Disparu depuis trois ans, le journaliste a-t-il approché de trop près l'influent Karim Keïta, fils du chef de l'État?
Trois ans après, l'énigme reste entière. Qu'est-il donc advenu du journaliste malien Birama Touré, porté disparu depuis janvier 2016 ? Sur un continent où la carte de presse expose son détenteur à mille périls, le sort de ce quinquagénaire pourrait n'émouvoir que proches et confrères. A ceci près que son entourage incrimine un personnage haut placé : le député Karim Keïta, président de la commission de la Défense, de la Sécurité et de la Protection civile à l'Assemblée nationale, par ailleurs fils du chef de l'Etat Ibrahim Boubacar Keïta, alias IBK, réélu à la magistrature suprême en août 2018.
Vendredi noir
Ce vendredi 29 janvier 2016, au guidon de sa moto Djakarta, Birama quitte vers 8 heures sa maison de Sébénikoro, l'un des quartiers de la commune IV de Bamako, sur la rive gauche du fleuve Niger. En fin de matinée, il cueille chez elle sa fiancée, Hawa. Le couple file aussitôt à la mairie de Bagadadji afin de fournir au service compétent l'identité des témoins de leur mariage. L'union civile est prévue le 11 février suivant, trois jours avant la cérémonie religieuse et coutumière.
Dans l'après-midi, le futur époux discute avec deux de ses cousins germains, Abdoul et Mahamadou, des préparatifs de la noce. Le soir même, aux alentours de 19h10, il quitte Bagadadji pour regagner son logement. A partir de cet instant, Birama Touré sort des écrans radars. A 23 heures, sa soeur, qui vit sous le même toit que lui, s'enquiert de savoir auprès des cousins s'il est encore à leurs côtés. Réponse : non. Quant à Hawa, elle tente elle aussi, mais en vain, de le joindre sur son portable. Le lendemain, nouveau déluge d'appels, tout aussi stérile. Le 31 janvier, Abdoul et Mahamadou font la tournée des hôpitaux et des morgues. Chou blanc, là encore. Reste, le 1er février, à alerter les gendarmes. Peine perdue : aucun des siens ne reverra Birama.
Enquête bâclée
Non que l'on perde toute trace du rédacteur. Plusieurs individus le croiseront, voire le côtoieront, dans les mois qui suivent. A commencer par ses codétenus. Car tout indique que Birama Touré a été enlevé puis incarcéré dans un -ou des- centre(s) de détention plus ou moins clandestin(s) de la Direction générale de la Sécurité d'Etat, la DGSE malienne, fleuron de l'appareil de renseignement national.