Face à la problématique de l’emploi des jeunes, le Programme Emploi-Jeunes (PEJ) a été conçu par le gouvernement malien. L’Agence pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes (APEJ) fut créée pour sa mise en œuvre. Mais pendant 4 ans, la stratégie basée sur la subvention de l’Etat a montré ses limites. Les réflexions sont allées dans plusieurs sens pour finalement aboutir à la décision de l’affectation de 2% de la Contribution Forfaitaire à la charge des Employeurs (CFE).
La Taxe-Emploi Jeunes (TEJ) donc a été créée il y’a 10 ans (instituée par la loi N°08-020 du 22 Juillet 2008) pour trouver un mécanisme de financement pérenne à la promotion de l’emploi des jeunes. Depuis ce jour, les différentes générations du PEJ ont pu être exécutées sans grands encombres avec bien sûr des hauts et des bas.
Le Gouvernement actuel a fait preuve d’une grande frilosité intellectuelle en faisant le choix de la stratégie « Case Départ ». En effet, la réflexion sur le mode de financement de l’emploi n’incombe pas aux seuls services des Impôts. On conviendra que c’est celui qui souffre d’une situation est souvent le mieux placé pour faire des réflexions et aboutir à des propositions efficaces, innovantes.
En décidant de la suppression de la TEJ, Monsieur le Premier Ministre a soutenu que :
«La Suppression, en 2019, de la Taxe emploi jeunes (TEJ) et la Taxe sur la formation professionnelle (TFP) sont des mesures budgétaires qui réduiront les charges sur le salaire & favoriseront la création d’emploi & la formalisation de l’économie (impact budgétaire 8 milliards FCFA)»
La solution est donnée dans l’Annexe fiscale à la loi des Finances 2019 (Article 3 : promotion du salariat, Exposé des motifs paragraphe 2 in fine). « …En contrepartie de leur suppression, une subvention d’un montant équivalent aux recettes recouvrées au titre de la Contribution Forfaitaire à la charge des employeurs sera accordée au FAFPA et au FNEJ. ».
NB : le FNEJ est un compte d’affectation spéciale qui reçoit les ressources destinées au financement du PEJ.
Si la motivation est bien recevable, j’en conviens, je suis par contre très sceptique, voire en total désaccord avec la solution proposée.
En effet, le fort taux de pression fiscale du facteur travail avait été décrié par les partenaires et le secteur privé dans son ensemble. Pendant longtemps, les employeurs ont demandé la suppression de la Contribution Forfaitaire à leur charge (de l’ordre de 7,5%), perçue sur la masse salariale des entreprises. Motif évoqué : cette taxe qui vient s’ajouter à d’autres risque de « tuer » l’emploi salarié formel. Ce qui est réel dans la mesure où l’employeur ne paye ladite contribution que quand il engage un salarié déclaré. Dès lors, la tentation est grande, au niveau des entreprises, de chercher des solutions palliatives afin de faire baisser leurs charges. Et celles-là ne sont pas toujours en faveur de la création d’emploi salarié.
Mais pourquoi la TEJ et la TFP quand le reste de la CFE demeure ?
Pourquoi supprimer la TEJ, la seule ressource « propre » pour financer l’emploi des jeunes au cours d’un mandat présidentiel « dédié à la jeunesse » ?
Pourquoi supprimer les ressources destinées à la formation professionnelle dans un pays où un des grands défis identifiés pour le développement de tous les secteurs économiques, est la qualité des ressources humaines ?
Je vous invite à aller trouver les réponses à ces questions dans les déclarations et documents du Patronat du Mali. Elles ont beaucoup plus trait à « l’eau » qu’au « bébé ». Mais ceci n’est pas l’objet de notre propos du jour.
Je suis de ceux qui pensent que la création d’emploi est essentiellement du domaine du secteur privé. A ce titre, ce secteur a besoin d’être mis en confiance et surtout soutenu et encouragé. Je suis donc favorable à la baisse du taux de pression fiscale sur le facteur travail.
Par contre, nous sommes en désaccord quant à la nouvelle prescription, eu égard notamment à la dédicace spécifique du mandat du Chef de l’Etat. Mais mon désaccord s’explique surtout par le fait que cette solution qui n’est pas nouvelle, a déjà montré ses limites.
Enfin, ce désaccord nait du palliatif proposé qui, en soi, pose un problème pour lequel j’ai cherché vainement un attribut courtois. Je préfère donc laisser chacun apprécier et qualifier librement.
Il est proposé en lieu et place de cette taxe, une subvention comme avant 2008.
Comment peut-on imaginer avec les difficultés que connait notre pays que des ressources, surtout suffisantes, pourront être dégagées pour les différents programmes et projets en faveur de l’emploi des jeunes ? Et ceci pour combien de temps ?
Là n’est pas l’exercice le plus difficile, mais accorder « une subvention d’un montant équivalent aux recettes recouvrées au titre de la Contribution Forfaitaire à la charge des employeurs » relève simplement du miracle. En effet, le total de la CFE faisait 7,5%, 4% étant attribué à la TEJ (2%) et la TFP (2%) (qui viennent d’être supprimées), il ne peut plus y avoir de ressources « équivalentes » sur le reliquat de la même CFE (moins que 4%).
Avec un peu de volonté et d’hardiesse intellectuelle, on aurait pu éviter cette situation aléatoire, qui risque de peser lourdement sur le fonctionnement de l’APEJ et du FAFPA tant les mécanismes de financement innovants sont aujourd’hui légion. Il aurait suffi de scruter du côté des secteurs tels que l’exploitation de certaines ressources minières ou les Telecom/TIC.