Des enseignants chercheurs de la Faculté des sciences économiques et de gestion de Bamako (Fseg) affirment que le F CFA n’arrange pas les 15 pays de la zone. Ils dénoncent l’attitude de la République française qui, en maintenant le F CFA, soutient, selon eux, une monnaie qui bloque le développement économique des pays de la zone et du continent. Pour en sortir, ils demandent aux Etats une grande concertation avec les intellectuels des pays membres.
Fousseyni Diallo (économiste du développement à la Faculté des sciences économiques et de gestion, Fseg) :
Fousseyni Diallo
« Le franc CFA est un problème pour les économies africaines, mais sur la question du développement, il n’est pas le premier problème auquel il faudrait s’attaquer parce que le développement n’est que le fruit du comportement des hommes. Pour cela, il faut des hommes bien formés, responsables et patriotes.
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Le franc CFA devrait tout simplement faciliter le processus de développement, mais il n’est pas à sa base. Beaucoup pensent que nos pays sont à la traîne à cause du CFA. Non, même si nous parvenons à faire notre propre monnaie, nous ne figurerons pas parmi les continents développés dans l’immédiat. Dans le développement, il n’y a rien d’automatique ; ça se construit et c’est avec des hommes. La monnaie est une question secondaire en matière de développement. Il nous faut de la ressource humaine de qualité. Les Etats qui sont très avancés sur le plan du développement n’ont forcément pas commencé par la monnaie, mais en formant des acteurs du développement. J’invite les dirigeants africains à mettre un accent sur le capital humain.
La monnaie, c’est une affaire secondaire. Il faut que l’Afrique comprenne que la vie est conflictuelle. La nature humaine est faite de telle sorte que quand vous êtes deux dans une équipe, il y a l’autre qui veut toujours avoir le dessus. Pour avoir ce dessus, il faut adopter une stratégie différente de l’autre. C’est ce que la France est en train faire. Je n’en veux pas à la France. C’est sa stratégie pour dominer les Africains. Qu’est-ce que les Africains sont en train de faire pour échapper à cette domination ? Pas grand-chose. Le meilleur moyen, c’est de se former. Si on ne se forme pas, même si on abandonne le F CFA, la France trouvera d’autres stratégies pour encore mieux nous exploiter ».
Lamine Kanté (gestionnaire et enseignant-chercheur à la Fseg) :
Lamine Kanté
« Le franc CFA est un support de pauvreté au Mali et en Afrique. Donc, il faut une coopération forte entre les pays de la zone pour pouvoir faire un partage légal des ressources du franc CFA. A ce moment-là, on pourrait s’attendre à un développement durable. Ce qu’il faut reprocher au franc CFA, c’est la régression des pays de la zone franc, une régression totale, voire le sous-développement. Si les pays de zone du franc décident d’abandonner le CFA, je proposerai une monnaie commune pour toute la zone ».
Mouctar Traoré (chercheur en économie et assistant-vacataire à la Fseg) :
Mouctar Traoré
« Le franc CFA est un système de blocage du développement. D’abord, il tire sa source du colonialisme. C’est le néocolonianisme financier. Tant que nous serons dépendants de la France et du franc FCFA sans notre propre monnaie, nous serons toujours ses esclaves. Les pays de la zone franc devraient s’associer pour délaisser définitivement cette monnaie. Nous ferons certainement face à d’autres défis. Bien que le franc CFA ne nous arrange pas, il a des avantages. Au moins, grâce à lui, il y a de la stabilité économique et sécuritaire. C’est très important à souligner dans un pays comme le Mali. Tant qu’un pays n’est pas sécurisé, il y aura toujours des défaillances. Il faut que nos pays s’associent pour trouver un terrain d’entente afin de bien sortir du CFA. Toutes ces démarches et réflexion devront être faites avec des économistes et des professeurs qui ont fait des études en la matière. Mais, il y a plus d’inconvénients que d’avantages. Un pays ne pourra jamais se développer sans sa propre monnaie. Que les chefs d’Etat et les économistes s’associent pour battre une monnaie africaine ».
Amadou Bamba (économiste des ressources humaines et enseignant-chercheur à la Fseg) :
Amadou Bamba
« Le débat sur le franc CFA est à la une de l’actualité. Une chose est sûre, le franc CFA est aujourd’hui dépassé parce que chaque chose en son temps. On a eu l’évolution du franc CFA. On a débuté avec nos économies, mais aujourd’hui on trouve que c’est un instrument inefficace pour notre économie.
L’abandon du franc CFA n’est pas juste un amusement comme beaucoup le pensent, qu’il s’agit juste de changer seulement un vêtement, non. Je ne le pense pas. Il y a un grand effort derrière. Mais, si nous nous unissons, nous créerons notre monnaie et sa défense devrait passer par des politiques très dures et ça demandera forcément le sérieux de tout un chacun. Si nous devons avoir notre propre monnaie, il faudrait une autre forme de gestion de nos Etats, dans le strict respect de la démocratie ».