Le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéîta, à travers son gouvernement aurait probablement trouvé une fenêtre pour enterrer le procès au cours duquel seront jugés le général Amadou Haya Sanogo et certains membres de la junte militaire de Kati. Comment IBK envisage de libérer Amadou Haya Sanogo ?
Le Président de la République vient de convoquer l’Assemblée nationale en session extraordinaire avec à l’ordre du jour deux projets de loi. Il s’agit de la loi d’entente nationale et la loi portant statut général des fonctionnaires. Le 12 décembre dernier, l’Assemblée nationale avait jugé nécessaire d’envoyer la loi dite d’entente nationale à la prochaine session pour complément d’information. En lisant bien les dispositions de ce projet de loi vigoureusement contesté par les associations de défense des droits de l’homme, certains observateurs auraient aperçu une volonté du gouvernement du Président IBK d’enterrer l’affaire dite des bérets rouges impliquant le général Amadou Haya Sanogo et certains de ses compagnons.
Selon l’article 3 de ce texte qui tient à cœur au chef de l’Etat et son gouvernement, « les dispositions de la présente loi s’appliquent aux faits pouvant être qualifiés de crimes ou délits, prévus et punis par le code pénal malien, les autres lois pénales et les conventions et textes internationaux ratifiés par le Mali en matière de protection et de promotion des droits de l’homme, survenus dans le cadre des évènements liés à la crise née en 2012 et qui ont gravement porté atteinte à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale et la cohésion sociale ». L’article 6 ajoute que « par devoir national, la présente loi offre, dans les conditions fixées aux chapitres II, III et IV ci-dessous : le bénéfice du Pardon national à toute personne ayant commis ou ayant été complice des faits visés par l’article 3 ci-dessus ; le bénéfice de mesures de solidarité et d’assistance nationales à toute personne ayant été victime des faits visés par l’article 3 ci-dessus ou, le cas échéant, à ses ayants-droits ».
Le gouvernement du Mali envisagerait à travers l’adoption de trouver une disposition légale afin de libérer tous ceux qui sont retenus dans les liens de l’accusation dans cette affaire. La tenue de ce procès qui avait démarré en novembre 2016 à Sikasso avant d’être renvoyé est redoutée au plus haut sommet de l’Etat.
« IBK ne semblait guère emballé de voir le procès Sanogo se dérouler»
Dans son livre « Justice en Afrique. Ce grand corps malade. Le cas du Mali », paru aux éditions La Sahélienne, l’avocat Me Mamadou Ismaïla Konaté revient sur le procès Amadou Haya Sanogo. L’ancien garde des sceaux a consacré un chapitre intitulé « heurts et malheurs d’un procès de putschistes ». « Les consultations des archives m’a permis de savoir que ma prédécesseur avait pris les devants et saisi, elle aussi, les autorités hiérarchiques. J’en ai parlé au Président qui ne semblait guère emballé de voir ce procès se dérouler en la période envisagée », écrit le célèbre avocat.
Me Mamadou Ismaïla Konaté fait des confidences sur certains de ses collègues membres du gouvernement. « Finalement, après moult et moult péripéties, la date du 30 novembre 2016 a été retenue pour le procès. A l’arrivée de la date fatidique, les visages de mes collègues ministres se fermaient à mon passage et l’on me souriant de moins en moins. Certains me posaient des questions sur le caractère judicieux de l’ouverture d’un procès au regard de la situation du pays, etc. », peut-on lire dans le livre.
Dans cet ouvrage de 166 pages, Me Konaté salue le courage et la droiture de l’ancien premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga, ministre de la défense au moment des faits pour son rôle crucial dans la comparution des témoins militaires à Sikasso. L’ex ministre de la justice n’est pas tendre avec le Président Ibrahim Boubacar Kéïta qui ne prenait plus ses coups de fil pendant ce procès stoppé le 8 décembre 2016. « Le téléphone portable du Président de la République ne répondait plus à mes appels, c’était un signe…. », nous apprend Me Konaté dans son livre.
Ces révélations de l’ancien ministre de la justice témoignent de la sensibilité de ce dossier. Si l’Assemblée nationale adopte la loi d’entente nationale, le général Amadou Haya Sanogo et certains de ses compagnons seront dispensés de procès au grand dame des organisations de défense de droits de l’homme et des familles des victimes.