Si le Président Ibrahim Boubacar KEITA a été plébiscité par les Maliens, en 2013, avec plus de 77 % des voix, et réélu en 2018 au second tour, avec 67,16 % des suffrages à la tête du pays, ce n’est nullement pas pour ses beaux yeux, mais plutôt une certaine autorité dont il avait jusque-là fait montre. Après un premier mandat qui a laissé plus d’un perplexe, il y a lieu de craindre le pire pour ce second mandat dédié pourtant au ‘’bonheur des Maliens’’. Malgré quelques tentatives de démonstration de force, le pouvoir peine à s’affirmer. Son hésitation dans la gestion de certains dossiers importants est loin de présager un avenir rassurant pour un peuple très exigeant.
Platon, ce célèbre philosophe de l’antiquité grecque disait : ‘’lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leur parole, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élevés et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne, alors c’est là en toute beauté et toute jeunesse le début de la tyrannie’’. En effet, après cinq ans de pilotage à vue, nous entamons, depuis trois mois, une nouvelle aventure de tous les risques pour le Mali. Des grèves à répétitions des corporations syndicales, des entraves à l’autorité (cas de Konsinga, les constructions illicites sur la zone aéroportuaire de Bamako et dans les lits des marigots) ; la multiplication des attaques à main armée et assassinats ciblés.
La sous-traitance
Nous nous attarderons sur deux cas. Le Président de la République semble se détourner de ce beau pays, sous-traitant tout son pouvoir à un Gouvernement qui a troqué sa crédibilité contre des compromis et des compromissions.
Et pourtant, depuis 2013, lors de son investiture, le Président de la République, Ibrahim Boubacar KEITA avait été clair : « Nul ne sera au-dessus de la loi. Elle s’appliquera de manière égale à tous. Je mettrai fin à l’impunité, aux passe-droits qui sont à l’origine du dévoiement des institutions judiciaires et étatiques ». Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. En ce temps, il y avait déjà lieu de situer les responsabilités et de sanctionner ceux dont les actes étaient à l’origine des inondations, en août 2013, qui ont fait des dégâts matériels et plusieurs morts en CI et IV du district de Bamako.
Dans sa fuite en avant, le Gouvernement, suite à un rapport du département de l’Administration territoriale de l’époque, procédera à la suspension des maires du district, Adama Sangaré, et de la CI du district de Bamako, Mme Konté, pour quelques mois. Des boucs émissaires, diront beaucoup d’observateurs. La suite est connue, les mêmes constructions ou occupations des lits des marigots, à l’origine de ce drame de 2013, en commune I comme ailleurs dans le district, se poursuivent sous le regard complice des plus hautes autorités du pays.
L’affaire Souleymanebougou est toujours là pour rappeler que les mesures annoncées par les autorités ne sont que des effets d’annonce. Dans cette affaire qui oppose l’État à des particuliers ayant construit, en toute illégalité, soit dans le lit du marigot ou sur le TF de l’État, c’est toujours le statu quo, depuis deux ans.
Selon le ministre des Domaines de l’époque, Mohamed Ali Bathily, le 13 octobre 1947, le titre foncier n° 1368, (Souleymanebougou) d’une superficie totale de 85 ha 13a 97ca, a été créé à Souleymanebougou, Commune rurale de N’Gabakoro Droit. Ce titre foncier mère a donné naissance au TF 0050 du Cercle de Kati. Le reliquat a été mis à la disposition de l’ACI par le Gouvernement, suivant un mandat en date du 12 janvier 2002. Il fait une superficie de 63ha 26a 10ca entièrement aménagée par l’ACI en exécution de son mandat.
Le 09 juin 2008, le Préfet de Kati, Monsieur Ibrahima Mamadou SYLLA, par lettre n° 88/CKTI-Dom demandait à l’ACI de lui fournir des informations « sur une parcelle longeant le marigot Farakoba ». En réponse à cette demande, il a été indiqué que « cette bande empiète sur le lotissement de l’ACI ». Cette situation a été confirmée par une nouvelle expertise. Ainsi, le site a été aménagé et des parcelles ont été créées pour être vendues.
Malgré la réponse claire qui lui a été donnée, le Préfet de Kati a procédé à la création de ses propres parcelles qu’il a cédées à plusieurs personnes. Ce fut là le point de départ d’une occupation illicite des lieux.
L’ACI s’est adjoint les services d’un huissier de justice afin de constater l’effectivité de la cession de ses terrains par le Préfet Ibrahima SYLLA. Elle a également porté plainte auprès du Commissariat du 12e arrondissement de Bamako, suivant sa lettre n° 000210 du 08 juin 2010. Avant cette procédure, la Direction régionale des Domaines et du Cadastre, a par sa lettre n° 08-0395/DRDC-Koulikoro saisi le Gouverneur de région pour lui indiquer, notamment le 27 octobre 2008 que :
•Le programme immobilier de l’ACI est bien contenu dans les limites du TF 1368 ;
•La réclamation des droits coutumiers formulée par le collectif des autochtones de Titibougou est devenue sans objet dans la mesure où la procédure d’immatriculation a été engagée et close sans opposition depuis 1947 ;
• Les espaces, objet de convoitise par diverses personnes, situées le long du marigot Farakoba, constituent en réalité la servitude prévue lors des opérations de délimitation du TF 1368.
La défiance
L’ensemble de ces précautions n’a pas empêché les bénéficiaires des parcelles illégalement attribuées de poursuivre leurs occupations des lieux.
Déjà le 13 novembre 2009, l’ACI a fait dresser, par voie d’huissier, le constat que le nommé Mohamed Moro DIAKITE a occupé et construit sur la voie publique n° 22 incluse dans le TF. Le bâtiment de Mohamed Moro DIAKITE occupe la voie publique sur 6m40cm.
Les constructions érigées sur le site de Souleymanebougou obstruent les servitudes publiques et portent atteinte au domaine fluvial qui, comme toutes les autres dépendances du domaine public, qui est inaliénable et imprescriptible, relève une enquête menée par le département.
L’occupation des servitudes et le morcellement des 4 ha de la zone ACI de Souleymanebougou ont été donc opérés en violation des lois. Dès lors, le ministre des Domaines de l’État et des Affaires foncières a entrepris, en application de la loi, de démolir les constructions illicites, tant sur le fondement de la violation des lois que sur celui de la disposition des biens d’autrui.
L’opération a été décidée en accord avec les plus hautes autorités, conformément aux dispositions de l’article 67 de la loi N° 02-016 du 03 juin 2002 fixant les règles générales de l’urbanisme qui dispose : « En cas d’extrême urgence, ou s’il s’agit de constructions édifiées sur un terrain occupé sans droit ni titre ou encore s’il s’agit de constructions en matériaux précaires, l’Administration peut procéder d’office à la démolition et à la mise en état des lieux aux frais de l’intéressé après avoir fait établir la description contradictoire des biens à détruire ».
Une autre affaire non moins importante qui compromet dangereusement l’autorité l’Etat sous le regard complice des pouvoirs publics, c’est la zone aéroportuaire de Bamako. Malgré les mises en garde et les opérations de sensibilisation menées sur le terrain, les bâtiments continuent de pousser en toute impunité sur cet autre TF de l’État mis à la disposition de l’ASECNA et de l’aéroport. La zone aéroportuaire de Bamako est devenue aujourd’hui une zone de non-droit. L’Etat qui doit agir fermement se laisse prendre au dépourvu par des plus riches qui dictent leurs lois.