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Aïchata Cissé : « Les Maliens sont prêts à être dirigés par une femme »
Publié le mercredi 10 juillet 2013  |  Afrik.com


© aBamako.com par S.A
Élection présidentielle de juillet 2013 : investiture de Madame Haïdara Aïssata Cissé dit Chato
Samedi 15 juin 2013. Bamako. Palais de la culture. Cérémonie d`investiture de Madame Haïdara Aïssata Cissé dit Chato, candidate aux élections présidentielle de juillet 2013.


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Aïchata Haïdara Cissé est la seule femme candidate à la présidentielle au Mali. A la tête de plusieurs entreprises et organisations, elle est bien décidée à redresser la situation de son pays. Afrik.com l’a accrochée lors de sa visite à Paris, où elle a pu rencontrer la diaspora malienne. Entretien.

Ce soir, l’impatience est à son comble au niveau de son quartier général, situé à Montreuil. Une trentaine de personnes attendent déjà, depuis des heures, la candidate malienne, conviée à plusieurs émissions de radio et télévision. Ici on parle tantôt en bambara, tantôt en français. On sirote du jus d’orange, grignote des cacahuètes pour faire passer le temps. L’attente prend finalement fin lorsqu’elle fait irruption dans la salle. Vêtue d’un ensemble en wax élégant aux motifs orange, elle avance d’un pas très lent dans la pièce. Un monsieur, vêtu d’un boubou vert, fait soudain irruption à l’entrée, chantant en bambara pour l’accueillir. Tout le monde se lève. Une griotte portant une tenue traditionnelle en blanc, s’avance vers elle et entonne un chant puissant, rappelant la lignée généalogique de la candidate que tous tentent de saluer.

Candidate indépendante aux élections du Mali, Aïchata Haïdara Cissé n’a pas froid aux yeux. Elle a reçu plusieurs menaces d’extrémistes qui ne veulent pas voir une femme à la tête du Mali. Ces derniers ne l’ont pas découragée pour autant. Cette mère de trois enfants, originaire du nord-Mali, député à l’Assemblée nationale, tout comme son mari, est fière d’être la seule candidate femme à la présidentielle au Mali. « Je suis celle qui a rassemblé le plus de monde à son investiture. Aucun candidat n’a rassemblé autant de monde que moi », se targue-t-elle. Celle dont les gestes sont toujours gracieux sait aussi taper du poing sur la table quand elle n’est pas d’accord. « Quand je ne suis pas contente, je le dis et me bats pour changer les choses. J’ai toujours été comme ça en politique. Je défends toujours mes idées ». Déjà à l’époque, lorsqu’elle était responsable comptable à Air Afrique, elle avait organisé une marche à Paris pour protester contre la fermeture forcée de la compagnie, incitant les dirigeants africains à ne pas se laisser faire face au diktat extérieur.

La cinquantenaire, qui parait 20 ans de moins, a toujours su ce qu’elle voulait faire de sa vie. Dès l’âge de 26 ans, elle a créé sa première société, Aïcha boutique (salon de coiffure, prêt-à-porter, commerce général, import-export,...). Elle est aujourd’hui à la tête de nombreuses entreprises et organisations. En 2005, elle a créé son agence de voyage, Wani transit, qui a d’ailleurs un bureau à Paris. Elle est aussi présidente du groupe d’amitié Gabon-RDC-Guinée équatoriale-Sao Tomé-Congo. Elle est également présidente du réseau Femme-Développement et Protection de l’Enfance au Mali. La candidate malienne a toujours voulu acquérir son indépendance. La preuve, lorsque son père l’a mise en filière professionnelle pour qu’elle écourte ses études et se marie au plus vite, alors qu’elle était une élève brillante, elle s’est malgré tout battue pour accéder à l’enseignement supérieur. Elle a aujourd’hui plusieurs diplômes à son actif : comptabilité, commerce et marketing, tourisme, communication, relations publiques.

Afrik.com : Quels sont vos ambitions pour le Mali ?
Aïchata Haïdara Cissé : La priorité pour moi, c’est d’abord de rétablir la paix, la sécurité et la défense du Mali. Et après cela, il faudra mettre en place des politiques de développement. Pour moi, ces trois priorités vont ensemble, car j’estime que le développement est indispensable pour la paix dans un pays. Les gens ont souvent tendance à penser qu’il n’y a que le nord du Mali qui n’est pas développé. Ce qui n’est pas du tout le cas. Si vous allez dans des régions comme Ségou où Kayes, vous vous rendrez compte qu’elles rencontrent les mêmes problèmes que le nord du pays. Donc, quand on parle de développement, on doit parler d’un développement inclusif qui sera soumis à l’ensemble du territoire. De même, on doit parler d’un dialogue inclusif qui doit rassembler toutes les populations du Mali. Je précise d’ailleurs qu’il n’y a pas de problèmes entre les populations du nord et du sud. C’est juste quelques bandits qui ont fait des amalgames et pris à crédit le Mali.

