Si IBK ne peut aussi aisément se défaire de Soumeylou Boubeye Maïga comme de ses trois précédents P.M, lui aussi ne peut lâcher son employeur au risque de chuter avec lui. Autrement dit, le hérisson a également tout à craindre du chien qui se contente juste d’aboyer à son passage. Drôle de cohabitation alors !
L’on se plait, dans le microsome politique malien, à pronostiquer avec certitude un remaniement ministériel dans les mois, voire les semaines qui suivent. Un remaniement de cette nature, suppose, la démission du Premier Ministre, au contraire d’un réaménagement relatif à de simples retouches de portefeuilles ministériels. Mais peut-on, un seul instant, envisager le départ de l’actuel Premier Ministre ?
Un scénario difficilement envisageable, en tout cas, du point de vue de nombreux observateurs. Et pour cause. L’employeur est resté désespérément muet lorsque, dans un ton presque provocateur, l’Employé affirma avoir débauché des cadres et élus de son parti (le RPM) et constitué désormais la 4ème force politique du pays.
Aussi, il ne lasse de rappeler à ceux d’en face (à son Employeur et aux gens du parti), qu’il est à l’image d’un hérisson dont le passage irrite le chien lequel ne peut que se contenter d’aboiements puisque dans l’impossibilité d’attraper sa prétendue proie. Comme pour dire, qu’il est et reste hors de portée aussi bien pour son Employeur que pour ses détracteurs au sein de l’appareil politique qu’il ne semble nullement craindre. A croire qu’il est là et y demeure et… qui s’y frotte s’y pique. Tout se passe en tout cas, comme s’il tenait le bout, le bon !
Un hérisson indéboulonnable ?
Serait-ce pour avoir sauvé le «Soldat Ryan» à travers l’organisation d’un scrutin présidentiel à haut risque que l’actuel PM serait intouchable, quasi indéboulonnable et se montre aussi intransigeant qu’intraitable ? Il est vrai que rien n’était gagné pour IBK et que son P.M est justement assimilé à un véritable sauveur, du moins, pour ceux de la majorité présidentielle. Ceci ne saurait pour autant, justifier le sentiment de toute confiance en soi du PM.
Le secret de Soumeylou Boubèye Maïga semble bien résider ailleurs, dans les textes régissant sa nomination. Il est tout simplement de notoriété ici, que le Président de la République ne peut démettre son Premier Ministre. Un P.M inextirpable ? C’est bien le cas, sauf que tous les précédents P.M l’ont été. Explications !
Au Mali, le Président de la République nomme le Premier Ministre mais ne peut le démettre. C’est bien ce que dit le décret N° 92-0731 P-CTSP portant promulgation de la Constitution du Mali. L’article 38, de notre Loi Constitutionnelle, TITRE III «du président de la République» stipule en effet : «Le Président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement.
Sur proposition du Premier Ministre, il nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à leurs fonctions».
En clair, le Président de la République ne peut mettre fin aux fonctions du Premier Ministre qu’à la seule et unique condition de la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement. Si pas de démission du Premier Ministre lui-même, le Président de la République ne peut mettre fin à ses fonctions. IBK ne peut donc mettre fin aux fonctions de SBM.
Il en fut ainsi avec les précédents PM dont Tatam Ly, Moussa Mara, Modibo Keïta, Idrissa Maïga (et d’autres avant eux). Ces derniers, certainement pour des raisons liées à leurs tempéraments respectifs et surtout au manque de soutien politique, ont cédé sous la pression. Ils ont en effet été lâchés par le parti présidentiel lequel convoitait leur fauteuil. Bref, le manque de soutien politique leur a été fatal.
Et certainement dans le but d’anticiper sur les hostilités, l’actuel P.M a affaibli le parti présidentiel et renforcé le sien en y amenant élus et cadres issus du voisinage immédiat au point de se réclamer 4ème force politique du pays. Pour ce faire, il lui fallait au préalable proroger les mandats des députés et «récupérer» certains parmi eux.
Un remake des années 2000
Le Premier Ministre SBM tire certainement son inspiration du parcours d’IBK lui-même. La crise majeure au sein de l’Adema PASJ au début des années 2000 et à l’origine du départ d’IBK suivi de la naissance du RPM est née dans les circonstances identiques. Le Premier Ministre d’alors, Ibrahim Boubacar Keïta s’est abstenu de présenter sa lettre de démission à la demande du Président Alpha Oumar Konaré. D’où la crise ayant dessiné l’actuelle architecture politique. Sous la pression de la fange majoritaire du parti (PASJ), le PM dut finalement présenter sa lettre de démission au Président de la République, d’où la victimisation née du sentiment de trahison de ses partisans. On connait la suite.
