À la veille du 19ème Forum de Bamako (qui se tiendra du 20 au 23 février), son fondateur, Abdoullah Coulibaly, vient d’annoncer -lors d’une conférence de presse mardi au siège de l’OIF à Paris- un partenariat avec le Cercle des Economistes français de Jean-Hervé Lorenzi et le groupe marocain Policy Center for the New South. Objectif : booster les politiques de développement du Mali et du continent africain.
Quelle sera la particularité de la 19ème édition du Forum de Bamako ?
La grande nouveauté de cette 19ème édition du Forum de Bamako sera la participation de deux partenaires majeurs dont l’expertise va nourrir les réflexions. Le Cercle des Economistes français -reconnu pour son expertise avisée et présidé par mon ami Jean-Hervé Lorenzi- va contribuer à hisser le niveau des échanges. Sa proximité avec le patronat français, et donc avec les patrons du CAC 40, est une formidable opportunité. N’est-ce pas que l’objectif du Forum de Bamako d’attirer les investisseurs potentiels au Mali ? Le Forum de Bamako a aussi pour vocation de créer des perspectives nouvelles dans nos pays. Je rappelle que le thème retenu cette année est l’immigration, un sujet de société préoccupant qui soulève plusieurs problématiques. C’est un thème d’une parfaite actualité.
Croyez-moi, on est mieux chez soi, et c’est justement parce que l’immigration pose de sérieux problèmes que nous en parlons. Avec le Cercle des Economistes, nous pensons que nous pouvons mener la réflexion, dans une dynamique gagnant-gagnant, afin de créer les conditions idoines d’accueil des immigrés en donnant par exemple des perspectives aux populations et en faisant la promotion des investissements.
Je suis pour le métissage des cultures et des compétences. Je suis heureux de commencer cette dynamique avec le Cercle des Economistes qui organise chaque année les Rencontres économiques d’Aix-en-Provence. Il n’y a donc pas mieux que de se donner la main car l’Afrique est la profondeur stratégique de l’Europe. Nos destins sont liés, ne pas comprendre cela, c’est commettre une grande erreur. Entre nos deux continents, je crois qu’il est préférable de construire des ponts plutôt que des murs.
Vous innovez également cette année en lançant un partenariat avec un «think tank» marocain ?
Le deuxième partenaire majeur de cette 19ème édition du Forum de Bamako est en effet le Policy Center for the New South (anciennement OCP Policy Center), un groupe de réflexion marocain basé à Rabat, au Maroc, qui s’efforce de promouvoir le partage des connaissances et de contribuer à enrichir la réflexion sur des questions clés en matière de relations économiques et internationales.
Le Policy Center for the New South va organiser, en marge du Forum de Bamako et en partenariat avec la Fondation Forum de Bamako, un side event le 20 février sur le thème de «la sécurité alimentaire et la transformation structurelle des économies africaines». L’objectif sera de mener une réflexion approfondie autour de plusieurs problématiques comme la transformation de l’agriculture africaine en une puissance agricole, la sécurité alimentaire face à l’explosion démographique, la transformation structurelle des pays africains ou encore le modèle de développement agricole pour les pays africains.
De nombreux forums qui se tiennent sur le continent se terminent par de belles résolutions qui restent le plus souvent dans les tiroirs par manque de volonté politique et de vision des dirigeants africains. Le Forum de Bamako est-il différent ?
Personnellement, je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il faut tout attendre des dirigeants. Un Forum comme le nôtre doit créer des dynamiques intelligentes que nos dirigeants pourront suivre. C’est pourquoi nous faisons toujours le compte-rendu de nos travaux aux plus hautes autorités maliennes, à commencer par le président de la République qui nous reçoit traditionnellement au Palais de Koulouba.
Pour faire bouger les lignes, n’est-ce pas question de volonté politique ?
Je n’en disconviens pas. Quand un investisseur vient s’installer dans un pays pour créer une entreprise, c’est dans le but de gagner de l’argent et non de faire de la philanthropie. Dans le contexte de nos pays où les jeunes constituent la majorité de la population mais sont malheureusement plus touchés par le chômage, ils constituent, de toute évidence, une «bombe à retardement». La réalité impose donc aux dirigeants d’encourager l’emploi jeune, de promouvoir l’entrepreneuriat jeune pour avoir la paix. Le Forum de Bamako réfléchit à toutes ces problématiques.
Comme disait le président de la République Ibrahim Boubacar Keita, «le Forum de Bamako dépasse maintenant la personne de Monsieur Abdoullah Coulibaly. Il est désormais devenu une institution, un des rendez-vous incontournables que l’Etat doit encourager.» Si le chef de l’Etat, lui-même, le dit, c’est à nous, en tant qu’organisateurs, et avec l’aide de nos partenaires, de concrétiser les objectifs fixés. Je suis confiant parce qu’avec la présence des experts du Cercle des Economistes français et du Center for the New South, nous avons espoir d’y arriver. Pour me résumer, je dirais que les responsabilités sont partagées. N’attendons pas tout de nos dirigeants. J’ai foi que, si chacun fait quelque chose à son humble niveau, les choses changeront.
Après dix-huit éditions du Forum de Bamako, quelles en ont été les retombées concrètes pour le Mali ?
En 18 éditions, ma première satisfaction est que le Forum a attiré des investisseurs qui ont créé des entreprises au Mali, je pense au nombre de trois. Je conviens que ce n’est pas assez, mais c’est déjà une avancée. L’autre élément important à prendre en compte, c’est que certaines résolutions du Forum ont servi à des Etats africains qui nous sollicitent. Ce fut par exemple le cas de nos résolutions sur les privatisations ou encore sur l’éducation en Afrique. Il y a aussi de la recherche générée par le Forum. Elle est certes immatérielle, mais elle contribue à formater fortement l’état d’esprit de nos concitoyens. L’innovation cette année est de mettre dans le même panel des décideurs, en l’occurrence des membres du gouvernement et des investisseurs, pour faciliter les mises en relation. Une disposition qui est plus pragmatique pour les affaires et permet d’avancer certainement plus vite sur la conduite des projets et leur mise en œuvre.
Est-il facile d’organiser un événement comme celui du Forum de Bamako, qui est l’initiative privée de la Fondation que vous présidez, en dépit du soutien de l’Etat malien ?
Je dirais tout simplement qu’il faut que les gens comprennent que les espaces de réflexions sont primordiaux pour le développement de nos pays. Je remarque tout simplement que les bonnes volontés ne manquent pas quand il s’agit de mobiliser de l’argent pour organiser un concert ou encore un match de football.
Inversement, quand il s’agit de mobiliser des moyens pour des réflexions, les bonnes volontés se font rares. Nous avons, certes, des difficultés de financement, mais avec le volontarisme et la détermination qui nous caractérisent, nous allons y arriver. Au demeurant, nous tirons aussi les leçons de nos faiblesses. En effet, la mobilisation des ressources pour organiser un événement comme celui du Forum de Bamako est un métier. Nous avons bien compris qu’il nous faut davantage de compétences et d’expertises pour mieux organiser les prochaines éditions. L’an prochain, nous fêterons nos 20 ans de manière grandiose !