Comme un cheveu dans la soupe, le gouverneur de la région de Kayes, M. M’Baye Konaté, s’était aventuré, ce mercredi, dans le village de Kersignané, commune rurale de Konsinka où le conseil municipal est paralysé après la démission de la majorité des conseillers municipaux. Cette démission presque collective fait suite au désaveu des populations locales envers du maire Tamassa Kébé de l’URD de la localité. Le chef de l’exécutif de la première région voulait utiliser la manière forte pour réinstaller ce maire désavoué. Ce que la population a très mal apprécié, une foule de personnes, issues des différentes localités de la Commune rurale ayant submergé le chef-lieu de la municipalité, à la veille de son arrivée. Déterminée à en découdre avec le haut représentant de l’Etat, celui-ci n’a dû son salut que grâce aux responsables de l’association des jeunes, qui l’ont protégé et accompagné jusqu’à son véhicule pour qu’il regagne Kayes.
Déjà depuis la veille, la localité de Kersignané refusait du monde. Les habitants des villages de la collectivité sont arrivés en grand nombre, dans le chef-lieu de la commune, pour répondre à l’invitation de leurs responsables d’associations dans le cadre de la défense de la collectivité, contre le retour du maire contesté et de ses collaborateurs ainsi que tous ceux qui veulent l’imposer par la force, y compris les autorités nationales. C’est ainsi qu’au milieu de cette foule très remontée et regroupée devant la mairie, le gouverneur de Kayes avait décidé d’installer, de gré ou de force, le maire Tamassa Kébé.
Le fait est qu’un Gouverneur de région n’avait pas à ‘’s’abaisser’’ à intervenir en personne, dans les affaires de fonctionnement ou non d’une commune rurale. En effet, entre la collectivité communale et l’exécutif régional dirigé par le Gouverneur, la loi a prévu un maillage administratif important, qui va du sous-préfet au Préfet de cercle lui-même, et même les différents conseillers responsables de la décentralisation au sein du cabinet du gouverneur, désigné Haut représentant de l’Etat (donc du Chef de l’Etat lui-même) à la tête de la région.
M’Baye Konaté a donc pêché par orgueil et surenchère, en supplantant ses différents services compétents pour s’exposer inutilement à une foule en colère, le soupçonnant de surcroît d’avoir pris parti dans un conflit où il y a eu mort d’homme, plusieurs blessés graves et des instances judiciaires toujours en cours. Le propre d’une administration devrait être sa neutralité et son souci prioritaire de contenir les facteurs de troubles et non attiser des rancœurs encore vivaces.
Au demeurant, ceux de la commune rurale de Konsinka ont raison sur un plan : la loi détermine qu’en cas de blocage du fonctionnement d’un exécutif communal, suite à la démission de la majorité des élus qui le composent, ce conseil exécutif est dissout et remplacé soit par un autre conseil, après organisation de nouvelles élections, soit par une délégation spéciale, chargée d’expédier les affaires courantes, jusqu’à élection d’un nouveau conseil. Deux options que les populations de la commune rurale de Konsinka ont en vain proposées à l’administration.
Au moment où l’État est en train de faire face avec toutes les difficultés, dont celles liées à la crise intercommunautaire au centre du pays et le terrorisme, ce qui se passe ces derniers jours à Kersignané, interpelle les plus hautes autorités du pays. Le Mali n’a plus besoin d’un autre foyer de tensions. De toute évidence, le gouverneur outrepasse ses prérogatives d’autant plus qu’il n’a aucun moyen aujourd’hui de soumettre de force plus de 2000 habitants à l’autorité d’un conseil municipal contesté par les administrés et dont la majorité des élus a d’ailleurs rendu sa démission au maire. Pourquoi alors créer une crise, dont personne ne peut mesurer les limites ? Le gouverneur Konaté a pris des risques, en s’aventurant, sans mesure de sécurité particulière, sur un terrain aussi glissant que le dossier Konsika où des affrontements entre habitants et forces de sécurité ont déjà coûté des pertes en vies humaines et dont la plaie est loin d’être cicatrisée. Pourquoi n’a-t-il pas fait signifier sa décision par le sous-préfet ou le préfet, qui sont sous son autorité et plus proches des populations ?
Au moment où nous mettions sous presse, la tension restait vive à Konsika où des rues étaient en flammes, nous rapportent certaines sources.