Les trois régions du nord du Mali et une bonne partie de la cinquième région, Mopti, sont occupées depuis trois mois par des bandits de tout accabit.Il y a là Ansar Dine, le mouvement islamiste dirigé par Iyad Ag Ghali, qui veut instaurer la loi islamique sur l’ensemble du territoire malien. Puis Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), véritable maître du terrain militaire et dont Ansar Dine est l’allié. Il y a là aussi le MNLA, mouvement indépendantiste touareg qui a proclamé la sécession des trois régions du nord. Il y a là, enfin, de petits groupes rebelles de moindre importance (Mujao et autres) mais surtout des hordes de narcotrafiquants bien décidés à faire du nord du Mali une zone de libre circulation de la drogue et des armes. Tout ce beau monde a reçu le renfort de djihadistes afghans, pakistanais, irakienset apatrides fuyant les bombes de l’OTAN ainsi que des terroristes de Boko Haram, le mouvement djihadiste qui multiplie les carnages au Nigéria.
Internationalisation du conflit
Si rien n’est fait, on verra naître, à bref délai, en plein coeur du Sahel, le premier Etat terroriste du monde. Cette perspective ne fait pas sourire l’Occident ni les pays voisins du Mali, qui y voient une menace grave pour leur survie. Du coup, la libération des territoires du nord et leur retour dans le giron de l’Etat malien devient un enjeu sous-régional et international. La CEDEAO, chargée de maintenir la paix, la stabilité et le progrès économique en Afrique de l’ouest, a voulu, dans un premier temps, déployer au Mali sa « force en attente » de 3000 hommes, portés à 5000 après une meilleure évaluation des capacités de résistance des rebelles. Mais la CEDEAO, malgré sa volonté de laver le linge sale africain en Afrique, ne dispose ni du matériel ni des ressources financières que nécessiterait une intervention militaire de longue haleine au nord; elle a besoin de l’appui franc et massif de puissances occidentales comme la France, qui assure la tutelle de fait de son pré-carré ex-colonial. Mais la France de Sarkozy n’est pas celle de Hollande: le nouveau président français se soucie comme d’une guigne de la « françafrique »; il ne veut pas se lancer dans une guerre alors qu’il tente de sortir son pays du bourbier afghan; il ne veut surtout pas subir l’accusation d’expédition coloniale dans un pays africain; par conséquent, Hollande ne veut intervenir au nord-Mali que sous la bannière de l’ONU. Voilà pourquoi la CEDEAO a été, de fait, dessaisie du dossier du nord au profit de l’Union africaine dont le président, le Béninois Boni Yahi, s’apprête, au nom de l’Afrique entière, à solliciter du Conseil de sécurité de l’ONU une résolution autorisant le déploiement d’une force internationale au Mali.
Le Mali cavalier seul
La démarche de Boni Yahi se heurte à des réticences maliennes. En effet, la junte militaire, qui détient la réalité du pouvoir dans notre pays, voit d’un mauvais oeil la perspective qu’une force internationale prétende, en marge de la guerre au nord, »sécuriser les autorités de la transition » : ne serait-ce pas là un moyen déguisé de réduire le capitaine Sanogo et ses hommes au pain sec et à l’eau ? Autre motif de réticence malienne: les autorités gouvernementales craint que la force internationale, conformément à ses vieilles habitudes, ne vienne dépraver les moeurs locales et propager sur notre territoire le sida et autres saloperies. De plus, l’occupation du nord et la fuite de nos soldats devant des rebelles surarmés ont blessé la fierté nationale et déconsidéré l’armée malienne: celle-ci tient absolument à redorer son blason en faisant, à son tour, étalage de sa suprématie sur le terrain. L’armée est convaincue d’y parvenir sans l’aide de qui que ce soit, pour peu qu’on lui donne le matériel réquis. Elle entend donc engager les hostilités sans attendre la venue d’une force internationale. Un décideur malien nous révèle la fine analyse menée au sein de l’état-major : « Le Mali veut garder la maîtrise de la guerre. Lorsqu’elle débarquera chez nous, il est hors de question que la force internationale ait le commandement général des troupes de combat: elle devra plutôt se couler dans le dispositif mis en place et commandé par nos propres officiers. C’est à ce prix que la victoire militaire sera malienne et que notre pays gardera sa souveraineté sur ses régions du nord. Si l’armée malienne n’est pas la vraie gagnante de la guerre, rien n’interdira à la communauté internationale de nous dicter sa loi: sous prétexte de protection des minorités ou de surveillance internationale de la paix, elle n’hésiterait pas à brader notre souvernaineté en imposant, par exemple, au Mali un régime fédéral qui nous dépossederait, à long terme, de nos richesses pétrolières du nord ».
