Hier, jeudi 24 Janvier 2019, la salle de conférences de la Maison de la presse a abrité la 1reédition du forum de la presse avec comme invité le Président de la Commission de la Vérité Justice et Réconciliation (CVJR), Ousmane Oumarou Sidibé.
Sur le volet de la recherche de la vérité, le conférencier du jour dira qu’il s’agit de l’État, des dépositions des victimes de différentes crises de 1960 à nos jours, avant d’ajouter que l’identification des victimes est une étape fondamentale dans la recherche de la vérité, mais également dans l’élaboration de la politique de réparation. Pour être plus proche des victimes potentielles, la CVJR a créé des antennes dans les Régions directement affectées par les crises et un Bureau pour
l’identification et le recensement des victimes.
Ils ont débuté, a précisé le Président Oumarou Sidibé de la CVJT, en janvier 2017, sur toute l’étendue du territoire national, hormis la Région de Kidal qui a ouvert son antenne récemment, le 18 décembre 2018, et commencé à recevoir des dépositions, dès le 24 décembre. Les victimes se sont en général déplacées vers les antennes régionales afin de procéder à leurs dépositions.
Déploiement des équipes mobiles
Pour le conférencier, il s’agit de renforcer les antennes régionales et pallier les problèmes d’insécurité et de transport liés à l’enclavement. Il dira que la CVJR a déployé des équipes mobiles dans des zones de concentration sauf la Région de Mopti où la stratégie a consisté plutôt à faire venir les victimes vers l’antenne compte tenu de la sécurité qui y était devenue volatile. Il a aussi ajouté que ce processus a été facilité grâce à la collaboration entre la CORAVIC et la GIZ.
Investigations sur les grandes violations des Droits de l’Homme (les enquêtes complémentaires)
Toujours, selon le président de la CVJR, les dépositions constituent une 1reétape dans le processus de recherche de la vérité. Et que même si les déposants sont présumés de bonne foi, il s’avère indispensable d’approfondir les investigations sur le terrain pour s’assurer de la véracité des faits allégués dans les antennes régionales. À cet effet, affirma-t-il, des missions sont conduites sur le terrain pour procéder aux enquêtes approfondies afin de filtrer les cas avérés et, éventuellement, trier ceux non fondés. Des activités menées par des Experts nationaux de haut niveau appuyés par des Experts internationaux mis à disposition par les partenaires. Ceux-ci disposent d’outils comme les fiches de déposition des victimes, la cartographie des allégations de violations des droits de l’homme existantes. Ils feront bien sûr appel à leur propre analyse et à la triangulation qui en découle.
Les audiences publiques
C’est une opportunité unique, estime Oumarou Sidibé, pour les citoyens d’apprendre des expériences des victimes, témoins et survivants de violence de masse, mais aussi une occasion pour les victimes d’être reconnues dans leur dignité et soutenues dans leur processus de guérison.
En outre, ces audiences permettront d’écouter des Experts, d’expliquer les conséquences du conflit sur ces groupes de victimes, de raconter les spécificités de leur vécu et de proposer des mesures adéquates de réparation et de non-répétition. Elles contribuent directement à la réconciliation nationale en montrant publiquement la diversité des souffrances et le fait que chacun a été affecté, à diverses périodes, et par-delà les différentes politiques, idéologiques, ethniques, ou religieuses. Les audiences se tiennent à Bamako. La CVJR publiera largement le programme des audiences publiques, leur horaire et leur lieu (sites web, média…). La presse sera largement associée à cet évènement. Un partenariat sera noué avec la presse pour relayer les audiences, a-t-il-informé.
La politique de réparation
Faisant partie des mesures institutionnelles à promouvoir, dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord d’Alger signé en 2015, la politique nationale de réparation est un maillon important du processus de réconciliation nationale. Les témoignages recueillis ouvriront des droits à la réparation soit individuelle soit collective selon des modalités précises à définir, dira le conférencier.
Le projet de loi de réparation
À l’issue de sa mission, la CVJR soumettra au Gouvernement un projet de loi sur la réparation des victimes des crises/conflits que le pays a connus depuis son Indépendance en 1960 à nos jours, toujours selon le conférencier. La notion de réparation va au-delà de l’indemnisation financière et comprendra aussi des mesures aptes à aider les victimes, refaire leur en vie dans la dignité, notamment des prises en charge médicale et psychologique, la réinsertion socioprofessionnelle ou bien des mesures symboliques et de satisfaction.
S’agissant du projet de loi, il dit qu’il fait partie de la politique de réparation dont l’élaboration a été entamée en avril 2018. Son élaboration nécessite une démarche inclusive et participative intégrant les principaux acteurs, mais également les bénéficiaires. Ainsi, en octobre 2018, les consultations thématiques organisées dans les antennes ont permis de recueillir les avis et suggestions de plusieurs acteurs. Chaque session a regroupé 40 participants composés de 30 représentants des victimes, 10 des services régionaux, de la société civile et de la CVJR. Les différentes consultations régionales ont touché plus de 200 personnes. Selon ses dires, les réparations collectives sont un élément indispensable d’une bonne politique de réparation, car elles peuvent avoir un effet significatif sur la réconciliation nationale, s’attaquer aux causes profondes de la violence et prévenir la répétition.
Contrairement aux réparations individuelles, les réparations collectives tendent à renforcer la solidarité communautaire, en raison d’un intérêt partagé pour des mesures qui bénéficieront à toute une communauté, évitant ainsi des tensions et conflits. Ensuite, elles peuvent avoir un effet de réconciliation important, dans la mesure où l’État reconnaît la dignité des communautés qui se sentaient abandonnées ou marginalisées dans le passé.
Le référencement des victimes
Ousmane Oumarou Sidibé nous expliquera que les crises ont affecté considérablement certaines personnes, tant au plan psychologique que physique selon les cas. Les séquelles persistent encore chez plusieurs victimes faute de soins ou de prise en charge appropriée. Aussi, le référencement consiste en la prise en charge de ces victimes en besoin urgent d’accompagnement psychologique, psychiatrique et/ou médical, un dispositif qui répond à la nécessité de soutenir ces victimes en attendant la mise en œuvre de la politique de réparation. Puis, il nous apprend qu’une convention-cadre lie la CVJR à l’ANAM (Agence nationale d’assistance médicale) et des Cabinets/Bureaux d’assistance psychologique à Bamako et dans les régions. «Ces victimes sont prises en charge dans toutes les structures sanitaires publiques du Mali, de la consultation au paiement des médicaments en passant par les analyses et les interventions chirurgicales», conclura-t-il.