Afrik.com : L’économie du Mali est très mal en point depuis que la crise a éclaté. Comment comptez-vous la redresser ?
Aichata Haidara Cissé : Je ne dirais pas que l’économie du pays est très mal en point. Malgré la crise, les gens ont tenu bon. Le Mali dispose de nombreuses ressources, dont l’or et le coton. Il faudrait mieux exploiter ces filières et surtout améliorer la production grâce à de gros investissements. L’aide extérieure me semble indispensable pour redresser le pays. Bien évidemment, il n’est pas question que le Mali ait les pieds et mains liés en échange de l’aide l’extérieur. Je mènerai une politique internationale sur le plan politique et économique, mais je privilégierai toujours les priorités et intérêts du Mali.

Afrik.com : Vous avez déjà reçu des menaces de mort de certains extrémistes qui refusent qu’une femme soit à la tête du pays. Les Maliens sont-ils prêts à être dirigés par une femme ?
Aïchata Haïdara Cissé : Oui les Maliens sont prêts à être dirigés par une femme. Je suis une candidate qui a été portée par la jeunesse et les femmes qui m’ont beaucoup encouragé à me présenter. J’ai été agréablement surprise d’ailleurs, lors de ma campagne, du soutien que les gens m’ont accordé. Il y avait aussi beaucoup d’hommes. Lors de mon investiture, j’ai été celle qui a rassemblé le plus de monde. J’ai pu rassembler 15 000 personnes lors d’un meeting alors que la place où nous étions avait une capacité d’accueil de 3 000 personnes Au sein de ma plateforme, il y a l’association des femmes du monde, l’association des jeunes musulmans et beaucoup d’autres organisations qui me soutiennent. Je sais que je peux remporter les élections, car j’ai le courage politique pour diriger le Mali. Il faut avoir les épaules larges pour diriger le Mali d’aujourd’hui, surtout qu’il est dans une situation très complexe. Et je les ai. J’ai la capacité de redresser ce pays.

Afrik.com : Au Mali, il reste encore des efforts à faire s’agissant de l’égalité homme/femme . Qu’avez-vous prévu pour améliorer la situation des femmes ?
Aïchata Haïdara Cissé : Je suis pour la promotion de la femme. Et je mettrai en place la parité dans mon gouvernement. S’il y a 30 ministres, il y aura 15 hommes et 15 femmes. Je ne vois pas pourquoi il y aurait plus de ministres hommes que de femmes. Mais je ne prendrai pas de femmes pour prendre des femmes. Elles seront admises au sein du gouvernement en fonction de leurs compétences. A diplômes égales, compétences égales. Je mettrai aussi particulièrement l’accent sur la scolarisation des petites filles qui doivent se former pour assurer leur avenir. Je vais aussi privilégier la nomination des jeunes au sein du gouvernement pour créer la rupture avec l’ancien régime. On ne va pas nommer quelqu’un qui est proche de la retraite. Je pense qu’il faut mettre en place une véritable démocratie au Mali. Sous le régime d’Amadou Toumani Touré, tous les partis ont mis de côté le débat politique pour se rallier au président de la République qui a toujours dit qu’il n’aurait pas de parti, assurant être indépendant. Il n’y a donc jamais eu de véritable opposition, car tous les opposants préféraient se rallier au Président plutôt que d’assumer leurs désaccords avec lui. C’est ce qui a tué la démocratie au Mali.

Afrik.com : L’armée est divisée. Comment comptez-vous la remettre sur pied pour qu’elle puisse défendre le territoire ?
Aïchata Haïdara Cissé : Désormais, les bérets verts et bérets rouge combattent ensemble, discutent ensemble, prennent le thé ensemble. Je pense que tout le monde joue à l’apaisement. Pour restructurer l’armée, il faudrait qu’elle soit d’abord bien formée. On s’appuiera sur la minusma, l’union européenne qui est déjà en train de faire un travail sur le terrain.

Afrik.com : Le statut du capitaine Sanogo, auteur du coup d’Etat, qui perçoit une coquette somme pour apporter sa contribution à la restructuration de l’armée a fait polémique. Quel rôle jouera-t-il si vous êtes élue ?
Aïchata Haïdara Cissé : Autant il y a quelques mois on entendait parler de lui chaque jour, autant depuis quelques temps, je n’entends plus parler de Sanogo. Je n’ai pas l’impression qu’il tente de revenir au pouvoir où qu’il tire les ficelles en douce comme l’affirment certaines rumeurs. (Elle est agacée). Je n’aime pas les rumeurs, je ne vais pas rentrer dans ce que je ne vois pas ou ne connais pas. Moi je parle de ce que je connais, c’est tout !

Afrik.com : Le Mali est profondément divisé. Comment allez-vous rétablir le tissu social qui s’est dégradé depuis la crise qui a frappé le pays ?
Aïchata Haïdara Cissé : Oui effectivement le tissu social s’est profondément dégradé. Il faut mettre en place un dialogue entre tous les Maliens. C’est l’une de mes grandes priorités et je mettrai toute mon énergie pour faire en sorte que les Maliens ne fassent qu’un.

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