Pourquoi la REFSYMA alors que nos concitoyens ont tendance à vous confondre au SAM ?
La REFSYMA, issue de la partition du SAM, a vu jour le 17 décembre et elle enregistre déjà de nombreux adhérents. Cette partition s’imposait comme un facteur de stabilité au sein du corps du fait d’un antagonisme exacerbé et injustifié entre une tendance très agitée hostile à l’UIM et une autre plus responsable et active favorable à ladite organisation et à ses principes.
La liberté syndicale étant consacrée par notre constitution, il ne servait à rien de s’entre déchirer pour une cause qui n’en valait pas la peine. Vous n’êtes pas sans savoir que plus des 2/3 des militants du SAM avaient cessé de s’y reconnaître, souhaitaient voir une autre structure capable de rehausser l’image du corps gravement entamée par le comportement de certains collègues pour qui l’indépendance du magistrat était sans limite ; toutes choses contraires au sens même de ce principe, de même qu’à la vision de l’Union Internationale des Magistrats dont notre pays est membre.
Le mouvement illicite de cent jours et les dérives qui ont terni l’image même du corps, ont été unanimement condamnés par toutes les associations membres de l’UIM. Le dernier congrès (s’il en est un) organisé le 29 décembre 2017, en violation des statuts et le règlement intérieur n’a enregistré qu’une petite poignée de magistrats, les invités étant d’ailleurs plus nombreux que les participants.
Le SAM, se résumant à une coquille vide depuis 2017, la REFSYMA n’est donc pas un syndicat de trop. Rendue nécessaire par les circonstances, sa création, considérée comme relevant d’un sens de responsabilité, a été vivement saluée tant au plan national qu’international.
Contribuer au renforcement de la démocratie ; assurer la défense de l’indépendance judiciaire sans la détourner de son sens ; assurer la défense des intérêts matériels et moraux des magistrats dans le respect des lois de la République sans porter délibérément atteinte aux droits des citoyens ou à la marche des institutions de la République, sont entre autres des objectifs de la REFSYMA, membre de l’Union Internationale des Magistrats.
Des informations sur les réseaux sociaux, en provenance de Sahelien.com, une structure crédible de communication, font état de la mort de votre collègue Soungalo Koné. Quelles sont vos réactions en tant que président de la REFSYMA, chargée de la défense des magistrats ?
Ces informations auxquelles nous ne sommes pas restés indifférents de même que le ministre de justice et son cabinet, restent à vérifier. Des informations similaires ont circulé et qui ont été démenties par la suite.
Dans la gestion de ce dossier, la sincérité et la bonne foi du gouvernement sont manifestes, quant à ses efforts, ils ont été reconnus à tous les niveaux. Pas plus qu’hier, sur implication de la REFSYMA, le ministre de la justice lui-même était en contact direct avec le frère de Soungalo Koné qui est d’ailleurs un avocat.
Tout en gardant toujours espoir, conformément aux conseils de l’Union Internationale des Magistrats, la REFSYMA et ses militants restent derrière les plus hautes autorités pour l’aboutissement des investigations en cours, tant pour la libération de notre collègue, que pour mieux édifier sur les dernières informations véhiculées par les réseaux sociaux.
Que pensez-vous de ce communiqué accompagné de votre photo, de ces syndicats invitant les magistrats à la désertion des juridictions suite à cette information véhiculée par les réseaux sociaux ?
Ce communiqué est un non évènement pour la REFSYMA et ses militants qui n’en sont nullement concernés. Nous entendons privilégier le dialogue et la concertation avec le gouvernement par rapport à la sécurisation des juridictions et des acteurs de la justice.
Le magistrat, c’est la soumission à la loi, le discernement et le sens de responsabilité. Je n’ai nulle part vu une disposition de la loi malienne, prévoyant le droit du magistrat à la désertion. Pour se faire entendre, la REFSYMA n’a pas besoin de créer des problèmes en voulant en régler. Cela pourrait être une différence fondamentale entre ce syndicat de référence et d’autres regroupements de magistrats.
