Avant-hier Samedi le 19 octobre, la Maison de la Presse a servi de tribune, dans le cadre d’une conférence de presse, au cri du cœur des organisations anti-esclavagistes maliennes contre la persistance de l’esclavage par ascendance dans la région de Kayes. C’était l’occasion pour les mouvements Gambana, Temedt et Rddh de décrier la mollesse du Gouvernement face à la tournure dramatique des pratiques.
«La société malienne est profondément conservatrice et se caractérise par une hiérarchisation sociale très vivace, a laissé entendre pour la circonstance la vice-présidente de TEMEDT, AichatouWalletAttalata, allusion faite à la stratification des différents groupes ethniques en nobles et citoyens au bas de l’échelle par naissance. Et de déplorer que l’administration soit toujours restée inactive face à certains cas qui découlent de la faiblesse de notre société. Et même lorsque la survie de l’Etat est menacée, la préservation de l’image du pays vis à vis de l’extérieur est évoquée pour le plus grand confort des ordres déjà établis, a-t-elle indiqué en soutenant par ailleurs que ce n’est pas la solution. «Il faut plutôt faire face à la réalité, car tout problème non réglé deviendra un jour une tragédie », a martelé la vice-présidente TEMEDT en mentionnant la tournure dramatique du phénomène de l’esclavage dans la région de Kayes où des communautés actuelles sont victimes de grandes violations des droits de l’homme à cause de la persistance des pratiques esclavagistes. Lesdites violations sont perpétrées même sur des femmes et des enfants avec une destruction sans précédent de biens matériels, leur lot de déplacements forcés massifs de familles entières, àrévélé la vice-présidente, devant le regard médusé de co-organisateurs de la conférence comme les mouvements RMFP, Gambana et le réseau de Défense des Droits de l’Homme (RDDH). Destiné à alerter sur la gravité des violations et exactions en cours dans la région de Kayes depuis le mois de juin dernier, la conférence aura été mise à profit pour lancer un appel à toutes les associations de défense des droits de l’homme, à la communauté internationale et à l’Etat pour sauver ces communautés qui n’aspirent qu’à la cohésion sociale et à la quiétude. Pour ce faire, Temedt ne compte pas désarmer de son combat auprès du gouvernement malien pour obtenir l’avènement l’adoption d’un projet de loi criminalisant l’esclavage et pratique assimilée à l’instar des autres pays de la sous-région comme le Niger et la Mauritanie. C’est la seule alternative à l’impunité due au vide juridique sur la question alors que ledit texte serait en souffrance à cause de la complicité de l’Etat malien et par malheur d’avoir été initié en pleine négociation de l’Accord pour la paix – dont certains protagonistes sont esclavagistes. La révélation a été faite par l’ancien ministre de la justice de l’époque, Mohamed Ali Bathily, qui a profité de tribune pour accuser IBK et le Pm Modibo KEÏTA d’avoir choisi de faire la paix avec les mouvements armés «au prix de l’esclavage» de certains concitoyens. L’affirmation a eu des adeptes puisque l’ancien candidat malheureux à la présidentielle a arraché des applaudissements très nourris aux nombreux représentants de la communauté soninké ayant convergé à la Maison de la Presse en solidarité avec leurs proches victimes des pratiques esclavagistes.
Abdoulaye Tangara
Esclavage dans la région de Kayes
LES VICTIMES TÉMOIGNENT SUR LEURS CONDITIONS
«Lors du mariage de mon grand-frère, qu’on a organisé dans le village de Fegui (cercle de Kayes, ndlr), le chef du village s’est offusqué de n’avoir pas été informé avant de faire quoique ce soit. Et pour cause, un esclave et descendant d’esclave n’a pas le droit de manifester son mariage sans son consentement. Et pour me punir ma maison est restée fermée pendant plus de trois mois» (Seydou Gano)
«Nous disons non à l’esclavage et la pratique d’esclavage ! Nous n’acceptons plus cette pratique médiévale car nous avons pris la responsabilité de ne plus suivre leurs ordres de soumission. Nous sommes au nombre de 5 chefs de famille qui, depuis l’hiver, sommes privés de tout : d’eau, de nos espaces de culture et même de pistes d’accès à certaines destinations» (Goundeni Diakité)
«Nos ancêtres ont subi toutes sortes de soumission, mais sous notre temps non jamais, même jusqu’à la mort» (Sidibé 54 ans)
«Nous, villageois de Djoyi, sommes soudés et uni. Chose qui ne leur a pas plu du tout d’autant que nous avons fait le choix de ne plus obéir aux ordres et aux pratiques esclavagistes. En plein milieu de la nuit on pouvait te solliciter pour égorger un mouton, le dépecer et le couper en morceau avant de vaquer à tes affaires. On dit stop à ces pratiques traditionnelles qui n’ont que trop duré. C’est pourquoi ils ont fait quatre jours et quatre nuits à nous massacrer et à confisquer tout ce qu’on a. Ils (les maîtres, ndlr) sont entrés à l’intérieur de la maison de mon grand-frère, lui ont attaché les deux mains et les deux pieds et ont même abusé de sa femme. Je serai peut-être leur prochaine cible, mais cela ne me décourage guère car on accepte plus l’esclavage aujourd’hui et jamais jusqu’à a la fin de nos jours» (Mamadou Traoré)
«J’ai été divorcé de force tout simplement parce qu’après des discussions entre mon frère et moi je suis rentrée en famille. Tout a commencé par là. Ils me reprochent d’être allée chez mes parents et m’ont m’interpelé chez le chef du village chez qui je me suis rendue. Ce dernier m’a demandé pourquoi j’étais partie voir ma famille et je lui ai répondu que je ne laisse ma famille pour personne. A cause de ce malentendu, on m’a infligé une amende de 100 mille francs que j’ai refusé de payer.
Le lendemain ils ont fait irruption dans ma maison en défonçant la porte pour m’expulser manu-militari avec mes enfants sans défense. Je suis à la famille de mes parents présentement» (AtmataDemba Sissoko)