On a assez parlé du meeting géant du président du Haut conseil islamique (HCI) tenu le 10 février 2019 au stade du 26 mars, mais il y a un autre aspect à souligner. Celui de la présence des militants de l’opposition politique malienne qui s’affichaient galamment et fièrement aux côtés des imams au stade. Opposition, c’est mal dire parce que les dernières élections ont été fraudées et que c’est une couleur, autre de celle qui devait l’être en réalité, qui est sortie des urnes.
Soumaïla Cissé et Tiébilé Dramé doivent être interpellés. Ils sont en train de reprendre la faute qu’IBK a commise, et qui leur coûtera encore plus cher. Pour accéder à Koulouba, disons à Sébénicoro actuellement, alors que l’écrasante majorité de l’électorat malien militait en sa faveur, on ne sait quelle mouche a piqué IBK pour qu’il s’adresse aux religieux qui hésitaient encore quant au candidat de leur choix. Voici un extrait: Le président du Mouvement Sabati 2012 l’a bien précisé : « IBK s’avérait le cinquième candidat sur leur liste, après Cheick Modibo Diarra, Choguel Kokalla Maïga, Moussa Mara et Mountaga Tall. Ces derniers ont, selon toute évidence, choisi de bien réfléchir avant d’accepter les critères à eux soumis. C’est donc IBK qui s’est engagé. Le vin étant désormais tiré, il faudra le boire.»
Donc, pour damner le pion aux autres, IBK a pactisé, en acceptant de réaliser tout ce que les religieux lui demandaient. Une fois au sommet de l’Exécutif, il a oublié les mains «saintes» qui s’étaient promenées sur sa tête pour des bénédictions. En fait, ces « réformes » exigées par les religieux auraient pu mettre en cause la laïcité de l’Etat malien, prônée dans la Constitution de 1992, et créer ainsi une pente en faveur d’une couche sociale musulmane considérée comme majoritaire, au détriment des autres qui se seraient senties lésées de leurs droits. Il n’en fallait pas plus dans un pays de crise, cherchant à s’en extirper, pour en rajouter à la division. Par orgueil ou par le flair d’un danger imminent, IBK ne s’est pas exécuté après son accession au pouvoir.
Plus encore, il n’a pas nommé à des postes certains éléments que les religieux lui avaient proposés. De l’étonnement d’abord de la part des derniers, et qui a été jugé après comme une sorte de moquerie, ses «maîtres » ont fini par piquer la colère contre lui. Finalement, la brouille est venue, grandissant de jour en jour. Aux dernières élections de 2019, les religieux ont déversé leur bile, appelant à voter contre lui. Les fraudes massives aidant, IBK remporte la comédie électorale. Son camp se met à jeter des pierres dans le jardin des religieux, tentant un rapprochement avec le chérif Ousmane Madani Haïdara et Chouala Bayaya, le même qui s’était dressé contre IBK pour atterrir spectaculairement après dans sa besace de candidat à l’élection présidentielle à cause du fric qu’on lui avait miroité. De moquerie en moquerie, de rivalité en rivalité, le conflit a éclaté.
Le meeting du 10 février et les guerres de vidéo n’en sont que la conséquence. Ces religieux sont de fins calculateurs. Non par le principe du « diviser pour mieux régner », ils agissent plutôt par celui du «choquer pour rester maître du jeu politique». A leur avis, la présence de Soumi champion à leurs côtés devrait faire réfléchir IBK, lui rappeler que son ennemi juré pourrait prendre sa place grâce à leur influence s’il refusait de leur obéir. Ayant déclaré lui-même qu’il doit son élection en 2013 aux musulmans, entendez des leaders religieux, les autres hommes politiques estimeraient ainsi qu’en les religieux, leur tour viendrait plus tôt que prévu, avec le mécontentement général qui s’est emparé de presque tous les niveaux de la société malienne. Il faut noter au passage qu’on ne parle plus d’électorat dans le pays, comme le dit la loi fondamentale qu’est la Constitution, mais de votes musulmans. Ainsi, point culminant de la fourberie, des intrigues et des influences de sous-sol, ce sont les religieux qui sont devenus faiseurs de rois dans le pays !
La présence de Soumaïla Cissé à de tels meetings est une corde qu’il prend à son cou. A supposer qu’il accède au pouvoir dans une telle condition, son règne serait plus lamentable et agité qu’il ne le pense. IBK, le premier traître selon eux, sera parti en douceur. Mais lui, le deuxième traître, n’échapperait pas s’il lui venait en tête de ne pas s’exécuter après. Avec l’exigence du retour de la peine de mort, il serait la première victime de la guillotine religieuse qui plane déjà sur le pays. Espérons que le coup de fil qu’IBK vient de lui passer sera le début d’un dialogue et d’une entente pour éviter de faire descendre le pays dans la fournaise religieuse une fois pour toute.
Quant à Soumeylou Boubèye Maïga, il est un personnage assez controversé du milieu politique malien. Aimé, craint et haï à la fois, il reste le cheval de Troie. De l’incident dans son hôtel de Paris en passant par le très triste voyage de Mara à Kidal, pour finir par le récent scandale dit des 50 millions, alors que les cheminots crèvent de faim sans salaires de 10 mois, il donne bien l’image d’un Caterpillar qui écrase tout sur son passage. IBK le garde à ses côtés comme conquérant manding, rempart et épouvantail. Ce qui n’est pas du goût des religieux qui ne le trouvent pas invincible. Alors, ils l’ont ciblé, exigeant son départ. Malgré la profonde indignation provoquée par l’affaire des 50 millions, si Boubèye part dans ces conditions, les religieux voulant des marionnettes qu’ils peuvent manipuler dans leurs propres intérêts, aucun autre PM ne pourra plus jamais tenir face à eux, parce qu’il sera à titre purement décoratif, sans pouvoir réel. Et le prochain président ne serait ni Soumi champion ni Tiébilé Dramé. Mais un imam qui a fini à peine six classes d’école et qui ira s’asseoir avec des rompus en politique internationale pour parler des affaires du Mali. C’est comme demander à un enfant de deux ans de préparer le repas de fête pour tous. Ce qui fâche est que tous se fichent des Maliens !