En tant que responsable syndical, quelles sont vos réactions face à la jeunesse malienne hostile à la prolongation de l’âge de la retraite ?
Je dirai qu’on a sous la pression précipitamment évacué une question capitale, en créant des problèmes plus complexes que sont les conflits de générations avec les conséquences qui ne sont pas sans conséquence sur l’équilibre social.
Prolonger l’âge de la retraite sans envisager une revalorisation des pensions, n’apporte aucune solution à l’angoisse de la retraite qui reste entière. Si la retraite est angoissante et n’est plus perçue comme une joie, c’est parce que justement les pensions placent leurs titulaires dans la précarité. De ce point de vue, prolonger l’âge de la retraite, sans envisager une revalorisation des pensions, n’apporte aucune solution à l’angoisse de la retraite qui reste entière. Quel que soit le temps passé au service, la retraite est incontournable.
Les arguments avancés par les jeunes qui ne sont autres que nos enfants, sont pertinents et je les trouve cohérents. Je me sens désarmé à les entendre dire qu’on ne peut pas faire son temps et celui de son enfant.
Nos parents sont allés dignement à la retraite et sans regret, selon la catégorie à 53, 56 et 59 ans. Longtemps après avoir quitté la fonction publique, ils sont restés productifs et utiles à la société, parfois en occupant d’autres postes de responsabilité élevée.
Si la précarité de la pension est une angoisse pour le fonctionnaire, il faut aussi reconnaître que les problèmes liés à l’emploi constituent un réel cauchemar pour la jeunesse qui souhaite aussi donner tout ce qu’elle a de meilleur. Prolonger l’âge de la retraite, sans envisager une politique cohérente d’emploi des jeunes, n’est pas régler le problème.
Les tenants de la prolongation de l’âge de la retraite justifient le fondement de cette revendication par une comparaison entre les magistrats et corps des préfets d’une part et les autres agents de l’Etat de la même catégorie d’autre part. Qu’en pensez-vous ?
Encore une fois, comparaison n’est pas raison. Les magistrats et les préfets ne sont pas en dehors de cette mesure de prolongation de l’âge de la retraite, et la mesure leur est ipso facto applicable sans aucune autre forme ce, en raison des statuts autonomes dont ces grands corps disposent.
Sachant bien que le corps de la magistrature est de plus en plus pris comme baromètre au soutien des revendications catégorielles, je préfère me passer de toute comparaison au plan interne. Cela pour éviter des polémiques inutiles et sans intérêt.
Il est toutefois intéressant de rappeler que la maîtrise et le doctorat reconnus par le CAMES ne sont pas suffisants pour exercer directement les fonctions de magistrat. Ils ne sont que des conditions d’aptitude au concours de la magistrature. L’admission à ce concours donne droit à deux ans de formation à l’INFJ, sanctionnée par un diplôme en cas de succès à l’examen final.
Échappant à toute emprise du CAMES, les diplômes des écoles ou instituts de formation des magistrats sont des diplômes de très haut niveau universellement reconnus comme tels. Il en est de même pour les formations spécialisées ultérieures qui peuvent aussi s’étendre sur de longues périodes.
Tout ce qui concerne le magistrat et la magistrature se fonde sur des principes universels clairement définis par les instruments internationaux qui engagent tout Etat démocratique, dont naturellement le Mali. Des obligations incombant aux Etats sont déjà fixées dans le cadre des Nations Unies ce, en tenant compte de la spécificité des fonctions de juges ou de magistrats.
Concernant l’âge de la retraite du magistrat, le minimum est de 65 ans à l’échelle universelle. C’est ce que le Mali a intégré sans difficulté dans ses textes juridiques internes sous le président Alpha Oumar Konaré en satisfaction d’un engagement international. Concernant les préfets, leur âge minimum de la retraite est également de 65 ans, comme l’on pourrait le constater à travers la sous-région et ailleurs de par le monde.
