Si dans un passé récent le Mali était jusque-là considéré comme une zone de transit du cannabis, elle est devenue maintenant un marché de consommation et de production. En effet, dans certaines localités du pays des agriculteurs s’adonnent à la culture de cannabis et l’on se rappelle que l’Office central des stupéfiants, à travers son antenne régionale de Sikasso, avait procédé à d’importantes saisies de chanvre indien dans des villages. Cette situation est, en fait, le prolongement d’une tendance relevée en Afrique de l’ouest où le cannabis, herbe et résine, est de loin la substance illicite plus couramment consommée. Ce qui sous-tend un marché où la demande ne cesse de croître au fil des années. Mais les tendances de consommation d’autres drogues comme la cocaïne, l’héroïne et les amphétamines vont crescendo. Ce qui explique aussi les saisies d’importantes quantités que les trafiquants destinaient à l’approvisionnement aussi bien du marché national que du marché de l’Afrique de l’ouest en passant par le Mali.
Selon le Rapport mondial sur les drogues 2018 publié au mois de juin dernier par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime organisé (Onudc): “La saisie mondiale d’opioïdes pharmaceutiques en 2016 était de 87 tonnes, soit environ la même quantité que l’héroïne saisie cette année-là. Les saisies d’opioïdes pharmaceutiques – principalement le tramadol en Afrique de l’Ouest et du Centre, et l’Afrique du Nord représentaient 87% du total mondial en 2016. Les pays d’Asie, qui représentaient auparavant plus de la moitié des saisies mondiales, ont déclaré seulement 7% du total en 2016.”
En ce qui concerne la cocaïne, le rapport précise : “La fabrication mondiale de cocaïne en 2016 a atteint le niveau le plus élevé jamais enregistré, avec une production estimée à 1 410 tonnes. La plus grande partie de la cocaïne provient de Colombie, le rapport montre également que l’Afrique et l’Asie émergent comme centres de trafic et de consommation de cocaïne.”
L’Onudc relève dans ce rapport la tendance haussière de la production mondiale d’opium : “De 2016 à 2017, la production mondiale d’opium a bondi de 65% pour atteindre 10 500 tonnes, l’estimation la plus élevée enregistrée par l’Onudc depuis le début de la surveillance de la production mondiale d’opium, par cette dernière, au début du XXIe siècle. Une augmentation marquée de la culture du pavot à opium et une amélioration progressive des rendements en Afghanistan ont permis à la production d’opium l’an dernier, d’atteindre 9 000 tonnes.”
Records absolus de production de cocaïne et d’opium
Et le directeur exécutif de l’Onudc, Yury Fedotov, de déclarer : “Les conclusions du rapport mondial sur les drogues montrent que les marchés de la drogue se développent, la production de cocaïne et d’opium ayant atteint des records absolus, cela présentent de multiples défis sur plusieurs fronts.”
Le tableau mondial dressé par l’Onudc permet de mieux cerner l’ampleur du phénomène de la drogue, mais aussi et surtout l’interconnexion existant entre les marchés des différents continents sur lesquels agissent de grands cartels très organisés et qui sont en train de construire une sorte de mondialisation du marché de la drogue. Ce qui fait que la consommation actuelle de drogues en Afrique pose de nombreuses inquiétudes.
40 tonnes de cocaïne en transit chaque année
En effet, si dans un passé récent l’Afrique était jusque-là considérée comme une zone de transit, elle est devenue un marché de consommation et de production. Selon le rapport 2016 de l’OICS, l’Afrique reste l’une des principales régions de production et de consommation de cannabis.
Mais 7,6% de prévalence de consommation et environ 30 millions de consommateurs se trouvent en Afrique de l’ouest et du centre. En plus, selon l’Onudc, 11% des consommateurs d’opiacés se trouvent en Afrique dont les 50% en Afrique de l’Ouest et du Centre. Effectivement, depuis 2006, 20 à 40 tonnes de cocaïne par an transitent par la région en direction de l’Europe. Avec 20 tonnes évaluées à 1 milliard de dollars ($US). Ce qui excède le PIB de certains pays ouest?africains.
