Les principaux dirigeants musulmans du Mali ont appelé dimanche à la démission du Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga lors d’un rassemblement de masse, accusant son gouvernement de ne pas pouvoir mettre fin aux attaques djihadistes et permettant une « dépravation morale ».
Selon un reporter de l’AFP, de nombreuses femmes voilées se sont assises dans des tribunes séparées des hommes présents dans un stade de 60 000 places à Bamako.
« Les musulmans ne doivent pas laisser les choses se gâter. Désormais, ils seront vigilants et mobilisés pour leur pays, leur religion et leur dignité », a déclaré à l’Imam Mahmoud Dicko, influent imam, qui préside le Haut Conseil islamique (CSI).
« C’est un rassemblement pour défier le gouvernement et une prière en masse pour mon pays », a déclaré à l’AFP, l’imam influent Mahmoud Dicko
« Le Mali a besoin d’une refonte complète », a déclaré le dirigeant ultraconservateur qui a organisé l’événement de dimanche avec Bouye Haidara, un autre grand musulman.
Au cours de la dernière décennie, Dicko est devenu l’une des personnalités publiques les plus en vue du Mali, jouant un rôle clé dans les négociations entre le gouvernement et les extrémistes islamistes.
Il est également un partisan du wahhabisme qu’il a étudié de manière approfondie en Arabie saoudite, le berceau de cette stricte doctrine sunnite.
« Nous devons lutter contre la corruption … Nous devons lutter contre la dépravation morale. Nous sommes les gardiens de la moralité », a ajouté Issa Coulibaly, porte-parole de Dicko, intervenant en marge du rassemblement.
En 2015, Dicko a suscité la controverse en qualifiant les attaques djihadistes de « punition divine » pour le Mali, qui a adopté des traditions occidentales plus libérales.
« Notre guide, notre chef, est Mahmoud Dicko », a déclaré le chauffeur de minibus Moussa Dicko (aucun lien de parenté), ajoutant qu’il avait pris une journée de congé pour se rendre au stade.
L’année dernière, le Premier ministre Maïga a suscité l’indignation en soutenant un plan visant à introduire des manuels scolaires d’éducation sexuelle qui font la promotion d’une vision plus tolérante de l’homosexualité.
L’homosexualité n’est pas illégale mais reste taboue dans le pays à majorité musulmane. Selon les groupes de la société civile, les membres de la communauté homosexuelle sont souvent victimes de discrimination et même de châtiments corporels.
Dicko et ses partisans avaient critiqué la proposition, financée par les Pays-Bas, de « vouloir enseigner l’homosexualité à des écoliers ».
Le gouvernement a fini par céder à la pression et a abandonné le projet en décembre.
« Notre pays est confronté à un problème de gouvernance. Ce rassemblement veut attirer l’attention sur ce problème. Les gens doivent se parler », a déclaré Dicko à l’AFP.
Le profil politique de l’imam a été renforcé lorsqu’il est devenu un médiateur essentiel entre le gouvernement et les militants qui ont pris le contrôle de vastes étendues du nord du pays en 2012.
En dépit de l’intervention militaire française et d’un accord de paix conclu en 2015, les attaques djihadistes se sont poursuivies et de vastes étendues de la nation sahélienne enclavée restent hors du contrôle de l’État, la violence se propageant également au Burkina Faso et au Nigéria voisins.
Dicko, 64 ans, a réclamé à plusieurs reprises le dialogue pour aider à résoudre la crise sécuritaire qui sévit au Mali.
Dans son discours de dimanche, il a dénoncé les « attaques terroristes », affirmant que le djihadisme « n’a pas sa place au Mali ».