Pour toutes ces raisons, l’armée a décidé de prendre de vitesse la communauté internationale et d’engager seule l’offensive militaire. Déjà, la ville de Mopti est devenue une forteresse comme Gao l’avait été sous le régime ATT. Des milliers de soldats y sont déployés depuis deux mois, munis d’un arsenal impressionnant de véhicules 4X4, d’automitrailleuses et de blindés légers. Des experts ont remis sur pied de nombreux chars et BRDM qui croupissaient dans la poussière des camps depuis 10 ou 20 ans. Des sources sûres nous apprennent que l’état-major vient de réceptionner plus de 30 milliards d’armes de guerre. Des moteurs neufs pour trois hélicoptères de combat. Un Bréguet français, avion à large rayon d’action susceptible de répérer et de détruire des cibles ennemies à 5 000 mètres d’altitude. Dans les tout prochains jours seront réceptionnés 4 Sukhoï de marque russe, bombardiers plus puissants que les célèbres Mig 21 dont le régime de Moussa Traoré alignait une bonne quarantaine aux plus beaux jours de l’armée malienne. »Ces avions ont été, pour la plupart, commandés par le régime ATT, expliquent nos sources; ils seront précieux pour débusquer et détruire les rebelles à distance. Leur blindage les met àl’abri des tirs rebelles et ils ont assez d’autonomie pour voler pendant plusieurs heures sans devoir se ravitailler en carburants. ».
Les sources soulignent que la rébellion au nord ne peut être vaincue sans l’emploi de l’aviation. « Nous avons affaire à des colonnes de combattants aguerris et motivés par leurs idéaux islamistes. Les armes qu’ils ont importées de Libye ou qu’ils ont reprises à l’armée malienne en déroute leur permettent de résister longtemps aux engins blindés; mais l’aviation est la panacée : elle seule peut détecter et détruire à distance les colonnes rebelles ultra-rapides et permettre de prendre l’avantage sur un terrain pénible et mal connu de nos troupes », nous assure un chef militaire. Un autre officier croit savoir que les avions, compte tenu du temps que requiert l’apprentissage de leur conduite, pourraient être pilotés par des mercenaires est-européens, voire Israéliens.
Il faut dire que le Mali, dans sa démarche volontariste, est encouragé par les Etats Unis d’Amérique. « Ce pays croit en la valeur de nos soldats dont il a formé des centaines depuis des années; il a aussi compris que la déroute de notre armée, depuis janvier, n’est pas due à un manque de courage mais à un complot tramé par la hiérarchie elle-même », commente une source qui annonce que l’un des principaux atouts de l’armée malienne dans la reconquête du nord réside dans l’échec des rebelles à gagner le coeur des populations. Analyse d’un officier: « Dès lors que les populations du nord nous sont acquises, il nous est facile d’infiltrer les villes, de localiser les bandits, de leur livrer des combats nocturnes, de les entraîner hors des zones habitées afin de les faire tuer par l’aviation de combat ».
Pour mieux prendre la mesure de la population, qui n’a jamais adhéré à la cause indépendantiste ou islamiste des rebelles, le Mali a mis sur pied des milices tribales (sonrhai, arabes, etc.). Leur appui avait été déterminant en 1991 et 2006 contre les rébellions dirigées par Ag Ghali, Zahabi, Ag Bahanga et autres; il n’y a aucune raison qu’il ne le soit pas encore une fois. Pour désorienter l’ennemi, des groupes de faux rebelles ont été créés par l’armée malienne. Le MRRA du colonel Gamou en est un. Enfin, des généraux appréciés des troupes viennent aux commandes, notamment Minkoro Kané et Mahamadou Maiga.