Quelle est votre position au sujet de la révision constitutionnelle ?
Le Mali de 1992 n’est plus le Mali de 2019. Nous devons avancer et suivre le rythme de l’évolution. Il ne sert à rien de rester réfractaires au changement dès lorsque cela est positif et se pose comme une nécessité incontournable.
Ma position reste la même sur la question : la REFSYMA est favorable à la révision constitutionnelle qui est unanimement perçue comme une exigence qui s’impose à tous, au vu des évolutions et des engagements internationaux pris par le Mali.
Il est grand temps que ce projet en cours depuis près de deux décennies puisse connaître un aboutissement heureux au-delà de toutes considérations ou mesquineries politiciennes. La composition de la commission, devant conduire les travaux, nous rassure. Cela a d’ailleurs été reconnu tour à tour par le président de la Cour Suprême et Madame le Président de la Cour Constitutionnelle qui sont des voix très fiables.
Nous avons tous les atouts pour réussir cette révision, entre autres : le président de la commission, éminent professeur de droit public, est parfaitement dans son rôle et sur terrain connu. Nous saluons déjà en son sein la présence d’une des nôtres en la personne de l’ancienne présidente de la Cour suprême, une forte personnalité connue pour sa grande expertise et sa grande capacité d’écoute et d’analyse.
Et de la politisation de l’islam à laquelle l’on assiste de nos jours de la part de quelques leaders religieux surtout à l’occasion du rassemblement organisé par le HCI le 10 février ?
L’islam est une belle religion avec ses règles qui sont clairement définies. Les leaders religieux ont surtout besoin du soutien et de la confiance des fidèles, plutôt que de l’accompagnement des politiciens qui ne peuvent leur apporter que des tracas.
J’ai pu relever que quelques hommes politiques ont été hissés au rang de nos leaders religieux du fait des places spéciales à eux réservées, comme s’ils étaient les superviseurs de cet évènement à caractère strictement religieux, dédié à la prière et à la méditation pour la paix dans le pays. Cela a été de mon point de vue une erreur à ne plus commettre.
Ce ne sont pas les hommes politiques qui doivent nous guider en matière de religion, mais plutôt les leaders religieux qui n’ont pas le droit de se laisser divertir. En tant que fidèles, les hommes politiques, sans autres responsabilités publiques, ne sont pas différents des autres fidèles, et ils devraient être traités comme tels lors des rassemblements à caractère purement religieux.
Ces remarques me conduisent à dire qu’un leader religieux doit être prudent dans ses propos, démarches et façon de faire pour éviter qu’on lui prête des intentions qui ne sont pas forcément les siennes.
Les moindres mots ou les simples gestes d’un leader religieux, dans le contexte que nous connaissons, pourraient être surexploités et interprétés à dessein dans tous les sens, par des politiciens à la recherche de caution ou de soutien. Bien évidemment, les leaders religieux ont le devoir de se faire entendre sur toutes les questions intéressant la vie de la nation et de s’impliquer dans la recherche de solutions aux problèmes, comme ils l’ont jusqu’ici fait, et cela de façon appréciable.
Vos derniers mots pour la sortie de crise ?
Certains sont prêts à tout entreprendre pour plonger ce pays dans une crise. Cela ne marchera pas, le bon Dieu veillera toujours sur le Mali. Notre démocratie se trouve grippée du fait des considérations partisanes et purement politiciennes. La recherche d’intérêts personnels des acteurs de la classe politique a pris le pas sur les intérêts de la société. Je ne vois d’actions concrètes ou sincères de leur part dans le sens de l’intérêt général du Mali.
En tant que membre de la société civile, je voudrais inviter tous les acteurs de ce secteur à la vigilance et être plus actifs sur le terrain. Donner l’impression aux hommes politiques qu’ils sont les seuls ayant voix au Mali, est une tendance que nous devons rapidement renverser, puisqu’une faute inacceptable dans un régime de démocratie.