Pour une résolution définitive de la crise sécuritaire au centre du pays, les victimes, principalement des déplacés de la région à Niamana, optent pour le désarmement total et sans condition de toutes les milices et la promotion d’une justice équitable.
Almodjo Traoré (Peul, déplacé de Bankass) :
« Pour moi, la solution est simple : les autorités du pays doivent désarmer la milice Dogon Dana Ambassagou. Ensuite, ils doivent initier une concertation intercommunautaire pour qu’on discute ensemble afin de parvenir à un accord. Que l’Etat s’assume en toute honnêteté ! Qu’il arrête de jouer avec nos vies ! Tous les problèmes du Centre résident à Bamako. Seulement, ils ne veulent pas résoudre le problème. Les autorités du pays et toutes les forces militaires étrangères au nord et au centre du Mali savent où se trouvent les jihadistes et les terroristes. Les Peuls ne sont pas des terroristes. C’est injuste ce que nous vivons. L’injustice conduit à la haine et à la colère. Que Dieu nous en préserve ! »
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Mme Barry Fatoumata Barry (déplacée de Diallassagou) :
« L’Etat doit être impartial pour une solution pérenne. Sans cette impartialité, il ne pourra jamais désarmer complètement la milice Dogon et amener la paix et la quiétude entre les deux communautés. C’est obligatoire que toutes les milices soient désarmées et qu’on se retrouve sous l’arbre à palabre pour dialoguer comme cela a toujours été le cas. Sinon, le vivre ensemble serait impossible. Sur notre site, nous ne sommes que deux mères, cinq petites filles et d’autres sont toujours dans la nature. Nos hommes ont été assassinés. Je ressens la détresse, le désespoir et l’isolement. Ils m’ont rendu la vie impossible au point que je préfère aujourd’hui la mort à la vie ».
Mlle Fanta Tall (élève de 15 ans déplacée de Bankas) :
« Nous voulons que l’Etat assume pleinement ses responsabilités. Que les hommes Peuls s’associent au gouvernement pour faire face à cette crise. Il faut mettre fin au génocide. La meilleure solution immédiate est de désarmer la milice Dogon et traiter les communautés sur le même pied d’égalité. On a fui Bankass pour venir à Niamana-Bamako afin de sauver nos vies depuis environ deux mois. La milice Dana Amassagou est l’unique responsable de cette tragédie. Mais, ils sont en complicité avec le l’Etat dans cette affaire. Des innocents sont morts. Il faut que cela s’arrête par le désarmement, le dialogue et la promotion d’une justice équitable ».
Hama Goundouba (donso dogon) :
« Je pense que l’Etat doit désarmer tout le monde. Mais, il faut que les communautés nationale et internationale sachent que les Dogons n’ont pas pris les armes pour tuer, mais pour se sauver et sécuriser leurs biens. Les terroristes ne sont pas tous Peuls, mais beaucoup le sont. Et souvent, ils sont cachés par certains villages entiers, d’où notre colère. C’est compliqué, mais un enfant qui tue, n’est plus un enfant. Sinon, les vrais Peuls, qui ont toujours vécu avec nous au pays Dogon, ne sont pas inquiétés. Et toutes les attaques qu’on nous attribue sont fausses. Ce n’est pas la milice, c’est qui ? Je ne saurais le dire, car nous ne maitrisons pas tout. Il faut la paix, mais avant il faut une garantie de sécurité pour nos populations ».
Propos recueillis par Hamissa Konaté
ABDOULAYE CISSE : « Mon père est peul, ma mère est dogon et j’en suis fier »
Les liens de mariages comme vecteur de paix et de cohésion sociale : c’est la proposition d’Abdoulaye Cissé, de père peul et de mère dogon. Il estime que les populations ont intérêt à préserver leurs liens d’unité et de fraternité afin de promouvoir la paix, l’entente et la quiétude entre les communautés.
Spécialiste en communication politique, Abdoulaye Cissé est un jeune Peul. Il est militant de la Convergence pour le développement du Mali (Codem), un parti politique présidé par Housseini A. Guindo. Selon lui, les ethnies (dogon et peule) ont toujours vécu en parfaite harmonie.
« Nous sommes les mêmes. Ne laissons pas la haine nous diviser ! Gardons notre fraternité d’antan, vivons dans la paix et retrouvons ensemble cette cohésion sociale qui régnait depuis le temps de nos aïeux ! », plaide-t-il.
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Métis, il appelle ses semblables à se liguer contre le phénomène afin de détruire les germes de la haine. « Organisons-nous ! Restons souder et laissons place au dialogue ! Ensemble, nous pouvons vaincre cette crise ».
Né le 11 juin 1985 à Bandiagara, Abdoulaye Cissé a fait ses études primaires et secondaires dans cette ville historique du Mali. Il est passé par l’école fondamentale Mamadou Tolo de Bandiagara, puis la Mission catholique et le public de la même ville.
Après le bac, il poursuit son cursus à la Faculté des lettres, langues, arts et sciences humaines (Flash) de Bamako où il sort nanti d’une maîtrise en sciences de l’éducation. Il se perfectionne ensuite en psychologie scolaire, en éducation comparée, en survie de l’enfant, etc. Obsédé par la communication, il se spécialise en stratégie de communication politique, toujours avec le soutien de ses oncles dogons.
« C’est cela notre culture. Nous sommes aidés et soutenus par nos oncles. Et moi je suis Peul, mais j’ai des parents dogons. J’en suis fier », clame-t-il.