Les Italiens Matteo Savini et Luigi di Maio accusent Paris d’appauvrir le continent africain avec le franc CFA et d’être responsable de la crise migratoire. En instrumentalisant les relations franco-africaines complexes, le mouvement 5 étoiles tente d’affaiblir le président français en vue des prochaines élections européennes.
Il y a quelques jours de cela, les vice-présidents du conseil italien Matteo Salvini et Luigi di Maio ont lancé de sévères attaques contre la France et Emmanuel Macron. Les représentants de l’Etat italien accusent notamment Paris d’appauvrir le continent africain avec le franc CFA qui n’a pour objectif selon eux que de poursuivre une entreprise colonisatrice et ainsi aggraver la crise migratoire. Le Quai d’Orsay a jugé les propos « inacceptables » et l’ambassadrice Teresa Castaldo fut immédiatement convoquée. Le gouvernement italien serait-il soudain frappé d’une folle et soudaine africanophilie ?
L’ONG Urgence Panafricaniste dirigée par Kémi Séba admet avoir conclu une alliance avec le mouvement italien 5 étoiles afin de porter devant le parlement européen leurs revendications anti-Franc CFA, en regrettant toutefois que cette parole ne soit pas suffisamment soutenue par les dirigeants africains. Dans cet affrontement qui oppose les partis pro-européens et les partis proches de l’extrême-droite, tous les coups sont permis, tous les arguments sont bons pour insulter le voisin. En instrumentalisant la revendication panafricaine sur le franc CFA, la manœuvre politicienne des populistes italiens consiste à affaiblir Emmanuel Macron en vue des prochaines élections européennes. L’ex président français Jacques Chirac déclarait un jour que « La France repose sur les recettes venant d’Afrique, pour ne pas sombrer dans l’insignifiance économique ».
L’Italie reprend la diatribe contre le franc CFA, une monnaie surévaluée, facilitant l’importation et qui n’avantage pas l’industrialisation des 14 pays africains assujettis. Les défenseurs du Franc CFA expliquent qu’il permet de maintenir une stabilité en rapport avec la Banque centrale européenne qui exige des règles budgétaires strictes et un taux d’inflation inférieur à 3 %. Cette dépossession économique donne un pouvoir infondé au gouvernement français qui peut arrêter toute transaction financière avec l’extérieur de chaque pays subordonné. La souveraineté perdue des nations africaines peut nourrir quelques rancœurs envers la France. L’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou a pris la plume pour justifier son refus de participer au projet sur la francophonie. Pour l’auteur du roman Les Cigognes sont immortelles, « la francophonie est la continuation de la politique étrangère de la France, telle qu’elle était du temps des colonies ».
Ainsi pour certains, la langue et la monnaie de l’ancien colonisateur tissent encore les mêmes liens indéfectibles 50 ans après les indépendances des pays africains. L’avantage politique que peuvent tirer les italiens Matteo Salvini et Luigi di Maio est de déposer sur le dos d’Emmanuel Macron, le fardeau des marées humaines qui débarquent sur les plages de Lampedusa et que les douaniers français refoulent à Vintimille. Les deux italiens campent sur leurs positions identitaires, gagnent en popularité sur la vie des populations qui fuient l’Afrique, rêvent d’Europe, partent en mer mais ne savent pas nager. Le président français, face aux attaques ab hominem, de son côté, renforce ses troupes progressantes et progressistes pour les échéances électorales de mai prochain.
Michel Bampély Sociologue des mondes de l’art et de la culture à l’EHESS