Percée de l’héroïne au Mali
Au Mali, il a été noté ces trois dernières années une percée de la consommation de drogues injectables comme l’héroïne, nécessitant ainsi la mise en place d’un centre de prise en charge des toxicomanes, de plus en plus nombreux. Notons à ce sujet qu’une enquête RDS effectuées par l’Ong Arcad-sida en 2013 a permis de comprendre l’ampleur du fléau de la drogue injectable. Cette étude a porté sur 500 consommateurs de drogues et a révélé leurs statuts de poly consommateurs avec un taux de 7,8% d’injecteurs. Parmi ceux-ci 34,8% réutilisaient leurs seringues et 26,1% se partageaient les seringues, la séroprévalence du VIH était de 5,1% soit trois fois plus élevée que chez les non injecteurs.
Cette situation de demande en progression pourrait expliquer la saisie par les services de lutte contre la drogue, à l’Aéroport Président Modibo Keïta de Bamako, en 2017, de 10 kg d’héroïne transportés par une femme originaire du Malawi utilisée comme mule (passeur) alors qu’elle déclare être vendeuse de friperie dans son pays. La drogue devait être récupérée à Bamako par un inconnu, une fois arrivée à son hôtel.
Le dimanche 23 décembre 2018 aux environs de 12h30, la Cellule Aéroportuaire Anti Trafics/Antenne de I’Office central des stupéfiants (OCS) a procédé à la saisie de 2,600 kilogrammes d’héroïne brune estimés à plus de cinquante (50) millions de Fcfa sur le marché local. Selon le communiqué rendu public par l’OCS, “cette quantité de drogue a été saisie sur la base d’un ciblage. Elle était dissimulée dans une valise à double fond appartenant à une passagère à bord d’un avion de la compagnie Kenya Airways en provenance de Johannesburg (Afrique du Sud) via Nairobi (Kenya). La nommée Tavagwsa Doreen de nationalité zimbabwéenne est âgée de 37 ans et réside au Zimbabwe où elle exercerait la profession de coiffeuse, selon ses déclarations. A sa descente d’avion, elle a été ciblée par les éléments de l’Office Central des Stupéfiants. La drogue saisie a été découverte dans ses bagages au cours de la fouille.”
Pour la cocaïne, les services de lutte contre la drogue, sous la coordination de l’OCS, ont procédé à la saisie de 3, 614 kg en 2014 ; 1, 927 kg en 2016 et 2,600kg en 2017.
Pour les méthamphétamines (Monster, Crank, Benzédrine, Dexedrine, Ritalin), 42 kg ont été saisies. Il s’agit respectivement d’une prise de 12kg en 2014 et 30kg en 2015. Pas de saisie en 2016 et 2017.
Le tramadol se substitue aux méthamphétamines
Il semble bien que les trafiquants aient choisi de les substituer au Tramadol qui a commencé à envahir les pays du Sahel par un large trafic couvert par l’insécurité dans cette zone. La preuve est qu’au cours de l’année 2018, un convoi faussement présenté comme celui des Nations Unies a été intercepté par la Minusma à la frontière entre le Niger et il transportait une énorme cargaison de tramadol : des millions de comprimés. De quoi inonder le Mali et ses voisins et ainsi détruire leur jeunesse.
Sans compter qu’au Mali, d’importantes quantités de tramadol ont été saisies : 77 paquets et 54140 gélules en 2014 ; 67 paquets et 432 plaquettes en 2015 ; 15 cartons, 30 paquets et 298 plaquettes en 2016 ; 22 cartons, 206 paquets, 414 plaquettes, 25 616 comprimés en 2017 et 32 091 comprimés au premier semestre de 2018. Les autres drogues saisies lors de ces quatre ans et demi concernent l’Ephérine : 1 boîte et 2030 comprimés; Diazépam : 424 plaquettes, 141 boîtes et 7143 comprimés ; le Rivotril : 177 plaquettes et 100 comprimés; Morphine : 5 boîtes; alcool 90° : 2290 litres.
Importantes quantités de cannabis
Mais les saisies de cannabis restent de loin les plus importantes avec près de 26 tonnes récupérées ces cinq dernières années sur les trafiquants par les services de lutte contre le trafic de drogue au Mali. Il s’agit des saisies de 4 tonnes 789 kg en 2014 ; 2 tonnes 774 kg 140grammes en 2015 ; 9 tonnes 483 kg 878 grammes en 2016 ; 900 kg en 2017 et 7 tonnes 640kg 542 grammes lors du premier semestre de 2018, les statistiques du second semestre de 2018 ne nous étant pas encore accessibles, rappelons-le.