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Limogeage du PM: IBK dit non
Publié le mercredi 13 fevrier 2019  |  Info Matin
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© Autre presse par DR
Conseil des ministres
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Grande prière collective pour la paix et la cohésion nationale ou démonstration de force pour impressionner le régime ? Le meeting de ce dimanche 10 février restera dans l’histoire du Mali démocratique comme le point de basculement qui aura vu le religieux entrer avec fracas dans l’arène politique, en présence et avec la complicité hélas de démocrates dont des acteurs de la Révolution de Mars.

Objectif de cet inceste politique : contraindre le Président IBK à se défaire de son Premier ministre, Soumeylou Boubèye MAIGA. Raison : parce qu’il empêche les uns à prêcher aux frais de la Princesse, et les autres à être servis à la table du Prince. L’histoire des millions, question d’intérêt personnel à mille lieues des attentes des populations et de la communauté maliennes.

Parmi le chapelet de griefs égrenés contre le Président IBK et son régime de manière redondante, les principaux animateurs du meeting tenu à l’appel de l’Imam Cheick Mahmoud DICKO, et en présence des principaux leaders de l’Opposition radicale : la perversion des mœurs (en référence à la fameuse affaire des manuels scolaires qui provoque le courroux de la Communauté musulmane parce qu’il suggère la tolérance envers l’homosexualité) et l’insécurité grandissante au Centre du pays. Bouc émissaire désigné : Soumeylou Boubèye MAIGA.

L’étrange exigence

Pour l’Imam Mahmoud DICKO, le constat ne souffre l’ombre d’aucun doute : « ceux à qui nous avons fait confiance pour nous diriger qui nous ont trahis. C’est ça, la réalité, c’est la vérité crue qu’on est obligé de dire. Il faut arrêter ce cirque au centre du pays…

Comment comprendre que des voisins s’entretuent que des autorités disent qu’ils ne sont pas au courant de ça ? C’est ça l’insulte pour le peuple. Cela veut dire qu’ils ne sont responsables de rien. On ne doit pas tenir de tels propos devant le peuple qui t’a élu.

Des citoyens vous mettent à la tête du pays et que face à des erreurs de gouvernance énormes, vous vous contentez de nous dire que vous ne vous reprochez rien».

Pour Cheick Mahmoud DICKO, comme pour son mentor, Cheick Bouyé HAIDARA, la solution s’impose d’évidence : si le Président veut sauver son régime, il doit se séparer de Boubèye. Personnalisant outrancièrement la question, le représentant du Chérif de Nioro, au nom de son maitre, est catégorique sur l’exigence : «je n’étais pas avec IBK pendant la campagne, je ne suis pas avec lui aujourd’hui et je ne serai pas avec lui demain». Clarifiant devant les 60.000 fidèles qui ont fait le déplacement, le représentant de Bouyé tranche de manière martiale : IBK a le choix entre rester au pouvoir et faire partir son Premier ministre. «IBK doit sauver son pouvoir et son pays. Mais, le chef du Gouvernement, Soumeylou Boubèye MAIGA doit partir. Si Boubèye reste tout peut se passer».

Reprenant à son compte et relayant cette curieuse exigence religieuse, Cheick Mahmoud DICKO invitera le Président IBK « à écouter attentivement les conseils du Chérif (Ndlr : à démettre le Premier ministre) », avant de menacer : «si le message n’est pas écouté, il y aura des actes».

La sérénité

En politique aguerri à l’adversité durant 40 ans, Boubèye se veut serein : « (…) franchement, on n’est pas plus impressionné que ça. Comme je l’ai dit souvent, nous avons affaire à des acteurs hybrides qui poursuivent le même objectif politique, sous différentes facettes. Mais, c’est le même objectif politique. Donc nous nous devons de rester extrêmement vigilants par rapport à cela, et nous convaincre que si nos adversaires étaient aussi forts, nous ne saurions pas ici. Tous ceux qui s’agitent là sont des gens qui ont voté et fait voté contre nous. Qui agissent et continuent d’agir contre nous. Et qui pensent trouver des (inepties) sur des passages pour continuer de nous affaiblir. Bon, nous continuerons de faire face. Nous restons mobilisés, vigilants et déminés à faire face à tout ce qui peut éventuellement nous empêcher d’avancer ».

Quid du Président IBK, dont chacun connaît le respect qu’il voue aux leaders religieux ? Va-t-il lâcher SBM au profit de ceux-là mêmes qui ont échoué hier à la déloger de Koulouba ? Entre le faible et le respect qu’il a toujours eu pour le Chérif de Nioro qui reste pour lui encore son « premier père » comme il l’a dit lors sa tournée à Kayes en juillet dernier (« mon premier père est Cheick Mohamed Ould Bouyé HAIDARA, chérif de Nioro du Sahel. Il est mon père hier, il est mon père aujourd’hui et il restera mon père demain. Je l’ai aimé du fond de mon cœur, par amour et rien n’entamera ça ») et la cohérence politique dans le contexte des enjeux épineux du Mali d’aujourd’hui, il faut compter sur la rigueur de l’homme d’Etat IBK.

Républicain et démocrate, on voit le Président IBK difficilement confondre politesse et servilité, respect dû aux légitimités religieuses et oukases politico-religieuses. Pour qui connaît un tant soit peu le Président IBK, tout indique qu’il ne va pas s’inscrire dans la démarche de son ex-ami et allié, Mahmoud DICKO, entré dans le maquis politique depuis la dissolution de Comité de bons offices par Boubèye, et opposer une fin de non-recevoir à cette demande.

Les pièges pour IBK

En effet, en limogeant son Premier ministre sous la pression de la foule des fidèles instrumentalisés par Mahmoud DICKO :

-le président IBK apparaitra comme un homme d’Etat qui réagit au gré des situations et agit sous la dictée d’une faction. Or, l’homme est connu pour être réfractaire à toute pression ;

-le locataire de Koulouba créditera la thèse que c’est bien Mahmoud DICKO et le Chérif de Nioro qui l’ont mis au pouvoir et non les Maliens et donc pour sauver son pouvoir, il est prêt à sacrifier tout et tout le monde pour rester dans leurs bonnes grâces en dépit leur mot d’ordre de vote à la dernière présidentielle ;

-le Chef de l’Etat, contraint dans ces conditions, à procéder à un changement d’attelage gouvernemental, prendra le risque d’une crise politique ouverte au sein de sa Majorité. Toutes choses qui pourraient davantage impacter la mise en œuvre des réformes institutionnelles dont il a d’ailleurs confiée la conduite à son Premier ministre.

En actant son souci pour l’apaisement social et la stabilité politique, on peut aisément deviner la réponse du Président IBK à Mahmoud DICKO et au Chérif de Nioro. C’est logiquement un NON poli, mais ferme.

En effet, comme s’il avait anticipé sur leur démarche, lors de l’Interview qu’il a accordée la semaine dernière à la DW, en marge de sa visite en Allemagne, le Président IBK a réitéré sans aucune équivoque sa totale confiance au chef du Gouvernement. Il a déclaré notamment : «J’ai les meilleures relations avec mon Premier ministre. Je ne gère pas le problème partisan…. Il fait son travail et il le fait correctement, alors qu’il a été confronté à des défis énormes qu’il a su gérer de façon remarquable, notamment l’élection présidentielle ».

Sous ces auspices, on voit difficilement le Président IBK céder au chantage de chefs religieux dont l’agenda ne souffre d’aucune espèce d’ambiguïté.

Sauf que la politique est et reste l’art de l’imprévisibilité.

Affaire à suivre

PAR BERTIN DAKOUO

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