L’insécurité va crescendo dans le Centre et le Nord du Mali. En ce début de mois de décembre, selon Human Rights Watch(HRW), des milices ethniques ont tué au moins 75 civils en l’espace d’une semaine. L’Organisation des défenses des droits de l’homme demande aux « autorités maliennes, qui ont ouvert une enquête et procédé à quelques arrestations dans le cadre de ces meurtres, de poursuivre de manière adéquate les membres et dirigeants des milices concernées. »
Dans un communiqué en date du 18 décembre dernier, Human Rights Watch affirme que dans le centre du Mali, les milices dogons ont tué au moins 34 civils de l’ethnie peuhle lors de trois attaques distinctes dans la région administrative de Bankass les 5, 12 et 13 décembre. Dans le nord du pays, ajoute l’Organisation des défenses des droits de l’homme, des Peulhs armés ont attaqué le 12 décembre deux camps nomades touaregs, faisant plus de 45 morts. « Ces attaques font suite à beaucoup d’autres l’an dernier, résultant d’une rivalité de longue date pour l’accès aux terres et à l’eau, et de la présence récente de groupes armés islamistes», selon Human Rights Watch. Corinne Dufka, directrice pour le Sahel à Human Rights Watch explique que « les massacres de civils perpétrés par des milices dans le centre et le nord du Mali sont en train de devenir incontrôlables.» Elle demande aux autorités d’ « agir rapidement et efficacement contre les milices si elles veulent mettre un terme aux cycles de meurtres et de représailles. »
Hécatombe
Human Rights Watch affirme avoir interrogé par téléphone six témoins au sujet des incidents récents et a ainsi reçu des listes des personnes tuées. Le 12 décembre, selon Human Rights Watch, dans la zone administrative de Bankass, Dan Na Ambassagou a attaqué deux villages et saisi un gros camion dans le village de Gari. « Ils ont conduit ce véhicule, avec à son bord plus de 60 habitants qui avaient fui le village de Mora par crainte d’une attaque imminente, jusqu’à la localité de Wella. Sur place, les miliciens ont ordonné aux hommes de sortir et tué sept hommes et garçons. Ils ont en outre demandé une rançon en échange de la liberté des civils restants. Les villageois ont déclaré que le lendemain, des miliciens Dan Na Ambassagou avaient attaqué Mora, où ils auraient tué environ une douzaine de villageois.», explique HRW. Le 5 décembre, indique Human Rights Watch, la milice dogon a tué 15 civils peuls, dont deux femmes, dans le village de Lessagou-Peuhl, situé dans la zone administrative de Bankass. « D’après deux témoins, les miliciens ont encerclé leur village, venant à bout du petit groupe d’autodéfense local, puis tué les habitants. » Human Rights Watch affirme aussi qu’une attaque en date du 12 décembre à Tinabaw, dans le nord de la région de Ménaka, près de la frontière entre le Mali et le Niger, a conduit à la mort de jusqu’à 47 hommes, adolescents et garçons, âgés entre 10 et 80 ans environ, et a fait des blessés. Human Rights Watch rapporte le témoignage d’un sage de la localité : « vers six ou sept heures du matin, deux des trois groupes de Peuhl armés, arborant des armes militaires et se déplaçant à moto, ont attaqué deux camps nomades touaregs – Tassalatine et Wakassa – séparés de quelques centaines de mètres seulement. Ils ne s’en sont pris aux femmes, mais ont tué tous les hommes qu’ils ont trouvés. C’était une attaque rapide, la tuerie a été perpétrée en moins d’une heure.»
Ouverture d’enquêtes judiciaires
Selon Human Rights Watch, Dan Na Ambassagou, un groupe de coordination de plusieurs groupes d’autodéfense et de sociétés de chasse traditionnelles basés dans les villages dogons, est impliqué dans de nombreuses atrocités. « Son dirigeant, Youssouf Toloba, est au sommet d’une chaîne de commandement de type militaire et ses membres ont en leur possession des cartes de combattants signées par Toloba. En novembre, un article de presse a décrit une réunion, présidée par Toloba, de représentants de 36 camps de milices Dan Na Ambassagou. » Le gouvernement, explique l’ONG, s’est engagé à enquêter sur les incidents de décembre, et les autorités gouvernementales ont informé Human Rights Watch de l’ouverture d’enquêtes judiciaires et de l’arrestation d’au moins sept hommes. « Human Rights Watch a exhorté les forces de sécurité du Mali à protéger de manière impartiale tous les civils menacés par des attaques de milices et de groupes armés islamistes et demandé aux autorités judiciaires de mener des enquêtes et de poursuivre en justice les membres de ces groupes, y compris les commandants responsables de telles violations. » Selon Corinne Dufka, « les enquêtes et arrestations annoncées par le gouvernement constituent un pas en avant significatif vers l’établissement des responsabilités ». La directrice pour le Sahel à Human Rights Watch ajoute que « ces mesures doivent être suivies de poursuites judiciaires adéquates contre les responsables de ces atrocités. »