Les enseignants des écoles publiques fondamentales et secondaires ont encore entamé, avant-hier, pour la troisième fois une nouvelle grève de 13 jours, jusqu’au 1er mars. Sur une dizaine de revendications, les points d’achoppement entre syndicats enseignants et gouvernement tournent désormais autour de trois points « l’octroi d’une prime de logement » aux enseignants de toutes les catégories ; le point 6 réclamant une « relecture immédiate du Décret N° 529/P-RM du 21 juin 2013, portant allocation d’indemnités au personnel chargé des examens et concours professionnels en ses articles 1, 2 et 3 ». Nous avons promené notre micro dans les rues de Bamako.
Adama Mari Traoré, parent d’élève : « une grève n’est jamais une bonne chose pour un pays »
Je voudrais lancer un appel aux grévistes et au gouvernement afin qu’ils s’asseyent autour d’une table pour parler sincèrement de l’avenir des enfants. Parce que si la grève se perpétue, nous n’aurons pas vraiment d’avenir pour nos enfants. Il n’y aura pas en tout cas l’occasion de pourvoir aux différents postes de responsabilité dont le pays a besoin. Parce que, les enfants vont rater l’occasion de compétir avec les camarades de la sous-région. N’oublions pas que nous évoluons aussi dans un cadre de globalisation et de mondialisation. Notre pays a signé, dans ce sens, des conventions sous régionales et régionales. En effet, nous avons l’obligation de compétir pour les postes avec les diplômés de la sous-région. Si nous n’avons pas le temps d’étudier comme cela se doit, nous ne pourrons pas faire valoir nos diplômes face aux autres.
Boubacar Diallo, parent d’élève : « l’éducation, c’est la vie de la nation »
Je demande aux deux parties de prendre leur responsabilité pour l’avenir des enfants. Que les enseignants laissent des revendications qu’on ne peut pas assumer. Si nous analysons la crise sous l’angle de l’avenir des enfants, il n’y a pas de raison que nous ne nous comprenions pas. Si les enseignants et les élèves sortent chaque jour, l’État quand même prendre toute la mesure de la chose pour prendre les mesures qui s’imposent. Pour résoudre ce problème, il faut que l’État joue son rôle ainsi que les enseignants et les parents d’élèves aussi. Parce que je constate que les parents ont opté pour le silence.
Gaoussou Sissoko, taximan : « Gouvernement irresponsable »
Si les enseignants sont en grève jusqu’à ce jour, c’est que le pays a un gouvernement irresponsable. Le pays a une équipe incapable de gouverner. Parce que toute autorité qui ne peut pas prendre en charge son éducation en main n’a pas sa raison d’être. Je n’accuse pas les enseignants, parce qu’ils ont le droit de travailler dans des conditions dignes. Je crois que ce droit est menacé par l’autorité. Ce que le citoyen ne sait pas, au Mali, les autorités ont bradé l’école malienne. Et les raisons sont là. Tout simplement, elles ont l’argent du contribuable malien pour envoyer leurs enfants à l’extérieur, dans les grandes écoles. Parce que les autorités veulent avoir toujours la main mise sur l’État. C’est pourquoi elle s’en fout de l’éducation des pauvres fils du pays. Même, si les enseignants passent toute l’année sans dispenser de cours, le gouvernement ne perd rien, c’est nous les pauvres qui perdons.
Fatoumata Drabo, 3e année secrétariat l’ECICA : « Risque d’une année blanche »
Je veux que les enseignants se concertent revoir leur position. Sinon, si nous continuons dans ce sens, l’année risque d’être perdue. Même si on trouvait la solution à la dernière minute, cela trouve que beaucoup d’élèves sont découragés. Parce que si l’élève ne va pas à l’école, il n’aura pas de courage d’apprendre ses leçons, de réviser ses anciens cours. Du coup, cette paresse intellectuelle provoque une baisse de niveau. J’en appelle au gouvernement pour qu’il prenne toute sa responsabilité afin de sortir le pays de ces cycles de grève infructueux pour la nation.
Salia Deniel Fomba, agent immobilier : « le boulevard ouvert à la délinquance juvénile »
Nous sommes écœurés par la grève des enseignants, mais on n’a pas le choix. Vraiment, il faut que le gouvernement prenne à bras le corps, ce problème des enseignants pour que les enfants puissent suivre les cours. Sinon, cela peut encourager la délinquance juvénile dans le pays. Parce que, c’est dangereux, si les élèves ne sont pas à l’école.
Yaya Coulibaly, ouvrier : « il faut mettre l’avenir de nos enfants au-dessus de tout »
Cette année, les élèves n’ont pas fait encore trois mois de cours, après plus d’un trimestre du calendrier scolaire. Tout le monde est d’accord que les enfants sont les futurs cadres du pays. Et si ces futurs cadres n’ont pas d’éducation, il serait difficile de parler du Pays. Sans les enseignants, on ne parle pas d’éducation. Je pense aujourd’hui que les élèves ne doivent pas rester les bras croisés parce que les enseignants sont en grève. Ils doivent chercher d’autres perspectives pour sauver leur avenir. Je lancement un appel au gouvernement et aux grévistes afin de mettre l’avenir des enfants au-dessus de tout. J’espère que c’est la meilleure solution de ce problème.
Adja Camara, élève, centre professionnel soumaouro Kanté : « les élèves doivent prendre leur destin en main»
Je veux vraiment que les enseignants arrêtent cette grève. Parce que ça nous met en retard par rapport aux autres pays du monde. Si tu te lèves le matin et qu’il n’y a pas de cour, tu te sens vraiment gêner. Depuis la rentrée scolaire jusqu’à aujourd’hui, les cours ne sont pas régulièrement dispensés dans les écoles publiques. Je salue les enseignants et les directeurs. Parce qu’ils ont voulu faire les examens malgré cette grève. Cela veut dire qu’ils pensent aux enfants. Les enseignants des écoles publiques sont en grève, mais toutes les classes ont pu composer en cette période de grève. Je veux que les élèves se lèvent pour prendre leur destin en main.
Ousmane Keita, partant volontaire à la retraite : « la logique de geler notre école »
IBK nous dit ici que leurs enfants viendront nous diriger. Je crois qu’il est dans cette logique pour geler l’éducation malienne. Lui et les membres de son gouvernement ont les moyens d’envoyer leurs enfants à l’extérieur du pays. La grève des enseignants n’est pas leur affaire. Je pense qu’il est temps que les parents d’élèves et les enseignants analysent ensemble pour sauver l’avenir des enfants.
Mamadou Kanouté, électricien : « ces grèves vont gâcher la carrière de beaucoup d’enfants »
Si je vois les enfants à la maison, à cause de la grève des enseignants, ça m’énerve. Si ce n’était pas les congés, on ne voyait pas les élèves à la maison. Je fais l’électricité. Nous suivions les cours régulièrement, à l’équipe. Aujourd’hui, ces grèves vont gâcher la carrière de beaucoup d’enfants au Mali. Rares sont ceux qui ont des moyens d’aller inscrire leurs enfants dans les établissements privés. Le gouvernement devrait avoir le courage d’empêcher cette grève-là, à travers le dialogue avec les syndicats des enseignants. L’enseignant malien vit avec des stratégies, sinon son salaire est insignifiant. Je souhaite vraiment que le gouvernement trouve une solution rapide à cette grève.