On croyait qu’après avoir renoncé à diriger la transition, le chef de la junte, le capitaine Sanogo, se retirerait tranquillement dans les bureaux lambrissés qu’on lui offrirait en tant qu’ancien chef d’Etat. Ceux qui l’ont cru ont sans doute pris des verrues pour des grains de beauté.
En effet, le capitaine ne veut pas de bureaux. Il préfère rester à Kati, bien au chaud dans son camp, à l’ombre de la forêt de baïonnettes qui surplombe sa tête chaque fois qu’il se déplace. Dans une interview accordée à nos confrères de Jeune Afrique (livraison du 4 juin), le bourreau d’ATT déclare avoir appris qu’il est « la principale cible » d’un groupe de bandits décidés à l’éliminer du paysage. S’il le dit, c’est que c’est vrai puisqu’il reste le vrai chef de l’armée (il en a nommé les actuels responsables) et de l’Etat (le Premier ministre lui doit son fauteuil).
Alors donc, qui en voudrait à mort à notre bon et brave capitaine ? L’intéressé ne les cite pas mais on peut penser qu’il y a du beau monde sur les rangs, poignard bien aiguisé et cercueil en bandoulière. A tout seigneur tout honneur: le FDR, front anti-putsch, ne lui souhaite pas la longevité de Noé puisque sa seule présence suffit à rendre amer le goût du pouvoir pour tout politicien qui arriverait aux affaires. Dioncounda en sait quelque chose, lui qui a subi une franche bastonnade après avoir évincé l’encombrant capitaine du palais. Ce dernier, loin de souhaiter bonne guérison au vieil homme, préfère souligner que s’il a connu le charitable sort que l’on sait, c’est parce qu’il s’est laissé tracter à la tête du pays dans un charriot colonial de la CEDEAO. Après le FDR, le capitaine craint les ‘bérets rouges » en vadrouille dans la nature, à commencer par le colonel Abidine Guindo que l’on dit à l’affût dans les bois. Ledit colonel s’avère d’ailleurs, à la réflexion, moins dangereux que les chefs rebelles qui sévissent au nord et qui, on l’imagine, prieraient mille ra’ka de remerciement au bon dieu s’ils parvenaient à mettre le grappin sur un capitaine doublé d’ancien chef d’Etat: pour libérer un otage de cet acabit des mains d’AQMI ou d’Ansar Dine, tout le budget de la transition y passerait…
Voyez-vous, la liste des ennemis est longue comme la jambe du « vieux commando » fuyard. C’est pourquoi le capitaine ne veut pas en rajouter. Sachant que la troupe putschiste voit d’un oeil noir qu’il ait été propulsé « ancien chef d’Etat » à bord de la navette spatiale mitonnée par l’astrophysicien Cheick Modibo Diarra, le capitaine Sanogo considère comme une urgence de calmer ses frères de coup d’Etat. Ses verts propos contre Dioncounda et compagnie entrent dans ce régistre. Comme pour dire: « Hé, écoutez, compagnons: certes, je vais gagner 5 millions par mois mais cela ne signifie pas que j’ai changé de bord. Je vous aime et je déteste les politiciens. Inch Allah, je veillerai à ce que vous aussi, vous ne sortiez pas brédouilles de la chasse à ATT, le vieux commando. ». Pour que nulle bidasse ne rate sa harangue, le capitaine multiplie les tournées dans les casernes. Mais on constate que la CEDEAO, qui est remplie de vieux routiers de la politique, a eu raison de lui dérouler le tapis d’ancien chef d’Etat. La preuve ? Le capitaine ne s’oppose plus que du bout des bottes au déploiement d’une force internationale au Mali. Et il a même accepté, raconte -t-on, que le CNRDRE, le machin chargé de restaurer l’Etat et de redresser la démocratie (Ouf ! Quel programme!) subisse une adroite dissolution en devenant Comité de reforme de quelque chose…