PolitiqueL’Honorable Issa Togo, à propos de l’insécurité au centre « Malgré les missions du Premier ministre au centre, la situation s’est totalement empirée»
Connu pour sa liberté de pensée, le député Issa Togo, président du groupe parlementaire ADEMA-PASJ, s’est exprimé sur la question en marge du passage du Premier ministre à l’hémicycle, la semaine derrière. Il soutient que le conflit du centre n’est pas inter-ethnique et que malgré les missions du chef du Gouvernement, la situation s’est totalement détériorée.
Le Témoin : Quelle appréciation faites vous des nombreuses missions du Premier ministre au centre du pays où se trouve également votre circonscription électorale ?
Issa Togo : Le Premier ministre a effectué des missions, je dirais que c’est bien et même très bien. Cependant, la finalité recherchée c’est la résolution du problème. La question que les Maliens se posent est de savoir si la question s’est empirée ou améliorée avec ces missions à nos jours. Pour moi, la situation s’est plutôt totalement empirée. Aujourd’hui beaucoup de villages et de hameaux aussi bien Peuls que Dogons ont été totalement rasés de la carte pendant la seule année 2018.
Le Témoin : Qu’attendez-vous des autorités pour résoudre ce conflit sans précèdent ?
Issa Togo : Je demande aux autorités une plus grande présence de l’administration. Le Premier ministre va à Mopti, à Bangass et Koro et il revient c’est tout. Mais où sont les commandants, combien d’arrondissements ou de Sous-préfets, de Maires, de services de santé, vétérinaires et d’écoles sont en place dans la région de Mopti ? S’il n’y pas d’autorités, il ne sert à rien à un chef du gouvernement d’aller se présenter à Mopti et revenir. Il faut que sa visite soit suivie d’actions. Et l’action qui devrait suivre était la mise en place immédiate des autorités. Malheureusement ce n’est pas le cas. Or aujourd’hui, les populations du centre réclament non seulement le retour de l’Etat, mais également qu’il s’affirme. Tant que l’Etat n’est pas de retour pour que l’autorité des chefs d’arrondissements et des chefs de villages soit reconnue, il n’y aura pas de paix au centre.
Le Témoin : Qu’entendez-vous par dialogue social que vous avez suggéré au gouvernement dans votre intervention ?
Issa Togo : Contrairement à la qualification de certaines personnes, le problème du centre n’est un conflit intercommunautaire entre Peuls et Dogons. Je suis Dogon, à côté de mon village, il y’a un village peul, nous sommes nés ensemble, nous avons grandi ensemble. Les Peuls et nous Dogons pouvons-nous asseoir, nous parler et nous comprendre. Même à l’heure actuelle, on se fréquente.
Le Témoin : Voulez-vous dire que la crise au centre n’est pas ethnique ?
Issa Togo : Je ne suis pas du même avis que ceux qui qualifient ce conflit de crise ethnique. Je crois tout simplement que c’est le vide créé par l’absence de l’Etat qui a profité à des bandits venant de tous horizons à la recherche de gain facile.
Le Témoin : Votre mot de la fin ?
Issa Togo : Je lance un appel à la communauté internationale pour arrêter de compter le nombre de morts, d’arrêter de parler de droits de l’homme. Avec 12 000 casques bleus ont ne doit pas admettre qu’il y ait autant de morts au centre. Avec la présence de Barkhane, on ne devrait pas s’attendre à ce que 80 villages et hameaux soient brûlés, détruits et disparaissent de la carte. Avec le G5 sahel cette situation n’est pas normale. A l’Etat malien, je dis de prendre le taureau par les cornes. Il y a eu combien de villages brulés, combien de morts, de blessés avant Koulogon qui n’ont pas été le déclic de trop.