La délégation conduite par le chef de l’exécutif régional a obtenu le retour dans leur village d’origine des populations qui avaient fui les exactions
Le gouverneur de la Région de Kayes, Baye Konaté, a effectué le 2 février 2019 une mission de médiation à Sakoroba (commune de Guémoukoroba, arrondissement de Séféto) et Mambiri (commune rurale de Souranzan-Tomoto, arrondissement de Djidjan). Ces deux villages, comme tant d’autres du cercle de Kita et ailleurs, qui sont affectés par des problèmes liés à l’esclavage, ont accepté de faire la paix des braves. Baye Konaté a réussi à obtenir un accord de principe avec les autorités de Sakoroba sur le retour de certaines familles qui se sont refugiées, il y a un ou deux mois de cela.
« Les habitants d’un même village ne doivent pas nourrir de haine les uns envers les autres. En tant que musulman, on ne doit pas tolérer cette pratique. Selon la Constitution du Mali, il n’y a ni « horon » (noble), ni « djon » (esclave). Tous les citoyens maliens sont égaux en droits. On ne doit pas être fier de voir ses voisins fuir et abandonner tous leurs biens pour aller se refugier ailleurs. Vous devez résoudre cette question dans le cadre de la religion », a expliqué Baye Konaté aux nombreux habitants massés dans la cour du domicile du chef de village de Sakora, Gaoussou Fofana.
Thierno Barro du Haut Conseil Islamique et du Groupement des leaders religieux musulmans de la Région de Kayes, a invité ses différents interlocuteurs à se ressaisir dans le cadre de l’humanisme. « Ceux qui ont fui partagent des liens de fraternité et de mariage avec vous. Donc, acceptez notre médiation surtout que l’islam prône la cohabitation ou le vivre ensemble. La mésentente est prohibée par la religion », a-t-il déclaré.
L’honorable Mohamed Tounkara, l’un des députés du cercle de Kita, a invité les habitants des villages impliqués dans la crise à faire preuve de retenue et a obtenu l’aval des populations de Sakora pour la désignation de leurs représentants devant accompagner la délégation régionale à Mambiri pour demander aux réfugiés de retourner au bercail. Cette délégation a même trouvé le gouverneur sur place à Mambiri en train de poursuivre sa médiation lors d’une rencontre tenue devant le CSCOM, près du site des refugiés.
Selon le maire de la commune rurale de Souranzan-Tomoto, Monciré Coulibaly, ces services avaient fait 579 fugitifs âgés de 1 mois à 80 ans, sans compter les nouveaux arrivants. Parmi ces personnes recensées, figurent 305 femmes. Les autorités ont remis 1 681 ustensiles et matériels d’assainissement, des vivres (lait, huile), du savon, des habits, des couvertures, des nattes en plastiques aux pensionnaires de ce camp de refugiés qui bénéficient de l’hospitalité des habitants de Mambiri et environnants. « Les déplacés sont bien accueillis ici. Nous avons appris tout ce qui a été fait pour vous. Mais, notre souhait était de trouver cette place vide, d’apprendre que vous aviez déjà regagné Sakoroba. Faisons en sorte que le terme esclave soit banni de notre langage. Les populations de votre contrée ont compris cela, c’est pourquoi, ils sont ici pour demander votre retour. C’est un conflit sans but », a dit le gouverneur.
L’iman Barro s’est réjoui de la bonne initiative du gouverneur en ces termes : « Nous sommes venus pour éteindre le feu. Tout le monde a compris que ce conflit est né d’une erreur, d’un problème de compréhension entre les populations ». Les émissaires, dont le maire de Guémoukoroba, Nama Magassa et Tata Fofana, leader des jeunes de Sakora, ont regretté leurs actes. « Nous avons décidé de mettre une croix sur le passé. La religion prône le pardon. Notre souhait n’est pas de vous voir dans cet état. Parmi les refugiés, figurent des personnages clés de la contrée. Certains gèrent même des caisses de nos associations », a assuré Tata Fofana.
De quoi, s’agit-il exactement ? Mamadou Coulibaly, habitant de Sakora et l’un des déplacés du camp, a soutenu que sa communauté ne veut ni la chefferie, ni la direction de la jeunesse du village. « On nous a privé de nos champs et de nos jardins. On nous a interdit de circuler dans le village pour avoir refusé l’esclavage. Nous avons été humiliés sur la place publique et encerclés dans nos chambres. Certains, notamment les femmes et les enfants, ont été battus », a-t-il relaté avec amertume.
Les fugitifs ont abandonné 36 maisons en ciment à Sakora. Des marmites endommagées étaient exposées sur le lieu de la rencontre, une manière pour eux d’attirer l’attention des autorités sur la gravité des incidents qui ont éclaté en juillet 2018. « Ce qui est arrivé ne devait pas arriver. Les ressortissants (notamment la diaspora vivant en France) écrivent des messages de division et de révolte pour semer le désordre dans le village. J’appelle à l’apaisement, à l’entente, à la réconciliation et à la concorde. Il n’est pas bon de créer des foyers de tension. J’invite les chefs de village qui ont une mission de service public, à jouer leur rôle, à rester neutre», a conclu le gouverneur.