L’histoire retiendra que l’actuel PM était là parmi les présumés «traitres». Mais peut-on véritablement parler de trahison ? Ceci est une autre histoire.
L’histoire, semble en tout état de cause, avoir inspiré Soumeylou Boubeye Maïga qui tente justement à l’heure actuellement, de s’assurer une épaisse couverture politique tout en affaiblissement le parti présidentiel au profit de l’ASMA qu’il contrôle à la perfection.
Au regard de tout ce qui précède, l’actuel Premier Ministre donne la nette impression de tout maîtriser. La situation serait sous contrôle, est-on tenté de croire. Certainement, sauf que tout le château de sable en question est construit autour et sur la plage d’IBK, un président sortant qui n’a absolument plus rien à perdre au contraire du potentiel candidat à la Présidentielle, Soumeylou Boubeye Maïga.
Quand bien même il ne pût démettre son Premier Ministre, il peut éventuellement dissoudre l’Assemblée Nationale et tenter de se constituer une nouvelle majorité à l’hémicycle ou tout simplement laisser le jeu politique se faire en redistribuant les cartes et prendre le risque de tout perdre. Mais puisque lui n’a rien à perdre au contraire de l’autre…, alors, il reste le véritable maître du jeu !
B.S. Diarra
Encadré
À propos des débauchages au profit de l’ASMA:
Le RPM ne doit s’en prendre qu’à lui-même
Aussi vrai qu’on entre dans la politique pour obtenir des dividendes ici-bas et non pour accéder au paradis éternel, la Direction du parti RPM a commis le péché de laisser les siens à eux-mêmes et à la merci d’un dangereux milieu récupérateur.
A en croire Bocary Tréta, Président du RPM lors de la conférence de la Fédération régionale du RPM de Koulikoro, certains profitant de leur position au niveau de l’appareil d’Etat, appellent, les perturbent en leur faisant des propositions tendant à les dévier de leur chemin». L’accusé n’est autre que le Premier Ministre Soumeylou Boubèye Maïga et Président du parti ASMA. Mais le Président des Tisserands mérite-t-il que l’on s’apitoie sur le sort de son parti ?
Le RPM est certainement le seul parti présidentiel dans l’histoire politique du Mali qui voit ses cadres et élus filer en direction d’autres formations en cours de mandat d’un président issu de ses rangs. D’ailleurs on n’en connait guère dans d’autres pays du continent. Ce départ massif de responsables et non des moindres est révélateur d’un profond déficit de gouvernance au sein de la formation que le Premier Ministre a tout simplement tourné à son avantage. C’est de bonne guerre autant que la chose politique n’est qu’un simple jeu d’intérêt et non une question de croyance religieuse. On y entre pour obtenir des dividendes ici-bas et non pour accéder au paradis dans l’au-delà.
Vu sous ce prisme, il y a lieu de se demander ce qu’a fait le RPM pour ses cadres et élus. Et pis ! Tous les cadres et Elus dont il est question ont littéralement été abandonnés à leur sort par le parti. Tenez par exemple : dans la perspective des dernières élections communales et des législatives reportées, des candidats légitimes ont été floués par la direction du parti au profit d’Opportunistes visiblement nés des cuisses de Jupiter. Une situation à l’origine de profondes frustrations et départs.
Aussi, nombreux sont ces cadres et élus qui reprochent au président Treta son inaccessibilité. Le Président IBK lui-même a trouvé qu’il est injoignable.
La direction de ce parti n’a apparemment aucune politique de promotion de ses responsables. Aucune ! Parmi ceux-ci, se trouvent pourtant des candidats valables et légitimes. Ils sont été délaissés au profit de puissants opérateurs économiques prêts à acheter leurs candidatures à coup de centaines de millions F CFA. Tous (les démissionnaires) dénoncent la violation des procédures et des textes du parti. Et qui encaisse donc les montants issus des marchandages des listes de candidatures ?
Aussi, le désir de vengeance a accaparé les membres de la direction de ce parti, au point qu’ils ont perdu le sens de la mesure et toutes perspectives à long terme.
Soumeylou étant un Malin, a tout simplement montré la voie du salut et de l’espoir aux victimes lesquelles se sont engouffrées dans la brèche. Les nouveaux arrivants ont eu droit à tous les égards et respect. Simple comme bonjour !
La politique dit-on, n’est pas une affaire de foi religieuse. Mais bien de gâteau à partager ici-bas. Cela, Soumeylou Boubèye Maïga l’a compris.