuté. Le 21/11/2018 dix personnes ont été exécutées à Pirga. Des enlèvements d'hommes sans précédents aussi signalés, avec au moins une dizaine de personnes enlevées.
Le même mercredi deux jeunes dans le village de Soula qui sont montés sur les falaises ont été intercepté par les chasseurs dozo de Dan na amassagou et sont amenés vers Baye sans nouvelle. Deux autres jeunes de Lessagou habè ont été enlevés sans nouvelle et un autre jeune de DARI dans la commune de Sokoura. La jeunesse peule affirme qu’il y a deux principaux camps connus de tous à Wela et à Pissa dans la commune de Baye.
Dans le cercle de Tenenkou , le jeudi 06/12/2018, le village de Mamba situé à quelques kilomètres de Diafarabé a été attaqué par une milice similaire Dozo tuant 12 personnes dont le plus jeune est âgé de 6 mois et le plus âgé à 78 ans, blessant 8 autres personnes dont 04 femmes parmi lesquelles se trouvent 02 fillettes âgées respectivement de 6 à 7 ans et 4 hommes dont le plus âgé a 80 ans. Le village a été totalement pillé et tous les survivants ont quitté Mamba pour se réfugier à Diafarabé.
Dans le cercle de Ke-Macina, le jeudi 6 décembre 2018, le village de Kelesseri (commune de Monipé) a été attaqué avec un bilan de 6 personnes tuées.
Dans le cercle de Douentza , dans la commune de Mondoro, une cinquantaine des personnes, tous des peuls, a été enlevée par les Famas et Gatia dans les villages de Mougnoukana (46 peuls) et Manougou (04 Peuls), ils sont sans nouvelles depuis le 13/12/2018. Ils ont abattu un jeune peul originaire de Koro et ont récupéré sa moto et son argent. Ils étaient guidés par 2 jeunes Dogons qui ont sauté sur une mine et sont morts tous les deux à coté du village de Managou.
La même source rapporte qu’ils sont retournés dans le village et auraient fait sortir tout le village au soleil puis ont pris 4 jeunes peuls et sont partis avec eux. Vers le crépuscule, ils ont croisé 4 jeunes peuls bergers qui revenaient et en ont tué un qu'ils ont sommairement enterré dans le sable avant de poursuivre leur route jusqu'à Yangassadiou.
Le jeudi 13/12/2018, les FAMAs étaient accompagnés par une quinzaine de motos transportant des Dogons originaires de Yangassadiou et de Douna. Ils auraient fouillé, pillé et frappé 15 personnes les laissant pour morts. Ils auraient aussi pris une quinzaine de motos avant de regagner Douna et sont partis avec les prisonniers à Hombori, puis Boni, en direction de Douentza. En parallèle 15 personnes gravement tabassées ont été laissées sur place par les militaires et sont évacuées après le départ des militaires par les populations à Hombori pour recevoir des soins.